de l'ensemble du système.”
au changement climatique qui soit
à la hauteur du problème.”
dans un esprit d'ouverture et de participation....”
pour le défi historique à venir.”
Table des matières
AVANT-PROPOS
I Par Ann Pettifor
II Par Bill McKibben
LISTE DES RECOMMANDATIONS POLITIQUES DU GREEN NEW DEAL
1 INTRODUCTION AU GREEN NEW DEAL POUR L'EUROPE
2 LE CHEMIN VERS UN GREEN NEW DEAL POUR L’EUROPE
2.1 Introduction
2.2 Un Green New Deal pour l’Union Européenne
2.3 Un Green New Deal pour le peuple européen
3 LES TRAVAUX PUBLICS VERTS - TPV
3.1 Le moteur de la transformation économique
3.2 Comment financer le programme des TPV ?
3.2.1 La stratégie financière des TPV
3.2.2 Exploitation de l'investissement public
3.2.3 Les obligations vertes
3.2.4 La gestion macroprudentielle
3.2.5 La fiscalité et les TPV
3.3 Comment répartir le budget ?
3.3.1 Garantir des emplois décents
3.3.2 Habiliter les communautés
3.3.3 Lutte contre la corruption climatique
3.4 Dans quels secteurs investir ?
3.4.1 Habitat
3.4.2 Infrastructures
3.4.3 Services sociaux
3.4.4 Coopératives et projets communautaires
3.4.5 Horizon vert 2030
3.4.6 Industrie
3.4.7 Agriculture et communautés rurales
4 L’UNION ENVIRONNEMENTALE - UEn
4.1 Introduction
4.2 Légiférer de façon urgente
4.2.1 Déclarer l'urgence climatique
4.2.2 Respecter les limites planétaires
4.3 Légiférer pour le développement durable
4.3.1 Interventions fiscales et budgétaires
4.3.2 Transport
4.3.3 Énergie
4.3.4 Chaînes d'approvisionnement
4.3.5 Financement des entreprises, gouvernance et concurrence
4.4 Légiférer pour la solidarité
4.4.1 Agriculture
4.4.2 Commerce
4.4.3 Développement
4.4.4 La directive sur les abus environnementaux
5 LA COMMISSION DE JUSTICE ENVIRONNEMENTALE - CJE
5.1 Introduction
5.2 Structure institutionnelle
5.2.1 Principes
5.2.2 Gouvernance
5.2.3 Compétence
5.3 Dimensions de la justice environnementale
5.3.1 Justice internationale
5.3.2 Justice intersectionnelle
5.3.3 Justice intergénérationnelle
Avant-propos I
Par Ann Pettifor
Pendant trop longtemps, les écologistes européens ont considéré l’écosystème comme étant quasiment indépendant du système économique international fondé sur une finance déréglementée et mondialisée. Un système qui fonctionne au-delà de la portée de la démocratie réglementaire, au-delà de la portée des frontières nationales et régionales, grâce à un crédit “facile” bien que coûteux, pour alimenter la consommation et la production et pour extraire les ressources de l’écosystème. Un système géré par des individus et des entreprises qui n’ont pas de comptes à rendre. Un système qui agit comme s’il n’y avait pas de limite à l’exploitation de la nature et du travail.
Le présent rapport est un projet de réorganisation urgente et à court terme, de ce système. Pour que la société reprenne l’autorité publique sur le système monétaire international, pour le subordonner aux intérêts de la société et de l’écosystème. Le Green New Deal pour l’Europe est un pas de géant dans la concrétisation de ce changement.
Nous pouvons – et pour survivre nous devons – transformer le système défaillant du capitalisme financiarisé qui menace aujourd’hui de provoquer l’effondrement des systèmes de survie de la Terre et, avec eux, la civilisation humaine. Nous devons le remplacer par un système respectueux des limites ; un système qui nourrit et prend soin des sols et des aquifères, tient compte des précipitations, de la glace, de la configuration des vents et des courants, des pollinisateurs, de l’abondance et la diversité biologique. Un système qui assure la justice sociale, politique et économique.
Nous savons qu’en une dizaine d’années, ce qu’il nous reste selon les scientifiques de l’ONU, il est possible de réaliser une telle transformation. L’une des raisons pour lesquelles le changement est réalisable est ce fait important : seulement 10 % de la population mondiale est responsable de 50 % des émissions totales. S’attaquer aux habitudes de consommation et en matière de transports aériens de seulement 10 % de la population mondiale devrait permettre de réduire de 50 % les émissions totales en très peu de temps. Cette compréhension nous aide à saisir le rythme et l’étendue de ce qui est possible si nous croyons véritablement que la dégradation du climat menace la civilisation humaine et les systèmes naturels dont nous dépendons.
Notre confiance devrait découler d’une part, de notre connaissance du génie humain, de l’empathie, de l’ingéniosité, de la collaboration, de l’intégrité et du courage ; et d’autre part, d’une compréhension de notre système économique et, en particulier, de notre monnaie et de nos systèmes monétaires. Nous savons qu’il est possible de transformer le système financier mondial, de rendre le financement de l’énorme mission de protection de l’écosystème possible et de mettre fin à l’injustice sociale, parce que nous l’avons déjà fait dans un passé relativement récent.
Le Green New Deal pour l’Europe s’inspire du New Deal du président Roosevelt, parce que son administration a suspendu l’étalon-or* (le système financier mondialisé de son époque) et a privé Wall Street de son pouvoir de dicter la politique économique. Dès que le gouvernement a été élu à la tête de l’économie et que Wall Street a été mis au service des intérêts du peuple et de la nature, il est devenu possible de résoudre la crise bancaire de l’époque, de mettre fin à la Grande Dépression, de lever des fonds et d’utiliser la politique fiscale pour créer des emplois et des revenus et mettre fin aux inégalités.
Plus important encore, il est devenu possible de faire face à la crise écologique de l’époque : la “cuvette à poussière “. L’administration l’a fait en embauchant des travailleurs pour planter trois milliards d’arbres, ralentir l’érosion des sols sur 40 millions d’acres de terres agricoles, construire 13 000 miles ( 20 921 Kms) de sentiers de randonnée et aménager 800 nouveaux parcs nationaux.
Telle est la puissance potentielle du Green New Deal pour l’Europe. Elle repose sur l’idée que la finance, l’économie et l’écosystème sont étroitement liés et que la transformation du système économique est essentielle à la transformation de l’écosystème.
Avec confiance, courage et espoir, nous pouvons lutter contre la dégradation du climat, restaurer la biodiversité et sauver la planète. Ce rapport définit les mesures que nous, Européens, devons prendre pour atteindre cet objectif.
Décembre 2019
* NDLR: L’étalon-or est un système monétaire dans lequel l’unité de compte ou étalon monétaire correspond à un poids fixe d’or. Dans ce système, toute émission de monnaie se fait avec une contrepartie et une garantie d’échange en or.
Avant-propos II
Par Bill McKibben
Deux tendances particulièrement néfastes ont commencé à dominer la vie sur cette planète : la destruction de notre environnement et le creusement continu des inégalités.
Chacune d’entre elles est incroyablement dangereuse : les crises climatiques et environnementales nous rapprochent d’une extinction globale d’une ampleur inobservée depuis des millions d’années. Les inégalités contribuent à déstabiliser la vie politique dans les pays du monde entier. Ces bouleversements sont, bien sûr, liés par bien des façons entre eux. Dans ce contexte, la nécessité d’une action gouvernementale efficace et immédiate pour aider à ralentir la hausse de la température de la terre n’est pas des moindres. C’est pourquoi il s’agit d’un document d’une importance remarquable. Le Green New Deal pour l’Europe est la première tentative de réponse politique au changement climatique de la même ampleur que le problème lui-même, et il reconnaît que toute réponse à la crise du climat et de l’environnement doit nécessairement tenir compte de l’austérité et de la myopie économique qui paralysent actuellement nos sociétés.
En réalité, ce n’est pas impossible. C’est même plus simple que de vouloir perpétuer le statu quo.
Les ingénieurs ont fait leur travail en abaissant considérablement le coût de production des énergies éolienne et solaire, créant ainsi des solutions viables. Maintenant, les citoyens doivent faire leur part avec les mêmes succès. Nous devons ouvrir la voie au déploiement de ces nouvelles technologies à un rythme qui rattrape celui du réchauffement climatique. Nous devons profiter de l’opportunité économique que représente ce plan pour inverser le flux des inégalités, changer le sens du courant et tendre vers toujours plus de justice économique.
Les institutions évoquées dans ce rapport permettront au moins de commencer ce travail. Mais l’un de ses postulats cruciaux est que les réponses à ces crises doivent être vivantes et dynamiques. Cela me rappelle le New Deal original, une réponse à la dépression annoncée par Franklin D. Roosevelt il y a presqu’un siècle. Sous sa direction, s’est mise en place une période d’expérimentation intense où des solutions ont été testées l’une après l’autre, rejetant les échecs, et améliorant celles qui fonctionnaient. Dans de nombreux cas, ces politiques creusaient les inégalités sociales et économiques, sur des bases ethniques et de genre. Mais le New Deal original consacrait les principes de démocratie et de justice. Nous devons l’imiter – et l’améliorer radicalement – à cet égard.
Roosevelt a inauguré le New Deal en ces termes : “Il n’y a rien d’autre à craindre que la peur elle-même.” Nous n’avons pas cette assurance, malheureusement. Il y a beaucoup à craindre sur une planète dont les calottes glaciaires fondent, où les océans s’élèvent et où les villes se réchauffent dramatiquement. Mais il y a aussi beaucoup à espérer : par-dessus tout la solidarité humaine doit être prioritaire, s’élever au-dessus de l’exploitation sordide de notre planète mise en place ces dernières décennies, et viser un monde qui peut être à la fois chéri et soutenu.
Août 2019
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Introduction
Aujourd’hui, l’Europe est confrontée à trois crises qui se chevauchent, toutes de sa propre responsabilité.
La première crise est économique. Les inégalités en Europe sont à un niveau historique : les 10% des ménages les plus riches possèdent la moitié des richesses du continent tandis que les 40% les plus pauvres n’en ont que 3%.1M. Förster, A.L. Nozal and C. Thévenot,”La fracture sociale en Europe” (en anglais) Centre de l’OCDE pour l’égalité des chances, 2017, consulté le 31 juillet 2019, [lien] Ce n’est pas l’histoire d’une “vague soulevant tous les bateaux en même temps” (ndt : une économie croissante bénéficiant à tous). La proportion de travailleurs vivant dans la pauvreté est en augmentation. En 2016, 118 millions d’Européens, soit près d’un Européen sur quatre, étaient menacés de pauvreté ou d’exclusion sociale, les taux de sans-abris augmentant sur tout le continent.2Emilio Di Meglio et al. (eds),”Conditions de vie en Europe”, Eurostat, 2018, p.26, (consulté le 15 juillet 2019) [lien] ; C. Serme-Morin “Les sans-abri en Europe – Augmentations de l’exclusion liée au logement’, ( en anglais) FEANT-SA, Rapport, 2017, p.2, (consulté le 15 juillet 2019). [lien] Même dans des pays dits prospères comme l’Allemagne, le taux de précarité n’a cessé d’augmenter ces deux dernières décennies.3N. Grevenbrock et al, “Germany – Selected Questions”, Fond Monétaire International, 2017, p.24.
Il s’agit d’une crise intentionnelle. La politique d’austérité, qui consiste à limiter considérablement la capacité de dépense du secteur public, a été intégrée dans les traités européens et renforcée dans le cadre d’accords ultérieurs. Cette politique a été particulièrement dévastatrice pour les femmes, les enfants, les handicapés et les minorités raciales. Et elle a privé l’Europe d’investissements dans les services publics, dans la formation des travailleurs et dans les infrastructures. Encore une fois, même en Allemagne – tout comme en France, en Espagne et en Italie – l’investissement public net a récemment chuté en dessous de zéro.4Fonds monétaire international,”Capitaliser sur les bons moments”, 2018. (en anglais) IMF Fiscal Monitor, 201, (consulté le 1er août 2019). [lien]
La seconde est une crise climatique, écologique et environnementale. Comme le note Bill McKibben dans l’avant-propos du présent rapport, nous vivons déjà une extinction massive : les sols se dégradent,5P. Panagos et al., «La nouvelle évaluation de la perte de sol due à l’érosion hydrique en Europe» (en anglais), Science environnementale et politique, vol 54, pp. 438-447. Voir aussi “Indicateur agro-environnemental érosion des sols”, Eurostat, novembre 2018, (consulté le 1er Août 2019). [lien] la terre se réchauffe, la glace fond,6N. Christidis, G. S. Jones and P. A. Stott,«Augmentation dramatique du risque d’étés extrêmement chaud depuis la canicule européenne de 2003”, vol 5, 2015,pp. 46–50.(en anglais) [lien] les océans s’acidifien7 IPBES, IPBES Secretariat, “Évaluation globale rapport sur la biodiversité et les services écosystémiques de la Plateforme inter- gouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques” (en anglais) [lien] “Plateforme politique sur la biodiversité et les services écosystémiques: 2.2.5.2.1 Structure d’écosystème”, Bonn, Allemagne, 2019 [lien] (consulté le 15 juillet 2019).
et les espèces, les unes après les autres, disparaissent de la planète,8Ibid., 2.2.5.2.4, ‘Populations d’espèces”.
tandis qu’augmentent les quantités de gaz à effet de serre rejetées dans l’atmosphère.9Laboratoire de recherche sur le système terrestre, “Tendances du dioxyde de carbone atmosphérique” [lien] (consulté le 10 juillet 2019) ; “Tendances du méthane atmosphérique” [lien] (consulté le 10 juillet 2019) ; “Indice annuel des gaz à effet de serre NOAA” (Introduction) (en anglais) [lien] (consulté le 11 juillet 2019)
Une grande partie de la planète pourrait devenir inhabitable si nous ne changeons pas nos habitudes au plus vite.10D. Shindell et al., “Avantages quantifiés et localisés pour la santé d’une réduction accélérée des émissions de dioxyde de carbone”, [lien] (en anglais) Nature Climate Change, 8(4), 2018, p. 291. [lien]
Figure 1 - LES BANDES DE RÉCHAUFFEMENT DE L'EUROPE
Températures moyennes annuelles pour 45 pays européens de 1850 à 2018, d'après les données du UK Met Office.
Source: Ed Hawkins, Berkeley Earth, NOAA, UK Met Office, MeteoSwiss, DWD.
Cette crise est, elle aussi, le produit de nos décisions politiques. Des siècles de pollution subventionnée et de négligence imprudente des discours scientifiques ont fait des ravages non seulement en Europe, mais dans le monde entier.11 Coady et al., “Quelle est l’ampleur des subventions mondiales aux combustibles fossiles?” [lien] (en anglais), Développement mondial, vol 91, 2017, pp. 11-27 [lien]
Au total, 75% de l’environnement terrestre a été “gravement altéré” par les activités humaines,12IPBES 2019 inaugurant une nouvelle ère géologique marquée par l’empreinte de l’humanité sur l’environnement dans lequel nous vivons.
La troisième crise est une crise démocratique. Dans toute l’Europe, les citoyens font état d’une profonde méfiance à l’égard des institutions politiques – selon l’Eurobaromètre, seuls 42% des citoyens font confiance à l’UE ; 34% seulement font confiance à leur gouvernement national),13Direction générale de la communication, Commission européenne. Eurobaromètre standard 89, “L’opinion publique dans l’Union européenne”, mars 2018. (PDF en français)
et ont un sentiment de perte de prise sur leur vie économique. Les institutions de l’Union européenne, en particulier, continuent de privilégier la sagesse des décideurs technocratiques au détriment des besoins des communautés qui composent son Union. Les voix des communautés de première ligne, les plus touchées par la dégradation de l’environnement, sont rarement entendues à Bruxelles.
Ces crises sont liées entre elles. L’attachement aux politiques économiques du passé, axées sur la croissance a empêché les gouvernements européens de prendre les mesures nécessaires pour remédier à la crise climatique. Le résultat est communément connu sous le nom de “zéro noir” (Black Zero) : une poursuite fanatique de “budgets équilibrés” a empêché toute réponse gouvernementale aux preuves scientifiques – alors même que des vagues de chaleur historiques frappent l’Europe,14A. Freedman, “Un “ dôme de chaleur” géant au dessus de l’Europe atteint des températures records et c’est en mouvement” ( en anglais) Science Alert, [lien] (consulté le 25 Juillet 2019). que des feux de forêt désastreux ravagent ses villes et villages,15G. Trompiz and J. Faus, “Les feux de forêt et les coupures de courant touchent les Européens, alors que la vague de chaleur bat des records », (en anglais) Reuters, 29 juin 2019, [lien]
que de graves sécheresses pèsent sur ses récoltes,16C. Harris. “La chaleur, la misère et les récoltes horribles : La sécheresse en Europe expliquée “, (en anglais) Euronews, 12 août 2018, [lien] en anglais (consulté le le 15 Juillet 2019).
et que des milliers de gens envahissent les rues pour exiger des législateurs européens une réponse à la crise actuelle.
Les inégalités sont également liées plus directement au changement climatique. Les 10 % les plus riches de la population sont responsables de 49% de toutes les émissions liées à notre mode de vie – une mesure de ce que nous émettons dans notre vie quotidienne. Leur empreinte carbone moyenne est 60 fois plus élevée que celle des 10% les plus pauvres.17 «Extrême inégalité de carbone – Pourquoi l’accord de Paris sur le climat doit donner la priorité aux personnes les plus pauvres, émettant le moins et aux plus vulnérables» (français), Oxfam Media Briefing, 2 December 2015 (consulté le 4 Août 2019) p. 4 [lien].
En même temps, seulement 100 entreprises sont responsables de 71% de toutes les émissions mondiales.18 P. Griffin, “La base de données Carbon Majors -CDP Carbon Majors Report 2017”, CDP Report, Juillet 2017, [lien], (consulté le 4 Août 2019).Les tactiques de lobbying agressives employées par ces entreprises pour rallier les législateurs européens à leur cause – plus de 250 millions d’euros de lobbying ont été versés aux grands groupes pétroliers et gaziers rien que depuis 2010 19 Observatoire de l’Europe des entreprises. “Les grands groupes pétroliers et gaziers ont dépensé plus de 250 millions d’euros pour faire pression sur l’UE “, 23 octobre 2019 https://corporateeurope.org/en/2019/10/big-oil-and-gas-spent-over-250-million-euros-lobbying-eu – illustrent le lien étroit entre les trois crises européennes superposées.
Un mouvement se développe pour assurer un avenir meilleur. Dans les villes sur tout le continent, les étudiants font grève pour exiger une réaction radicale à la crise environnementale. Leur activisme s’est propagé. Aujourd’hui, dans de nombreuses régions d’Europe, les électeurs considèrent les crises climatique et environnementale comme leur priorité absolue20Euronews, “Selon une enquête menée, l’environnement est une priorité absolue pour les électeurs européens”, Euronews, 29 Avril 2019, [lien] (consulté le 10 Juillet 2019).
L’édifice politique européen s’est efforcé de paraître favorable envers les étudiants en grève et d’agir rapidement pour répondre à leurs préoccupations. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission Européenne, s’est engagée à conclure un “pacte vert” (“Green deal”) et à faire de l’Europe “le premier continent climatiquement neutre du monde”. “Je veux que le Pacte vert européen devienne la marque de fabrique de l’Europe”, a-t-elle déclaré en septembre 2019.
Mais le contenu de cet “Accord Vert” est lamentablement inadapté au défi à relever. En taille, en rapidité, en ampleur et en portée, le plan n’atteint pas le niveau du consensus scientifique sur les exigences d’une transition juste et efficace. Elle laisse intacte l’architecture économique de base de l’UE qui a créé les crises sociales et écologiques auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui : une architecture axée sur la croissance et le profit plutôt que sur les peuples et la planète. Selon les normes énoncées dans notre publication sur les 10 piliers21D. Adler and P. Wargan, ‘10 Pillars of the Green New Deal for Europe’, Green New Deal for Europe, 2019, [lien], (consulté le 8 Novembre 2019)., de notre campagne, le “Green Deal” d’Ursula von der Leyen n’est donc pas à considérer comme un “Green New Deal”.
Le présent rapport – une version mise à jour de la première édition diffusée pour consultation publique en septembre 2019 – est donc la vision la plus complète d’un Green New Deal pour l’Europe. Il a bénéficié de l’expertise, de la supervision et de la créativité de centaines d’activistes, de scientifiques et de décideurs politiques qui ont contribué à transformer ce Plan directeur en un document visionnaire pour tracer la voie d’un programme vert en Europe.
Ce programme se compose de trois grandes initiatives:
- Le programme des TRAVAUX PUBLICS VERTS (TPV) : un programme d’investissement pour lancer la transition écologique et sociale en Europe.
- L’UNION ENVIRONNEMENTALE (UEn) : un cadre réglementaire et juridique pour assurer une transition rapide et équitable de l’économie européenne, sans transférer les coûts du carbone aux communautés de première ligne.
- La COMMISSION POUR LA JUSTICE ENVIRONNEMENTALE (CJE) : un organe indépendant chargé d’étudier et de veiller à l’application de nouvelles normes de “justice environnementale” en Europe et parmi les multinationales opérant en dehors de ses frontières.
Notre Plan directeur offre aux dirigeants, aux militants et aux communautés européens un programme complet – et réaliste – pour que l’Europe puisse relever l’ampleur du défi historique qui l’attend. Bien calibrées et mises en œuvre en urgence, les politiques proposées dans le présent rapport pourraient permettre à l’Europe d’atteindre l’objectif de zéro émissions nettes de CO2 à l’horizon 2025 – un objectif conforme au principe d’équité tel qu’il est inscrit dans la clause des “responsabilités communes mais différenciées” dans l’accord de Paris sur le climat.
Compte tenu de la grande responsabilité historique de l’Europe en matière d’émissions et de sa capacité technologique et financière, elle doit montrer la voie à suivre.
Mais, pour être efficaces, les politiques proposées dans ce rapport ne peuvent pas être appliquées partiellement. Leur mise en oeuvre doit être basée sur la coordination entre tous les secteurs – depuis l’agriculture et la planification urbaine à l’utilisation de l’eau, en passant par l’industrie – pour permettre une meilleure connaissance des forces interdépendantes qui sont à l’origine de la dégradation environnementale.
Ces politiques doivent être élaborées dans l’esprit de Roosevelt : “l’expérimentation audacieuse et incessante”. “Le bon sens veut que l’on prenne une méthode et qu’on l’essaie. Si elle échoue, admettez-le franchement et essayez-en une autre.” disait Roosevelt. “Mais surtout, tentez quelque chose.”22Institut Roosevelt, “Expérimentation audacieuse et persistante contre persistance audacieuse”, Institut Roosevelt, 6 mai 2011, consulté le 21 octobre 2019. [lien].Cela implique de sortir du statu quo et d’arrêter le “recyclage” des solutions qui ont échoué.
Il n’est pas suffisant, donc, de proposer un plan et d’espérer que les dirigeants européens en verront la sagesse. C’est pourquoi notre Plan directeur inclut un chapitre “Vers un Green New Deal pour l’Europe”, montrant comment des assemblées populaires – démocratiquement élues et organisées localement – peuvent mener cette vision à sa concrétisation. Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre : nous devons commencer à travailler à une transition juste dès aujourd’hui.
Ce rapport vise à montrer comment.
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Vers un Green New Deal pour L’Europe
Un plan pour amener le Green New Deal dans les communautés à travers l'Europe.
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Introduction
Développé par une coalition d’activistes, d’économistes, de scientifiques et de syndicalistes, ce Plan directeur offre une vision politique globale d’une transition juste en Europe. Mais le travail ne peut s’arrêter là : une vision politique n’a pas de sens sans stratégie pour la réaliser. “Le Green New Deal ne peut être qu’une campagne, écrivent Fatima Zahra-Ibrahim et Hannah Martin. Il doit s’agir d’un mouvement social.”23 F. Zahra-Ibrahim et H. Martin, «Green New Deal Politics: From Grassroots to Mainstream», série de rapports Common Wealth Green New Deal, 27 août 2019, [lien] (en anglais); (consulté le 8 Novembre 2019).
Ce chapitre, qui vient s’ajouter à la première édition du Plan directeur, décrit les voies menant au Green New Deal pour l’Europe, qui partent de la base et se terminent par la mise en œuvre des politiques.
Il présente deux voies d’accès:
La première, un Green New Deal pour l’Europe, fait valoir qu’un mouvement transnational, construit autour des préoccupations des communautés de première ligne à travers le continent, peut confronter l’UE et insérer ses exigences au cœur de ce que l’on appelle le ” Green Deal européen “, qui comble le déficit démocratique au sein de l’UE.
La seconde, un Nouveau Pacte Écologique populaire pour l’Europe, part du principe que l’UE s’est révélée être un gestionnaire peu fiable – sinon hostile – de l’agenda de la justice environnementale, et établit un plan pour organiser des assemblées populaires aux niveaux municipal, régional, national et européen afin de débattre et de mettre en œuvre les politiques définies dans ce Plan directeur.
Les mouvements anti-systémiques ont longtemps lutté pour définir une orientation stratégique. L’objectif est-il de saisir le système actuel pour assurer une transition juste ? Ou s’agit-il de démanteler le système et de le remplacer par un autre qui le fera ? La prémisse de ce chapitre est que ces voies ne s’excluent pas mutuellement. Aucun mouvement social en faveur d’un Green New Deal ne peut se permettre d’ignorer l’UE en tant qu’ensemble d’institutions de coordination puissantes et le lieu d’une mobilisation politique continentale capable de répondre à l’ampleur du défi immédiat qui se présente. En effet, le ” Green Deal ” de la Commission fournit un objectif clair pour lequel les militants peuvent se mobiliser.
De même, aucun mouvement social en faveur d’un Green New Deal ne peut se passer des Assemblées Populaires comme outil essentiel pour garantir que notre transition verte repose sur des principes démocratiques – et ne tombe pas dans le piège de la législation du président Emmanuel Macron à propos de la taxe sur les carburants, qui oppose les besoins de la communauté au programme vert. Ce n’est qu’en suivant les deux voies – simultanément – que nous pourrons réaliser toute la portée de cette vision politique.
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Un Green New Deal pour l’Union Européenne
Le but principal du Plan Directeur pour une Transition Équitable en Europe est de traduire les ambitions profondes du Green New Deal dans un volet politique pour l’Union Européenne (UE). Il est destiné à l’UE pour trois raisons principales. D’abord, parce que l’UE a une obligation historique de mener la transition écologique mondiale Ensuite, parce que l’UE a les institutions et les outils politiques nécessaires pour la réaliser. Enfin, parce que l’UE continue à souffrir d’une dangereuse crise de légitimité, qui ne peut être résolue qu’en prenant en compte les préoccupations climatiques des Européens et en améliorant leur niveau de vie, en d’autres termes, en mettant en place un Green New Deal pour l’Europe.
La publication de ce Plan Directeur coïncide avec une occasion unique de faire avancer le programme du Green New Deal dans l’Union Européenne. Les élections européennes de mai 2019 ont vu une ‘vague verte’ déferler sur l’Europe, au moment où des millions de jeunes électeurs faisaient entendre leurs revendications d’une action rapide pour endiguer la crise environnementale. Tandis que des étudiants se mettent en grève sur tout le continent, Ursula von der Leyen engageait la Commission Européenne à produire un ‘Green Deal’ (un Accord Écologique Européen) dans les 100 premiers jours de son mandat, promettant de faire de l’Europe le premier contient à émissions de carbone neutre du monde.
Les commentateurs ont salué la politique visionnaire du ‘Green Deal’ de l’Union Européenne, qui promet de débloquer des milliards d’Euros en investissements ‘durables’, de mettre en œuvre des normes réduisant les émissions de CO2, de redoubler d’efforts sur les objectifs climatiques de l’Europe et de faire plus pour protéger la biodiversité sur tout le contient.
Mais bien que la Commission Européenne ait fait une avancée indiscutable dans ses engagements rhétoriques envers une “transition équitable pour tous”, les décisions politiques afférentes manquent de vigueur, d’ambition et de crédibilité pour y parvenir. La formulation d’Ursula von der Leyen en est révélatrice : plutôt que d’endosser la tradition du New Deal de Franklin D. Roosevelt, elle a soigneusement excisé le mot ‘New’ (nouveau) de son ‘Green Deal’. Par cette précaution oratoire, la vision d’une justice économique, sociale et écologique redevient l’habituel “euro-langage”, et une stratégie pour maintenir le statu quo.
Comme mentionné dans les 10 piliers du Green New Deal pour l’Europe – et, de fait, comme souligné dans le préambule de l’Accord de Paris24Accord de Paris, (adopté le 12 décembre 2015, entré en vigueur le 4 novembre 2016), Recueil des traités des Nations Unies, [lien] (en français) (consulté le 9 novembre 2019). de 2015 – la démocratie est une partie fondamentale du programme de justice environnementale. “La transition écologique européenne ne pourra pas être insufflée par le sommet. Elle doit encourager les citoyens et les communautés à prendre eux-mêmes les décisions qui bâtiront leur avenir.”25D. Adler et P. Wargan.
Mais le ‘Green Deal’ d’Ursula von der Leyen ne pourra que renforcer le déni de démocratie qui est au cœurcoeur de l’Union Européenne. Le soi-disant ‘Plan d’Investissement Durable Européen’ ne donne pas les moyens aux communautés, aux mairies ni aux régions d’investir dans des logements ou des infrastructures. A la place, il subventionne des investisseurs privés, socialisant ainsi les risques de la transition écologique tout en privatisant les gains. Les habitants de l’Europe n’ont pas leur mot à dire sur le processus de décarbonation de l’Europe. Sur tout le continent, des millions de personnes ne se reconnaissent pas dans les mouvements écologistes. De fait, dans les pays dépendants des énergies fossiles comme la Pologne et la Hongrie, le dérèglement climatique peut apparaître moins menaçant que les propositions pour le combattre. La proposition actuelle de ‘Green Deal’ en est l’illustration. En adoptant une approche descendante, l’Union Européenne échoue à démontrer à ces communautés comment la transition écologique peut leur être bénéfique, en construisant des logements plus performants, en garantissant de meilleurs emplois, et en leur assurant un plus grand contrôle sur leur vie. Ainsi, l’Union Européenne a semé les germes de son propre échec.
La proposition d’Ursula von der Leyen représente néanmoins une victoire pour le mouvement écologiste et une occasion de mettre la pression sur les institutions européennes. Des deux côtés de l’Atlantique, l’activisme radical a placé l’idée d’un Green New Deal à l’ordre du jour politique. Il faut y voir un précédent et un signal qu’il nous faut dessiner nous-mêmes les lignes d’en-but.
Le chemin vers un Green New Deal pour l’Europe part donc des communautés de l’Europe.
La première étape est de présenter le Green New Deal pour l’Europe aux communautés des différents états membres européens et d’intégrer leurs principales préoccupations dans la définition de justice écologique. Pour certains, la justice consiste à s’attaquer au chômage des jeunes. Pour d’autres, elle consiste à assurer un meilleur chauffage en hiver. La décarbonation, en tant que projet politique de masse, a la capacité de traiter ces deux préoccupations et de mobiliser les communautés qui en font état.
La deuxième étape consiste à réunir ces communautés autour d’une vision partagée de l’Union Européenne. En Europe, le débat sur le climat est souvent vu comme un jeu à somme nulle : les “pays du sud” sont opposés aux “pays du nord” ; les emprunteurs sont opposés aux prêteurs ; les économies ‘propres’ aux économies basées sur le charbon. Le Green New Deal pour l’Europe se base sur l’idée que la transition écologique peut être à somme positive et les règles que nous posons dans ce Plan Directeur l’illustrent clairement. La voie d’accès au Green New Deal pour l’Europe passe par la montée en puissance d’un mouvement transnational qui peut, malgré la diversité des revendications, réunir sous une vision politique unique.
La troisième et dernière étape est d’amener ce mouvement jusqu’aux institutions européennes. Le manque de démocratie dans l’Union Européenne n’est pas seulement dû à sa construction institutionnelle, il est aussi dû à l’isolement de l’Union des pressions démocratiques qui émergent dans ses villes et ses régions. Le défi à relever pour un mouvement trans-européen pour un Green New Deal est là, dans la canalisation des énergies d’activistes de tout le continent en vue d’un affrontement avec les institutions sises dans la capitale belge par des grèves et des sit-ins, des blocages et des manifestations, en bref par tout l’arsenal de l’action directe et de la désobéissance civile.
Figure 2.
Un Green New Deal pour l’Union Européenne
Stratégie de mobilisation des citoyens de toute l’Europe pour pousser les institutions européennes à adopter des textes plus ambitieux et radicaux.
Mais si ce Green New Deal pour l’Union Européenne propose un balisage vers un activisme citoyen à Bruxelles, il doit aussi permettre de mobiliser les législateurs européens dans leur propres communautés et les états membres de l’UE sur tout le continent. Les activistes de toute l’Europe peuvent se coordonner pour faire parvenir leurs revendications communes aux parlementaires et commissaires européens dans leurs pays d’origine. Par ailleurs, ils peuvent solliciter les élus nationaux qui prennent part à la négociation des propositions législatives de la Commission auprès du Conseil Européen. En d’autres termes, les actions locales peuvent toucher tous les niveaux du processus législatif de l’U.E. De même, des actions en justice au niveau national sur des sujets allant de la justice environnementale aux droits sociaux peuvent mener à un ensemble de jurisprudences européennes en établissant des précédents et en donnant plus de poids aux actions suivantes. Cette logique de confrontation vise à pousser les communautés d’Europe à contrer les institutions européennes qui semblent vouloir ignorer la crise climatique et environnementale telle que celles-là la perçoivent, et à recruter des alliés au sein même de ces institutions pour porter ce programme en leur nom.
L’autre voie nécessaire pour aboutir à un Green New Deal pour l’Union Européenne passe par une logique d’institutionnalisation. Historiquement, les mouvements anti-système ont autant eu du mal à exprimer des revendications politiques claires qu’ils ont failli à définir des stratégies institutionnelles permettant d’y répondre. L’agenda climatique et environnemental offre une occasion politique unique : les préoccupations du grand public coïncident de plus en plus avec les revendications des militants populaires, ce qui donne une force électorale capable de porter des campagnes politiques. Une tâche cruciale pour les militants est donc d’identifier et de promouvoir des expressions électorales de leurs propres revendications, pour transformer l’Union Européenne de l’intérieur.
L’Union Européenne a de bonnes raisons de relever ce défi. La crise de légitimité au sein de l’Union est toujours aussi grave et la fragmentation des groupes politiques européens va probablement aboutir à une paralysie et une rupture de fonctionnement des institutions de l’U.E, qui à son tour aggravera encore la crise.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a présenté son pacte vert (“Green deal”) le 11 décembre dernier. C’est le moment ou jamais de s’unir et revendiquer une action plus radicale sur l’Union Européenne. Nous ne pouvons pas nous permettre de négliger cette crise et de passer à côté de l’opportunité de nous faire entendre.
Action Recommandée : Introduire des processus démocratiques dans le ‘Green Deal’ européen en employant la totalité de l’arsenal de la désobéissance civile.
Action Recommandée : Organiser une coalition citoyenne transnationale pour faire campagne, faire du lobbying et adresser des pétitions aux fonctionnaires européens, tant à Bruxelles que dans tous les Etats membres, pour mettre la pression autour des revendications essentielles du Green New Deal pour l’Europe.
Action Recommandée : Mettre sur pied une équipe juridique trans-européenne pour remettre en question la législation et coordonner les recours judiciaires au nom d’un objectif commun de justice climatique, environnementale et sociale.
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Un Green New Deal pour le peuple
Nous devons garder les yeux ouverts. Les responsables des institutions de l’Union Européenne ont démontré à de nombreuses reprises qu’ils ne voulaient pas reconnaître l’étendue et l’urgence de la crise climatique et environnementale. Au contraire, les décisions politiques telles que le Programme d’Assouplissement Quantitatif de la Banque Centrale Européenne (Quantitative Easing, “QE”), introduit sous les auspices de la reconstruction économique,ont en réalité activement encouragé la destruction de l’environnement.26Voir Sini Matikainen et al, “L’impact climatique de l’assouplissement quantitatif”, Document d’orientation, Grantham Research Institute on Climate Change and the Environment, mai 2017 [lien]
L’adoption rapide d’un “Green Deal” dans l’Union Européenne et l’apparition de mots-clés comme ‘économie circulaire’ et ‘de la ferme à la fourchette’ dans la feuille de route de la Présidente de la Commission Ursula von der Leyen sont des signes positifs. Mais aucun mouvement social ne peut tenir sur les sables mouvants des caprices des politiques : le Green New Deal doit construire ses propres fondations pour organiser les communautés et former un consensus entre elles. Cette stratégie est plus qu’un plan B : c’est une composante essentielle de la justice environnementale.
C’est pourquoi nous proposons de former des Assemblées Populaires pour la Justice Environnementale en guise de second pilier du Green New Deal pour l’Europe.
Une assemblée populaire est une forme de démocratie directe et délibérative qui poussent les citoyens et habitants de tous bords à élaborer des solutions à des problématiques communes. Actuellement, les mouvements pour le climat, qu’il s’agisse des étudiants en grève, d’Extinction Rébellion ou des Gilets Jaunes, ont mis en avant un ennemi commun : le dérèglement climatique et environnemental. Mais il leur manque encore à formuler des revendications partagées.
Ce programme directeur fournit un cadre global pour une transition équitable en Europe, mais doit être complété par une délibération de la base pour déterminer comment les ressources mises à disposition du programme ”Travaux Publics Verts” seront utilisées. Aucune campagne, aucun mouvement ou syndicat, aucune ONG ou parti politique ne peut définir à lui seul un plan d’action climatique. Les Assemblées Populaires pour la Justice Environnementale offrent un processus partagé pour développer un tel plan.
“Los Indignados” – Mouvement des Indignés : Un modèle pour activer la base
En 2011, une série de manifestations se produisirent en Espagne. Organisés par Democracia Real Ya (Vraie Démocratie Maintenant), ces rassemblements protestaient contre la crise économique qui avait englouti le pays. Ils se sont vite transformés en un mouvement.
Le mouvement “Los Indignados” (Les Indignés) s’est mis à organiser des occupations d’espaces publics en Espagne toutes les semaines. Là, se sont formées des assemblées publiques, débattant d’idées de changement et prenant des décisions collectives. Tout un chacun était invité à parler et se prononcer. Personne n’a jamais opposé de veto.
Cette culture de participation populaire a donné naissance à de nouveaux modèles économiques. Une assemblée populaire à Madrid a organisé un marché officieux qui permettait aux membres de la communauté de s’échanger des services gratuits. Une coopérative catalane a rassemblé des personnes endettées pour leur permettre d’avoir plus de poids face à leurs créanciers. Une autre assemblée a assisté les personnes en emploi précaire ou celles qui ne pouvaient pas payer leur loyer.
En rassemblant les communautés autour de préoccupations communes, le mouvement Los Indignados a gagné les faveurs de nombreux Espagnols de tous bords politiques et montré le chemin d’une plus grande participation de ces communautés dans les prises de décision. 27G. Blakeley, ‘Los Indignados: a movement that is here to stay’, openDemocracy, 5 October 2012, [lien], (consulté le 7 Novembre 2019). Mouvement des Indignés (en français)
Les Assemblées Populaires ne doivent pas forcément être formellement autorisées par des institutions politiques. Au contraire, elles peuvent être auto-organisées.
Comment?
Un comité consultatif composé d’habitants locaux procède à la répartition des sujets en séances et veille à ce que tous les sujets présentés à l’Assemblée soient correctement répartis. Puis, des coordinateurs, avec l’aide de ce comité consultatif, rassemblent alors un groupe d’experts pour aider les membres de l’Assemblée qui, comme c’est le cas pour l’Assemblée Citoyenne d’Irlande, spécifient les questions auxquelles ils souhaitent que le groupe réponde. Enfin, un comité de surveillance composé d’habitants, de représentants du gouvernement local, et des organisations communautaires pertinentes, supervise le processus et veille à ce que l’Assemblée atteigne ses objectifs.
Le Green New Deal pour l’Europe propose de former des Assemblées Populaires à chaque niveau : municipal, régional, national et même européen. La figure 3 illustre le processus : des assemblées municipales sont la plus petite unité de base et alimentent des réserves régionales qui, par tirage au sort, forment des assemblées régionales, et ainsi de suite. Chaque niveau est responsable de concevoir son propre jeu de priorités et de recommandations politiques – un nouveau contrat social écologique – qui peut être pris comme base de négociation avec des représentants pertinents.
Figure 3.
Un Green New Deal pour le peuple
Mobiliser les communautés européennes pour une transition juste.
Ce processus doit prendre source là où le pouvoir est le plus accessible. Partout en Europe, un mouvement pour un ‘municipalisme radical’ voit le jour, prenant des sièges dans beaucoup de conseils municipaux, et dans les cas de Barcelone, Palerme et Amsterdam, ont même la majorité. La stratégie d’Assemblées Populaires doit être appliquée en premier dans les lieux de forte tradition communale, non seulement parce que c’est là qu’il y a le plus de chances d’y avoir une forte participation à des assemblées autogérées, mais aussi parce que ces lieux pourront expérimenter une nouvelle relation avec le gouvernement local, basée sur et inspirée par les Assemblées Populaires pour une Justice Environnementale.
L’argument en faveur d’une action locale est fondé car l’Union Européenne est la somme de ses parties. La mise en œuvre d’un Green New Deal par une ville, une région ou un pays servira d’exemple pour les autres, ouvrant la voie à une transformation radicale de l’Union Européenne elle-même. Mais pour aller au-delà du niveau national, les mouvements locaux doivent mettre un idéal international au cœur de leurs revendications : les réponses à un réchauffement climatique global se doivent d’être mondiales dès leur conception.
Les Assemblées Populaires devront alors capitaliser sur les changements significatifs réalisés tant au niveau local qu’international. Elles devront aussi généraliser la culture de participation civique, créant ainsi une norme d’investissement collectif sur laquelle repose le succès de nombreuses propositions de ce Plan Directeur. Le mouvement espagnol des Indignés nous montre comment cela peut fonctionner.
Mais ce processus doit prendre de l’ampleur. Comme le dit Bill McKibben dans l’avant-propos, les ingénieurs ont déjà apporté leur contribution, nous donnant les outils pour traiter le problème du dérèglement climatique à l’échelle du continent. “Maintenant les citoyens doivent prendre leurs responsabilités à leur tour avec la même ambition”, écrit McKibben, et contribuer à l’avancement du volet législatif en se réunissant dans une Assemblée Populaire au niveau du continent.
Une telle Assemblée Européenne non seulement donnerait une structure, une motivation et une ambition au mouvement social derrière le Green New Deal pour l’Europe ; ce faisant, elle participerait aussi à réduire le désengagement démocratique dont souffre l’Union Européenne, et insufflerait les besoins, les rêves et les revendications des peuples dans un processus législatif qui s’est longtemps prévalu de les connaître mieux que tous.
L’Assemblée Climatique Citoyenne au Luxembourg
Le 19 octobre 2019, une coalition nommée “United for Climate” (Unis pour le Climat) a organisé une Assemblée Populaire dans la ville de Luxembourg. L’assemblée était soutenue par de nombreuses ONG, syndicats, mouvements citoyens, comme Extinction Rébellion, Rise for Climate, Youth for Climate et le groupe du Green New Deal pour l’Europe.
Les préparatifs de cette assemblée ont commencé par des réunions hebdomadaires à la fin de l’été, avec une participation financière par les ONG partenaires. L’assemblée s’est tenue dans une école de la ville. Les repas ont été proposés par une coopérative de “transitionneurs”. Une garderie avait été organisée sur place pour permettre aux parents de participer aux débats.
L’assemblée a créé un espace pour que toutes les organisations de défense du climat présentes, comme le GIEC, le ministère de l’environnement du Luxembourg ou des membres de la communauté locale, réfléchissent sur la crise climatique et environnementale et sur les réponses à y apporter.
Chaque participant pouvait proposer un sujet de discussion. Tous les sujets apparentés étaient mis en commun au sein de groupes de discussion. Chaque groupe avait une heure pour délibérer et les comptes rendus étaient distribués immédiatement aux autres participants pour que tous sachent ce qui s’était dit dans les autres groupes.
La même méthode fut utilisée pour proposer et sélectionner des sujets à débattre sur les prochaines actions et revendications du mouvement pour le climat au Luxembourg. Par cette délibération, une liste claire d’aspirations et exigences fut dressée, comme par exemple une semaine de travail écourtée, ou bien des transports publics de meilleure qualité.
Cette expérience d’une Assemblée Populaire visait à organiser, fortifier et unir les partisans d’une action pour le climat au Luxembourg. Le défi à relever est de maintenir ce genre d’événement sur une durée suffisamment longue pour permettre à une vision cohérente d’émerger. C’est une méthode qui a des limites, notamment – et de manière significative – par la participation restreinte des familles de la classe ouvrière, qui ont des contraintes temporelles fortes.
Néanmoins, l’Assemblée Climatique Citoyenne du Luxembourg, en tant qu’expérience autogérée de démocratie directe, peut être répliquée sur toute l’Europe par un mouvement citoyen pour un Green New Deal.
Action recommandée : Construire le mouvement pour un Green New Deal pour l’Europe en mobilisant les citoyens européens au niveau local, par des campagnes de porte à porte et autres initiatives similaires.
Action recommandée : Organiser des Assemblées Citoyennes pour la Justice Climatique aux niveaux municipaux, régionaux et nationaux, qui réunissent des experts, activistes et scientifiques pour développer une vision de la base pour une transition équitable en Europe.
Action recommandée : Faire grandir les Assemblées Citoyennes depuis le niveau municipal jusqu’au niveau européen pour parvenir à des listes de priorités législatives partagées et ancrer le processus législatif dans une procédure démocratique.
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Travaux Publics Verts
Un plan d'investissement pour la transition verte en Europe.
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Le moteur de la transformation économique
Le New Deal Vert pour l’Europe est plus qu’un moyen de réorienter les ressources vers la lutte contre la dégradation du climat et de l’environnement. Il s’agit d’une promesse de construire une économie plus juste et plus démocratique, de créer des emplois décents, de protéger les droits des travailleurs et de donner aux communautés les moyens de façonner leur avenir. Telle est la vision qui sous-tend les Travaux Publics Verts pour l’Europe (TPV), un programme d’investissement public historique mis en œuvre par la Banque Européenne d’Investissement (BEI).
Comme l’Administration des travaux publics (“Public Works Administration”, PWA) de Franklin Delano Roosevelt, fondée pour superviser les investissements gouvernementaux pendant la Grande Dépression, le programme des TPV est le moteur de la transformation économique de l’Europe.
Mais son mandat est plus large que celui de la PWA. Roosevelt a cherché à stimuler la production industrielle et le développement des infrastructures comme moyen de relance économique. La PWA, en revanche, associe des objectifs économiques à une vision plus large de la justice environnementale : décarboner l’économie européenne, inverser la tendance à la perte de biodiversité et s’attaquer aux inégalités en Europe et dans le monde. En d’autres termes, le Green New Deal pour l’Europe ne doit pas favoriser un programme de “croissance verte” destructeur.
La science montre qu’il n’est pas possible de passer à l’énergie renouvelable assez rapidement pour rester en dessous de 1,5 degré Celsius si la consommation totale d’énergie continue d’augmenter.28J. Hickel and G. Kallis, ‘Is Green Growth Possible?’, New Political Economy, 17. April 2019, [link], (consulté le 11 juillet 2019). Tous les modèles scientifiques de réchauffement climatique supposent une croissance continue du produit intérieur brut, qui s’avère de plus en plus incompatible avec les voies sûres vers un monde à 1,5 degré Celsius. Voir aussi : S. Evans, ‘World can limit global warming to 1.5C ‘without BECCS’’. Carbon Brief, 13 April 2018, [link], (consulté le 25 juillet 2019). En même temps, les modèles indiquent qu’une réduction importante de la demande énergétique peut nous mettre sur une voie de 1,5 degré sans nécessiter le déploiement de solutions de géo-ingénierie dangereuses.29Grubler et al., ‘A low energy demand scenario for meeting the 1.5 °C target and sustainable development goals without negative emission technologies’, Nature, 2018, [link], (consulté le 31 octobre 2019).
Décarboner les économies européennes signifie plus qu’investir dans les énergies renouvelables. Cela signifie également qu’il faut réduire la consommation globale d’énergie afin de permettre une transformation rapide vers une économie qui respecte les frontières de la planète. Cela doit être fait d’une manière équitable et progressive qui améliore, plutôt que de restreindre, le bien-être humain.
Outre l’élimination progressive des systèmes et infrastructures énergétiques à forte intensité de carbone existant en Europe, la demande globale d’énergie doit également être réduite en diminuant la production et le débit des matériaux. Les TPV soutiennent cette transition en déplaçant la création de revenus et de bien-être de la production industrielle vers la reproduction sociale et environnementale : entretien, recyclage, réparation et restauration des ressources environnementales et infrastructurelles, ainsi qu’éducation, culture et soins – pour les personnes et la planète.
Au-delà de l’objectif d’émissions nettes zéro, le Green New Deal pour l’Europe doit également s’efforcer d’inverser la perte de biodiversité, la dégradation des sols et d’autres formes de dégradation de l’environnement. La réduction des débits de production permettra déjà de relâcher la pression sur les systèmes naturels de l’Europe, mais les TPV feront davantage. Le programme redynamisera les communautés rurales d’Europe en investissant dans des pratiques agricoles, forestières et de pêche régénératrices à petite échelle et en mettant fin aux pratiques destructrices des grandes entreprises agroalimentaires européennes.
Enfin, les TPV forment un programme ambitieux qui, non seulement crée de nouveaux emplois de qualité, mais améliore les normes des conditions de travail d’aujourd’hui.
L’Europe est confrontée à des inégalités et à une concentration économique croissantes. Les populations de tout le continent vivent dans la précarité, ce qui limite également leur capacité à vivre de manière durable. Nombreux sont ceux qui craignent que les mesures environnementales n’ajoutent aux pressions qu’ils subissent dans leur vie quotidienne, que ce soit par des pertes d’emploi ou par l’augmentation du coût de la vie. Le Green New Deal pour l’Europe répondra à ces préoccupations et, plutôt que d’exiger des sacrifices de la part des personnes vulnérables, offrira la sécurité des moyens de subsistance, la stabilité et l’égalité. En d’autres termes, il constituera une véritable solution aux problèmes auxquels sont confrontées les communautés qui ont du mal à joindre les deux bouts.
Cette section exposera comment financer les TPV, comment le programme peut fonctionner et ce qu’il fera pour les communautés européennes.
1 Recommendation politique: Mettre en place les Travaux Publics Verts (TPV), une agence d'investissement publique qui canalise les ressources de l'Europe vers des projets de transition écologique sur l'ensemble du continent.
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Comment le financer ?
L’ampleur de la crise actuelle est claire. Les projections scientifiques montrent que même de faibles augmentations des températures mondiales entraîneront des coûts massifs – pour l’humain, pour la nature et pour nos économies.
Pourtant, de nombreuses propositions avancées pour faire face aux urgences climatiques et environnementales se poursuivent dans le cadre du “statu quo” de l’Europe. Ceux qui les portent refusent de contester les contraintes de l’austérité budgétaire. 30
See, for example, U. von der Leyen, ‘A Union that strives for more – My agenda for Europe’, 2019, [link], (consulté le 4 août 2019).
Ils comptent beaucoup sur les incitations et les encouragements comportementaux des entreprises. Et ce faisant, ils promettent de fournir une fraction des ressources qui seront nécessaires pour éviter un effondrement environnemental coûteux.
Le Green New Deal part du principe que l’Union européenne (UE) peut et doit utiliser tous les outils de son arsenal pour amorcer une transition écologique rapide et juste. Parmi ces outils, le financement public possède à la fois la plus forte puissance de feu et la voie la plus claire vers une exécution immédiate. L’UE dispose d’amples ressources à mettre à profit dans le cadre du programme TPV. Et il est clair qu’une nouvelle approche pour le déploiement de ces ressources est nécessaire.
L’Europe souffre d’une (trop) longue période d’instabilité économique. Depuis la crise financière, l’investissement public a diminué, en particulier dans les pays de la zone euro qui ont été touchés par la crise de la dette souveraine : La Croatie, le Portugal, la Grèce, l’Espagne, Chypre et l’Irlande.31
Banque Centrale Européenne, ‘Public Investment in Europe’, ECB Economic Bulletin, Issue 2, 2016, [link], (consulté le 9 juillet 2019), p. 5. Depuis 2012, l’investissement public net dans l’ensemble de la zone euro oscille autour de zéro.32
M. C. Klein, ‘Italy Embraces China, and Europe’s Elites Have Only Themselves to Blame’, Barron’s, 5 avril 2019, [link], (consulté le 15 mai 2019). Les conséquences sont une pauvreté et des inégalités croissantes, des salaires stagnants, un chômage et un sous-emploi élevés et des infrastructures en ruine, en particulier dans les pays de la zone euro, soumis aux politiques d’austérité les plus strictes. Même dans les pays riches comme l’Allemagne, les investissements ont diminué d’un tiers depuis les années 1970.33
Banque mondiale, ‘Gross fixed capital formation’, [link], (consulté le 19 Juillet 2019).
La situation est nettement différente si l’on considère les pays qui ont bénéficié des fonds de cohésion de l’UE. En Lettonie, en Pologne, en Roumanie et en Bulgarie, l’investissement public net a augmenté entre 2012 et 2014 par rapport à la période 1995-2007.34
Banque centrale européenne, 2016, p. 5.Néanmoins, ces pays n’ont pas réussi à rattraper leur retard économique par rapport à leurs voisins occidentaux ; peu d’investissements ont été consacrés à l’amélioration du niveau de vie de la population en général. Et, même dans les pays dits “de cohésion”, l’investissement public est aujourd’hui inférieur à sa moyenne à long terme.35
D. Revoltella, P. de Lima and A. Kolev (eds.), ‘Retooling Europe’s Economy – EIB Investment Report 2018/2019’, Banque européenne d’investissement, 2018, [link], (consulté le 10 juillet 2019), S. 65.
Figure 4
INVESTISSEMENTS PUBLICS DANS LA ZONE EURO 2004-2018
Dépenses d'investissement moins amortissements, en milliards d'euros par an
Source: Eurostat, Barron's
En fait, le fait que l’investissement public net a augmenté dans plusieurs pays illustre bien cette tendance et le défi auquel est confrontée l’Europe. La manière dont l’argent est investi importe autant, voire plus, que son montant : l’investissement public ne devrait pas soutenir la dégradation de l’environnement et la stagnation sociale. Par exemple, les fonds de cohésion ont été utilisés pour financer des sociétés multinationales qui transfèrent des activités manufacturières de l’Europe occidentale vers l’Europe de l’Est afin de procéder à un arbitrage salarial.36
C. O’Murchu and A. Ward, ‘Questions surround EU relocations’, Financial Times, 1 décembre 2010, [link], (consulté le 29 juillet 2019). Voir aussi : The Bureau, ‘Multinationals cash in on EU fund’, The Bureau of Investigative Journalism, 29 novembre 2010, [link], (aufgerufen am 29. Juli 2019). Ces fonds contribuent à l’extraction de la richesse des travailleurs locaux vers les entreprises internationales et ne font rien pour améliorer les problématiques sociales.
L’Europe a les outils pour commencer à inverser ces tendances dès aujourd’hui, pour recalibrer la finance au service de la société et de la planète.
Les banques publiques européennes peuvent mobiliser les fonds nécessaires à la lutte contre la dégradation du climat et de l’environnement, tout en redynamisant les économies européennes et le projet européen.
Les moyens de paiement des TPV existent parce que la Banque centrale européenne (BCE) est un émetteur souverain.37
De son propre aveu, elle ne peut pas faire faillite. Voir D. Bunea et al., Règles de répartition des bénéfices et de couverture des pertes des banques centrales, European Central Bank Occasional Paper Series n° 169, avril 2016, [link], (consulté le 15 juillet 2019), p. 14. Les contraintes sévères imposées aux dépenses publiques dans la zone euro sont donc artificielles. Les contraintes réelles qui pèsent sur le gouvernement sont l’inflation potentielle et la disponibilité de ressources réelles.
Le Green New Deal pour l’Europe se justifie non seulement dans le contexte d’une économie européenne stagnante mais également par l’impératif environnemental et social. Les motifs sont clairs pour faire de ce projet une réalité.
Pourquoi, alors, n’a-t-il pas été mis en œuvre ?
Le mode économique dominant, basé sur la primauté du financement privé et de la privatisation progressive des services de l’État, a affaibli les gouvernements européens et les a privés d’actifs essentiels au moment où des investissements publics importants sont nécessaires pour faire face à la crise économique et environnementale. Une fonction cruciale du financement public est donc aussi de contester les pratiques financières sur lesquelles la politique d’austérité a été construite.
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La stratégie financière des TPV
Les institutions financières et les infrastructures d’intermédiation financière occupent désormais une place centrale dans nos vies. Ce processus est parfois qualifié de “financiarisation”, qui fait référence au “rôle croissant des motivations financières, des marchés financiers, des acteurs financiers et des institutions financières dans le fonctionnement des économies nationales et internationales”.38
G.A. Epstein, ‘Introduction: Financialization and the World Economy’. In G. A. Epstein (Ed.), Financialization and the World Economy, Cheltenham: Edward Elgar Publishing Ltd., 2005, p. 3-16.
Par le biais de la privatisation, de la dérégulation et des facilitations de crédits, la financiarisation a permis une conversion à grande échelle de la richesse publique en capital privé. La crise financière de 2008 a amplifié ce processus. Dans toute l’Europe, le sauvetage des banques a été financé par l’obligation de coupes dans les dépenses publiques.
Les réformes du financement privé sont importantes, mais elles sont insuffisantes pour répondre à la crise avec l’urgence qu’elle exige. Premièrement, il y a un consensus croissant sur le fait que l’ampleur de la mobilisation requise ne peut être satisfaite par les seuls mécanismes de fixation des prix : elle doit être soutenue par une transformation holistique de notre économie.
Deuxièmement, le système de finance global n’est pas adapté à une transition juste. Il est structuré autour de la poursuite de profit court-termiste. Les mécanismes de compensations sont basés sur des résultats trimestriels ou annuels ainsi que des buts court-termistes. Les réglementations prudentielles sont court-termistes elles aussi et les agences de notation les jugeant ne regardent pas au-delà d’un horizon de trois à cinq ans.39
European Political Strategy Centre, ’Financing Sustainability – Triggering Investments for the Clean Economy’, EPSC Strategic Notes, numéro 25, 8 juin 2017, [link], (aufgerufen am 20. Juni 2019), S. 11. Les investissements dans les énergies renouvelables sont rentables sur des périodes beaucoup plus longues que ce qu’exigent les institutions financières traditionnelles.
Enfin, le secteur privé est, au mieux, agnostique à l’égard du principe fondamental qui sous-tend chaque aspect du Green New Deal pour l’Europe : la justice économique. La transition verte exige des investissements non seulement dans des projets qui peuvent générer des profits pour les investisseurs, mais aussi dans des initiatives qui produisent des rendements sociaux, améliorant la résilience et le bien-être des collectivités. Le motif du profit ne peut pas fournir de tels résultats, même avec une incitation significative.
En raison du manque d’interventions et d’investissements publics, les investissements vitaux dans les énergies renouvelables restent sous-financés, tandis que la finance mondiale continue d’être l’un des principaux moteurs de la dégradation climatique et environnementale dans le monde. Depuis 2016, seulement 33 banques mondiales ont investi 1 900 milliards de dollars dans des entreprises d’énergies fossiles.40
‘Banking on Climate Change’, Rainforest Action Network, 2019, [link], (aufgerufen am 15. Juni 2019), p. 9.
La première tâche du Green New Deal pour l’Europe consiste donc à s’éloigner du modèle de financiarisation instable et destructeur pour l’environnement et à revenir à ses racines : servir les institutions locales par la collecte de dépôts et le crédit. Il reconnaît le rôle vital des banques coopératives, du financement des agriculteurs dans l’agriculture, des coopératives de crédit et d’autres architectures de financement communautaires.
Et, en élargissant massivement le rôle des finances publiques, elle remet en question les activités risquées à court terme et spéculatives de la finance mondiale tout en réorientant le débat vers la poursuite de l’intérêt public, la viabilité environnementale et la justice économique.
br>Exploitation de l’investissement public
Quand un gouvernement décide de construire un nouvel hôpital, de créer une nouvelle université ou d’étendre une ligne de chemin de fer, elle le fait via le financement par emprunt. Au fil du temps, il y a des retours sur investissement : un meilleur système de santé publique réduit les dépenses de santé, les citoyens mieux éduqués paient plus d’impôts, des transports publics de bonne facture assurent un air plus propre et réduisent les frais de déplacement 41Les coûts d’opportunité conduisent cette logique. Les ressources sont limitées, de sorte que moins nous utilisons de ressources pour atteindre un résultat donné, mieux c’est.
La transition écologique de l’Europe doit être financée de la même manière et les banques d’investissement centrales et publiques existantes, ainsi que les procédures de marchés publics, sont les mieux placées pour y parvenir.
Les banques publiques d’investissement sont des institutions financières exploitées par le public : typiquement, un organisme gouvernemental ou une entreprise agissant dans le cadre d’une responsabilité démocratique. Les banques publiques ont un ou plusieurs mandats spécifiques – comme le soutien aux petites et moyennes entreprises – qu’elles exécutent dans une région spécifiée par ledit mandat. Plutôt que de profiter aux actionnaires ou aux particuliers fortunés, les rendements des investissements publics sont distribués au public sous la forme d’améliorations des infrastructures, du logement, des services publics ou d’autres domaines.
Les banques publiques peuvent également opérer sans impératif de maximisation du profit si elles sont mandatées par le secteur public pour le faire. Elles sont mieux placées que les banques privées pour identifier et protéger les actifs sociaux à long terme – les taux de rendement du secteur public sont généralement inférieurs à ceux du secteur commercial, ce qui permet des horizons d’investissement plus longs et des exigences de productivité moins lourdes. Elles sont mieux équipées que leurs homologues du secteur privé pour financer les secteurs économiques et les régions géographiques prioritaires. En d’autres termes, elles génèrent le rendement social que la recherche du profit ne peut à elle seule produire.
Les procédures de marchés publics dans le cadre des TPV peuvent être utilisées comme un moteur pour la transition des matériaux et de l’énergie, et pour l’autonomisation des communautés. Que ce soit pour des projets d’infrastructures ou de logements, les marchés publics devraient être utilisés pour réduire au minimum les dommages causés à l’environnement et créer des richesses pour les communautés. Stimuler la demande de matériaux écologiques et d’énergie non-fossiles par le biais des marchés publics accélère la transformation des industries à forte intensité énergétique tout en responsabilisant les communautés.
Il est clair qu’il existe des ressources publiques en quantité suffisante pour soutenir une stratégie mondiale de transition. Les recherches de l’Institut Transnational (ndt : Transnational Institute) suggèrent que “les finances publiques s’élèvent à plus de 73 000 milliards de dollars, soit 93 % du produit intérieur brut mondial, si l’on inclut les institutions multilatérales, les fonds de pension, les fonds souverains et les banques centrales”.42L. Steinfort et S. Kishimoto, “Les finances publiques pour l’avenir que nous voulons”. The Transnational Institute, 24 Juin 2019, https://www.tni.org/en/publicfinance ( en anglais) (consulté le 29 Juillet 2019), p. 11. (Résultats de recherche en français)
Pour faire en sorte non seulement que la transition verte de l’Europe soit à la hauteur du défi, mais aussi que les avantages de la transition profitent au public, le Green New Deal pour l’Europe appelle à un changement des priorités institutionnelles et à un rôle sensiblement accru pour les investissements du secteur public et la propriété des actifs.
Tout d’abord, toute l’Union européenne s’éloignera de l’accent mis sur le Produit Intérieur Brut pour se concentrer sur l’Indicateur de Progrès Véritable (IPV) (“Genuine Progress Indicator”). Cela nécessite une nouvelle directive pour définir ce qui peut et ne peut pas être considéré comme un “véritable progrès” en matière de performance économique. Les mesures de la “croissance” du PIB comprennent la pollution de notre environnement, les dommages causés à notre climat, la vente de denrées alimentaires ou de produits dangereux, ou les pratiques qui portent atteinte aux droits sociaux et du travail – pour autant qu’elles aient une valeur contractuelle. L’UE doit plutôt adopter une mesure du bien-être humain et environnemental durable.
Deuxièmement, le mandat de la BCE sera clarifié pour se concentrer sur “le plein emploi et le progrès social, ainsi qu’un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement”, comme l’exige le traité sur l’Union européenne.43Traité sur l’Union européenne, article 3, paragraphe 3 Cela sera précisé dans un nouveau règlement de l’UE, qui complétera mais, en définitive, remplacera l’objectif de “stabilité des prix”.44Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, article 282
La stabilité des prix doit elle-même être clarifiée afin d’éviter l’aggravation des inégalités de salaires ou de revenus et la hausse des coûts du logement. Cela permettra de recentrer la politique monétaire européenne sur ce qui compte vraiment.
Troisièmement, la Banque Européenne d’Investissement (BEI), en tant que premier organisme public multilatéral au monde, est la mieux placée pour lever les fonds nécessaires pour le programme TPV. Mais pour ce faire, il lui faut une approche nouvelle et radicale, ambitieuse et courageuse.
Le projet de financement actuel de la BEI pour les programmes européens présente d’importantes lacunes. Dans le cadre du FESI-Fond Européen d’Investissement Stratégique (ndt : EFSI en anglais) par exemple, l’investissement est basé sur un modèle de partenariat public-privé qui vise à “pousser” les financiers privés à réaliser des investissements à plus long terme et plus risqués, le modèle dominant de l’investissement public aujourd’hui.
Plutôt que d’absorber eux-mêmes les risques d’investissement, les investisseurs privés s’attendent à ce que les banques publiques investissent avec eux, en fournissant des garanties publiques pour les prêts privés. Il en résulte une socialisation des risques – les pertes éventuelles sont prises en charge par le public – et une privatisation des gains .45 T. Marois, Comment les banques publiques peuvent aider à financer une transformation énergétique verte et juste, The Transnational Institute, 15 novembre 2017, Résultats de recherche en français https://www.tni.org/en/publication/how-public-banks-can-help-finance-a-green-and-just-energy-transformation, (consulté le 20 juin 2019).
Cela prive l’État des capitaux dont il a besoin pour continuer à investir dans l’économie.
Dans un rapport spécial, la Cour des comptes européenne a affirmé les faiblesses du modèle de financement public-privé, en soulignant qu’il génère des profits démesurés pour les financiers privés. “La répartition des risques entre partenaires publics et privés était souvent inappropriée, incohérente et inefficace, tandis que les taux de rémunération élevés (jusqu’à 14 %) du capital-risque du partenaire privé ne reflétaient pas toujours les risques supportés”.46O. Herics et al Les partenariats public-privé dans l’UE: Des lacunes généralisées et des avantages limités, European Court of Auditors Special Report, No. 09, 2018, https://www.eca.europa.eu/Lists/ECADocuments/SR18_09/SR_PPP_EN.pdf, (consulté le 10 novembre 2019).https://www.eca.europa.eu/fr/Pages/DocItem.aspx?did=45153 (en français)
Les programmes de financement actuels manquent également d’ancrage dans les processus démocratiques. Dans le cadre de l’EFSI, seuls huit experts décident de soutenir des projets avec une garantie publique.47‘Fonds européen d’investissements stratégiques (consulté le 10 juillet 2019), https://www.eib.org/en/efsi/index.htm, https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/investment-plan/strategic-investments-fund/ (en français). Cela crée un décalage important entre les besoins des communautés et les ressources qui sont mises à leur disposition.
Enfin, les TPV élimineront ce modèle de partenariat public-privé et se concentreront sur l’investissement direct dans la transition verte de l’Europe d’une manière démocratique et participative. Pour s’assurer que des fonds suffisants sont levés et correctement alloués, la BEI doit adopter un modèle multipartite, réunissant des experts du climat, des syndicats, des décideurs politiques, des représentants des États membres de l’UE, des ONG et des acteurs économiques – y compris des représentants de coopératives énergétiques – pour garantir que sa stratégie est à long terme, démocratique et à l’abri de toute capture réglementaire.
2. Recommandations politiques : Passer à un système de comptabilité d’Indice de Progrès Véritable(“Genuine Progress Indicator”), plutôt que de Produit Intérieur Brut (PIB).
3. Recommandations politiques : Promulguer de nouvelles règles pour s’assurer que la Banque Centrale Européenne doive donner la priorité à l'emploi, au progrès social et à la protection de l'environnement.
4. Recommandations politiques : S’éloigner du modèle dominant de financement public-privé et s’assurer que les bénéfices de l’investissement public restent propriété publique.
5. Recommandations politiques : Adopter un modèle de gouvernance multipartite pour la Banque Européenne d'Investissement.
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Obligations vertes
Lorsque les gouvernements mobilisent des fonds par le biais de la dette, ils émettent des obligations. Une obligation est un instrument financier qui représente un prêt consenti par un investisseur à un emprunteur et qui est émis spécifiquement pour réaliser des investissements “verts”. – un gouvernement souverain, une municipalité ou une société souveraine peut émettre et vendre des obligations à divers investisseurs (obligataires). La BEI a été l’une des premières banques à émettre des obligations vertes en 2007 et en est aujourd’hui le premier émetteur au monde.
Lever des fonds pour le programme TPV par le biais d’obligations vertes présente deux avantages clés. Premièrement, les règles européennes actuelles limitant les dépenses et les déficits ne s’appliqueront pas, ce qui permettra une expansion significative des finances publiques sans violer le pacte fiscal européen. Deuxièmement, aucune nouvelle taxe européenne ne sera nécessaire. Cela évitera d’avoir à renégocier les traités européens.
Les obligations émises par les banques d’investissement publiques seront achetées par des investisseurs privés sur les marchés secondaires. Afin de s’assurer que ces obligations ne perdent pas leur valeur, la BCE annoncerait qu’elle est prête à les acheter si leurs rendements dépassent un certain niveau. En garantissant l’achat de toutes les obligations vertes sur le marché secondaire, la BCE éliminerait le risque d’insolvabilité pour les obligations vertes.
L’élimination du risque de défaut constituera à son tour un placement stable et sans risque. Cela garantira également que les spéculateurs ne seront pas en mesure de s’attaquer financièrement au Green New Deal pour l’Europe, tout en protégeant le programme des tentatives du marché pour “discipliner” les dépenses publiques.
En ce sens, les obligations vertes émises par la BEI sont une stratégie gagnante pour l’Europe. Dans des pays comme l’Allemagne, les fonds de pension, avides d’actifs sûrs, peuvent les utiliser pour garantir un retour sur investissement sécurisé. En vertu des règles prudentielles de l’UE, les banques qui investissent dans la dette souveraine (obligations émises par des gouvernements) ou dans des prêts bancaires publics n’ont pas besoin de détenir de capital pour leurs investissements, de sorte qu’il existe de fortes incitations réglementaires pour les acheter. De l’autre côté du continent, des pays comme la Grèce pourront bénéficier d’emplois décents et d’infrastructures performantes, mettant fin à la crise de l’emploi et du sous-investissement.
6. Recommandation politique : Financer la transition écologique en mobilisant un regroupement de banques publiques européennes - dirigé par la Banque Européenne d'Investissement - pour émettre des obligations vertes afin de lever au moins 5% du PIB européen sous forme de financement pouvant être attribué aux TPV.
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Gestion macroprudentielle
La finance est confrontée à deux risques majeurs : la crise climatique et la crise environnementale.
D’une part, la transition vers une économie sans carbone posera un défi de taille. D’autre part, elle présente une menace importante pour le rendement des investissements dans les énergies fossiles, ce qui pourrait déclencher une liquidation rapide de ces derniers.48P. Monnin “Les banques centrales devraient tenir compte des risques climatiques dans leurs opérations de politique monétaire” SUERF Policy Note, Issue No 41. Résultats de recherche en français.Citigroup (https://fr.wikipedia.org/wiki/Citigroup) estime que l’exposition mondiale aux énergies fossiles s’élève à 100 000 milliards de dollars.49
Jason Channel et al.,Darwinisme énergétique II Pourquoi un avenir à faible teneur en carbone n’a pas à coûter cher à la Terre Citigroup 2015. Si les banques ne se départissent pas de ces actifs, un effondrement soudain de leurs prix pourrait déclencher un choc systémique.50New Economics Foundation, Banques centrales, changement climatique et transition vers une économie à faible émission de carbone : résumé politique’, 2017, https://neweconomics.org/uploads/files/NEF_BRIEFING_CENTRAL-BANKS-CLIMATE _E.pdf, ( consulté le 25 juillet 2019) Résultats de recherche en français
Cela dévasterait les citoyens qui dépendent de ces industries : par une vente au rabais de biens non-renouvelables et des pertes d’emplois à grande échelle dans des industries dépendant des énergies fossiles.
D’autre part, la dégradation du climat et de l’environnement présente des risques pour les biens matériels.51
GG.D. Rudebusch, G.D. Rudebusch, “Lettre économique :Les changements climatiques et la réserve fédérale Banque fédérale de réserve de San Francisco 2019 ( revue_de_la_stabilite_financiere_23.pdf )
https://www.frbsf.org/economic-research/publications/economic-letter/2019/march/climate-change-and-federal-reserve/. A mesure que les conditions météorologiques deviendront plus extrêmes, les dommages croissants causés aux biens immobiliers, aux infrastructures, aux récoltes et à d’autres actifs deviendront un risque pour la stabilité financière en soi. Les banques centrales européennes doivent être prêtes à faire face à ces risques aux niveaux multilatéral et mondial.
En Europe, le Système Européen de Banques Centrales (SEBC) doit mettre en place des groupes de travail techniques multilatéraux sur la transition verte, permettant une action coordonnée des banques centrales européennes pour atténuer les risques physiques et de transition et coordonner l’achat des obligations vertes émises par les Banques Publiques Européennes d’Investissement.
En particulier, afin d’anticiper le chaos du marché qui pourrait résulter d’un effondrement des prix des énergies non renouvelables, le SEBC doit se préparer à soutenir la liquidation ordonnée des entreprises européennes du secteur des énergies fossiles. Seule une approche holistique qui prenne en charge les travailleurs du secteur des énergies fossiles et l’infrastructure et qui assure le nettoyage des sites pollués, permettra d’assurer une transition juste et stable.
Telle est l’ambition du Green New Deal pour l’Europe.
La politique des banques centrales doit jouer un rôle clé dans la gestion des risques financiers découlant de la réorientation de l’économie européenne pour soutenir cette transition. 52
Certains arguments vont plus loin. Par exemple, The Next System proposait un rachat public de toutes les entreprises de combustibles fossiles. Il fait valoir que cela permettrait non seulement de jeter les bases d’une transition juste pour les travailleurs du secteur des combustibles fossiles, mais aussi d’éviter un choc systémique probable sur les marchés financiers mondiaux. S’il est correctement évalué, sur la base d’une comptabilité des perspectives à long terme des entreprises de combustibles fossiles et de leur rôle dans la dégradation du climat, le rachat peut avoir lieu à un taux très réduit.
Voir C. Skandier, ” L’assouplissement quantitatif pour la planète Le projet de futur système”
https://thenextsystem.org/learn/stories/quantitative-easing-planet, ( en anglais) (consulté le 24 Juillet 2019).
Alors que l’Europe introduit de nouvelles normes prudentielles (cf. section 4.3.4 ci-après) ainsi que d’autres réglementations pour faire face aux risques climatiques et environnementaux, la BCE devrait également jouer un rôle déterminant dans la refonte du discours mondial sur les normes prudentielles, en veillant à ce que la Banque des Règlements Internationaux (BRI) et son Comité de Bâle sur le Contrôle Bancaire (CBCB) placent le climat et l’environnement au centre des futures itérations des normes macroprudentielles mondiales
7. Recommandations politiques : Mettre en place des groupes de travail multilatéraux sur la transition écologique au sein du Système Européen des Banques Centrales (SEBC) pour coordonner le programme d'achat d'obligations vertes et pour contrôler les risques physiques et d'investissement.
8. Recommandations politiques : Intervenir dans la mise en place de normes préventives globales et introduire des sanctions financières dissuasives pour les investissements sur les énergies fossiles, dans des projets destructeurs pour l'environnement et dans le cadre de Bâle.
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La fiscalité et les TPV
Le principal mécanisme de financement du programme TPV – l’émission d’obligations vertes pour alimenter la transition verte – n’empêche pas d’augmenter les impôts pour y contribuer.
Au contraire, la fiscalité joue un rôle primordial dans le Green New Deal pour l’Europe, non seulement en tant que moyen de lever des fonds, mais aussi en tant que vecteur de justice environnementale et sociale.
Depuis des décennies, les législateurs européens ont supervisé la construction d’un système financier international qui permet une évasion fiscale généralisée tant à l’intérieur de l’Union européenne qu’à l’extérieur de ses frontières.53Pour une illustration claire de ces efforts, voir ” Luxleaks “, un ensemble de documents ayant fait l’objet d’une fuite révélant que le gouvernement luxembourgeois traite avec des sociétés multinationales pour faire baisser leurs impôts à zéro. Les citoyens quant à eux, ont continué à payer leur juste part, même lorsque le rendement de leurs paiements d’impôts – dans les services et dans les infrastructures – a diminué.
Au cours de la même période, les législateurs européens ont dirigé un système de subventions massives à destination d’industries désastreuses pour l’environnement, causant des dommages aux peuples au sein de leurs propres pays, des circonscriptions et aussi en dehors d’elles.54ODI, “Phase-out 2020 : surveillance des subventions européennes aux combustibles fossiles”, septembre 2017.Plutôt que d’être restreintes, les entreprises polluantes ont été laissées libres de faire ce qu’elles voulaient sur les questions environnementales.
Une refonte radicale du système fiscal est donc doublement nécessaire. Premièrement, pour exiger que ceux qui ont profité de la destruction de l’environnement aident à financer les réparations; deuxièmement, pour réduire le système d’incitations qui leur a permis de le faire en premier lieu. Une telle révision est décrite plus en détail dans la proposition de l’Union Environnementale (UEn) qui suit.
Toutefois, compte tenu de l’ampleur de la crise climatique actuelle – et de celle de la crise politique – des obstacles endémiques à la législation fiscale – la fiscalité ne peut tout simplement pas se substituer au financement public direct et immédiat. L’administration publique est plus appropriée pour gérer la transition que les ménages ou le secteur privé de l’énergie.
Les obligations vertes demeurent donc l’ingrédient essentiel du Programme des Travaux Publics Verts.
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Comment répartir le budget ?
Une fois qu’ils auront été levés par la BEI, les fonds provenant de la vente d’obligations d’investissement vertes seront acheminés vers les TPV.
Là, grâce à un processus de budgétisation qui équilibre la participation et l’expertise climatique, l’argent sera alloué à une série de projets transnationaux, nationaux, régionaux, municipaux et locaux, créant ainsi un nouvel espace pour que les communautés puissent orienter les investissements essentiels vers la justice sociale et environnementale.
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Garantir des emplois décents
Les partisans du ” plein emploi” durant l’après-guerre ont souvent proposé un compromis entre la création d’emplois et la protection de l’environnement. Ils ont promis de stimuler une croissance industrielle équitable – mais seulement au détriment de l’équilibre écologique.
Cette promesse est aujourd’hui rompue, ce qui nous laisse avec le pire des deux mondes : une croissance économique qui entraîne une diminution de la part de la richesse laissée au travail et une destruction croissante de l’environnement.
Depuis plus d’une décennie maintenant, le mouvement syndical international préconise une “transition juste” vers une économie post-carbone, qui répond à la crise de l’insécurité de l’emploi et réinvestit dans l’infrastructure laissée à l’abandon.
Les TPV répondent à ces exigences sociales. S’appuyant sur des années de travail collectif laborieux dans le cadre de campagnes “emplois climatiques” à travers l’Europe, le programme des TPV vise à garantir un travail décent à tous ceux qui le recherchent, centré sur le travail productif – les citoyens chargés de la transition – et géré par les travailleurs, les communautés ouvrières et les organisations qui les représentent.
Ce faisant, les TPV démontent l’argument selon lequel les mesures environnementales sont contraires aux intérêts des travailleurs. Les TPV garantissent que les travailleurs et les communautés en Europe en tireront des avantages tant en termes de santé et de stabilité de leur environnement qu’en termes d’opportunités d’emploi et de revenus. Et il garantira que les emplois créés en Europe ne seront pas soutenus par la dévastation de l’environnement ailleurs. En ce sens, les TPV s’inscrivent dans le cadre d’un programme mondial de justice climatique.
Mais le plan des TPV ira au-delà d’une simple garantie de travail. La réduction du débit de matières exigée par le Green New Deal pour l’Europe créera un ralentissement sur certains marchés du travail, en particulier dans les industries dépendantes des combustibles fossiles. Pour éviter d’aggraver le chômage et d’exacerber la pauvreté, les TPV joueront un rôle moteur dans la réduction du temps de travail et l’amélioration des salaires (voir également le point 3.4.6 ci-dessous).
L’UE peut donc mener la transition vers un week-end de trois jours ou une autre réduction du temps de travail tout en veillant à ce que les salaires des travailleurs augmentent, en respectant les engagements des États membres de l’UE dans la Charte sociale européenne de 1961.55Charte sociale européenne de 1961, article 2, paragraphe 1, exigeant une réduction de la semaine de travail en fonction de “l’accroissement de la productivité et d’autres facteurs pertinents”.La directive sur le temps de travail sera mise à jour pour augmenter les congés payés des travailleurs, afin que ceux-ci puissent disposer de la flexibilité et de la sécurité nécessaires pour choisir le bon équilibre entre vie professionnelle et vie privée.56Les articles 5 et 7 de la directive 2003/88/CE sur le temps de travail prévoient les droits actuels au repos hebdomadaire et au congé annuel.
Figure 5 : Augmentation de la proportion de travailleurs pauvres dansl'UE (proportion de travailleurs exposés au risque de pauvreté dans l'UE, en pourcentage)
Source : Eurostat, @valentinaromei, FT
Cependant, pour avancer sur ce sujet de la démocratie économique, de meilleurs salaires comme de meilleures conditions de travail ne sont pas suffisants. Les TPV veilleront à ce que les travailleurs aient voix au chapitre au niveau des bureaux, des entreprises et de l’industrie. Une nouvelle directive sur la démocratie économique peut garantir que les travailleurs auront le droit d’être représentés au sein des conseils d’administration des entreprises, d’avoir une part minimale du pouvoir de vote dans les réunions de l’entreprise et d’être représentés dans tous les fonds d’épargne, de retraite ou de travailleurs. Cela sera obligatoire pour tous les emplois créés sous l’égide des TPV.
En tant que projet public, les TPV ne seront pas limités par les demandes des investisseurs à court terme. Cela créera de nouvelles possibilités pour les gens de gagner leur vie en dehors de la sphère de l’accumulation du capital. Et, comme le travail fourni par le biais des TPV implique une production destinée à être utilisée plutôt qu’à être échangée, il peut être canalisé vers des projets et des méthodes de production écologiquement durables qui ne seront pas et ne pourront pas être entrepris par le secteur privé. Les travailleurs bénéficiant d’une garantie d’emploi peuvent gagner dignement leur vie en faisant tout ce qui est publiquement considéré comme ayant une valeur sociale, y compris les soins aux personnes âgées, aux enfants et aux personnes malades ou handicapées, la restauration de l’habitat et les services communautaires.
Par exemple, dans le cadre du New Deal de Roosevelt, le Civilian Conservation Corps était à la fois un plan d’emploi et un projet environnemental : son objectif était de planter des centaines de millions d’arbres à travers les États-Unis pour restaurer la couche arable dans le sillage du Dust Bowl. De même, les TPV pourraient mettre des personnes à travers l’Europe au travail pour restaurer des environnements locaux qui ont été dégradés – en soutenant la restauration des habitats naturels de l’Europe.
En mettant l’accent sur l’investissement local et municipal, les TPV créent des possibilités d’emplois locaux. Cela peut contribuer à réduire les niveaux de déplacement involontaire de personnes à l’intérieur du pays et à l’étranger – tout en réduisant les problèmes connexes de logement et la pression sur les services sociaux et de santé.
Les TPV mettront notamment l’accent sur la nécessité de créer de nouveaux emplois verts dans les communautés rurales : industries vertes et artisanales, préservation de la nature, reboisement, agriculture biologique, sylviculture et produits forestiers, et d’autres activités régénératrices. Cela pourra inverser la fuite des richesses à laquelle les régions rurales font face, et ainsi entraîner le retour des entreprises et des investissements, accroître la résilience des communautés et réduire les besoins en déplacements.
Les TPV s’engagent également à investir dans des programmes de recyclage afin que les personnes puissent déployer les compétences acquises dans des emplois à forte intensité de carbone (c’est-à-dire l’ingénierie, la gestion de projet, et autres) dans la transition durable de l’économie. Les TPV fourniront une garantie de revenu pour chaque travailleur des secteurs à forte utilisation combustibles fossiles, à l’exclusion des directeurs ou des cadres supérieurs, afin que les personnes maintiennent leur niveau de vie. Cette garantie assurera la transition pour les emplois à forte intensité de carbone qui seront progressivement éliminés par la loi.
Enfin, les TPV reconnaîtront que le travail reproductif et de soins représente une part importante du temps alloué au bien-être personnel, familial et communautaire, ainsi qu’à la protection et à la lutte pour les droits de l’Homme, qui font partie intégrante du travail de soins. Les TPV prévoient une enveloppe pour le Revenu du Soin (RS, en anglais, Care Income (CI) – basé sur la reconnaissance de la nécessité des activités de soins, qui sont souvent sous-évaluées ou invisibles dans nos sociétés et qui sont en grande majorité exercées par des femmes – en particulier des mères. Ce revenu peut être mis à la disposition des personnes qui n’ont pas d’emploi officiel, mais qui sont engagées à temps plein ou à temps partiel dans des activités de soins – les parents qui s’occupent de leurs enfants, les enfants qui s’occupent de leurs parents âgés et les membres de la communauté qui s’occupent les uns des autres et de l’environnement.
En offrant une reconnaissance sociale et financière, le RS inciterait les gens à s’engager sérieusement dans le travail de soins. Ceci, à son tour, assurerait la sécurité des personnes handicapées – en facilitant l’accès aux soins dont elles ont besoin pour vivre de manière indépendante. Elle contribuerait également à remédier aux désavantages structurels auxquels sont confrontées les femmes et les autres aidants dans l’économie actuelle – en surmontant le fléau de l’inégalité des salaires.
Enfin, en apportant une aide sociale et financière, le RS consoliderait les familles. Dans certaines régions d’Europe, les enfants sont pris en charge à un rythme alarmant.57L’Association des directeurs des services à l’enfance Ltd ‘Un pays qui travaille pour tous les enfants’, ADCS Position Paper, October 2017, https://adcs.org.uk/general-subject/article/a-country-that-works-for-all-children. (Résultats de recherche en français).C’est le résultat de politiques telles que l’austérité qui a appauvri les familles, en particulier les familles monoparentales, et la privatisation des services à l’enfance, qui a ajouté un motif de profit au détriment des enfants. Un tel revenu ré-orienterait les ressources vers les mères et les pères célibataires et leurs enfants, en soutenant les services sociaux pour permettre aux familles de rester ensemble.
Dans l’ensemble, l’objectif principal du programme de création d’emplois du GIN est de découpler le progrès social et l’effondrement écologique. Alors que les communautés acquièrent de plus en plus de marge de manœuvre et de prospérité, les sources de travail et de prospérité se déplacent de l’extraction et de la consommation vers la régénération et d’autres activités socialement utiles.
9. Recommandations politiques : Garantir des emplois publics décents à tous les résidents européens qui en cherchent un, basés sur :
- un week-end de trois ou une semaine de travail de quatre jours, avec un nombre d'heures de travail moins élevé ;
- la démocratisation de l'économie et de la société sur les lieux de travail et dans les collectivités ;
- des salaires équitables ;
- la création d'emplois locaux, y compris dans les zones rurales.
10. Recommandations politiques : Mettre en place une garantie de revenu pour les trvailleurs des industries à forte émission de carbone qui seront progressivement supprimées par la loi.
11. Recommandations politiques : Mettre en place un Revenu du Soin pour prendre en charge des activités comme le soin à la personne, à l'environnement urbain et au milieu naturel.
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Donner plus de pouvoir aux citoyens
La démocratie est un principe directeur du Green New Deal pour l’Europe. C’est un plan ayant pour objectif de redonner le pouvoir au peuple, tant sur leur vie que sur l’avenir de l’Europe. Les TPV appliquent ce principe en habilitant les collectivités à prendre des décisions significatives sur la façon dont l’argent est dépensé et à collaborer au-delà de leurs frontières pour prendre ces décisions.
a. La dévolution des décisions d’investissement
Dans le cadre du programme des TPV, une grande partie des investissements sera dévolue directement à des autorités sous-continentales, ce qui redonnera aux nations, aux régions et aux municipalités le pouvoir de diriger leurs propres décisions d’investissement. Cela permettra à tous les européens et toutes les européennes d’avoir leur mot à dire dans les décisions qui façonneront leur avenir.
Le transfert du financement des TPV ne nécessite pas l’élaboration d’une structure de gouvernance parallèle entièrement nouvelle. Pour accélérer sa mise en œuvre, elle s’appuie plutôt sur les institutions gouvernementales existantes à tous les niveaux.
Le fonctionnement est le suivant :
- Les TPV affectent des fonds à tous les gouvernements nationaux, régionaux et municipaux qui acceptent de respecter un ensemble commun de principes fondamentaux, notamment la démocratie, la transparence et la durabilité. Il fait appel à des stratégies de marchés publics pour s’assurer que les fonds investis dans les communautés locales restent entre les mains de ces dernières. Les marchés publics doivent être soumis à des exigences strictes sur l’utilisation de matériaux et d’énergies durables, et être conçus de manière à donner la priorité aux organisations de travailleurs, aux coopératives et aux projets communautaires.
- Les TPV distribuent ensuite les fonds directement à ces autorités, leur permettant de décider démocratiquement de leur destination, à condition qu’elles recueillent des données détaillées sur l’avancement de la mise en œuvre des projets.
Toutefois, si l’acheminement des fonds et le suivi du financement des TPV vers les niveaux régional et municipal est un premier pas important, il est insuffisant pour mettre en œuvre le principe de la démocratie. Le caractère de la gouvernance régionale et municipale varie considérablement à travers les pays de l’UE ; si certaines autorités locales ont une forte tradition de participation civique, d’autres sont plus éloignées de cette exigence et n’ont pas de comptes à rendre. Les associations et organisations de taille modeste éprouvent également des difficultés structurelles à participer aux projets de l’UE et à définir les priorités, en raison des contraintes administratives excessives liées aux fonds de l’UE. Ces structures dans lesquelles les exclus de la société sont le plus susceptibles d’être présents sont en effet souvent évincés par des organisations plus grandes, moins représentatives et plus à même de gérer la bureaucratie des financements européens. 58
Communauté de l’innovation sociale, ” La Déclaration de Lisbonne : L’innovation sociale comme voie vers une Europe durable, résiliente et inclusive “, 2018, https://media.nesta.org.uk/documents/Lisbon_Declaration_on_Social_Innovation.pdf, (consulté le 29 juillet 2019), p.5. ( Résultats de recherche en français)
Par conséquent, outre le transfert des décisions de financement, le plan des TPV inclura des conditions de financement spécifiques liées à la promotion des expérimentations visant à démocratiser la prise de décision en matière d’investissement au niveau régional et municipal.
Il est important de prendre cette expérimentation au sérieux pour éviter que la participation ne devienne un exercice superficiel de type « case à cocher », dans lequel les préférences des individus sont récoltées de manière dépolitisée. Ces processus doivent être menés en vue d’élargir rapidement les capacités des citoyens européens à participer aux décisions politiques – et à ancrer les normes et pratiques démocratiques au cœur de chaque communauté.
Des expériences de démocratie numérique à Barcelone et à Madrid59
I. Peña-López. “La participation citoyenne et l’essor de la ville open source en Espagne” Institut d’études du développement, 2017. ( Résultats de recherche en français). des approches participatives de la gouvernance économique en Émilie-Romagne60
P. Bianchi and S. Labory, ‘La politique industrielle après la crise : le cas de la région Emilia-Romagna en Italie’, Policy Studies, 32:4, 2011, pp. 429-445. en français : https://www.persee.fr/doc/pole_1262-1676_1996_num_5_1_951 . et le succès de l’alliance de la société civile Citizens UK dans l’élaboration de programmes politiques locaux au Royaume-Uni peuvent servir d’inspiration pour des formes de participation plus significatives.
Conformément aux recommandations de la déclaration de Lisbonne,61 Communauté de l’innovation sociale.le programme des TPV élaborera également des versions simplifiées des processus de demande de financement et d’établissement de rapports de l’UE et utilisera une approche dialogique dans la co-conception des appels de financement, afin de faciliter l’accès et la participation des petites organisations locales. Cela devrait s’accompagner d’un service gratuit permettant aux petites associations d’accéder à des informations, pour leur donner la possibilité de participer à l’élaboration des priorités et d’accéder à des financements, et à des possibilités de renforcement des capacités.
Enfin, les TPV inciteront fortement les autorités à créer des agences “TPV” locales pour les aider à orienter leurs décisions d’investissement. Par l’intermédiaire de ces organismes, les TPV peuvent fournir un soutien technique étendu et aider à la réalisation d’investissements qui nécessitent une coordination horizontale et verticale – en assistant, plutôt qu’en dirigeant, les processus décisionnels démocratiques qui sous-tendent la structure de financement décentralisée du programme TPV.
Cette approche est stratégique. Mettre les citoyens aux commandes du développement communautaire permettra d’approfondir la culture de la durabilité et le consensus sur les avantages d’une transition verte. Les TPV visent donc à faire face à la crise de la légitimation démocratique dans l’UE, en fournissant un moyen politique concret par lequel les Européens peuvent participer à cette transformation économique.
12. Recommandations politiques : Transférer les décisions d'investissement des TPV vers les niveaux nationaux, régionaux et municipaux.
13. Recommandations politiques : IAllouer des lignes de financement distinctes au sein des TPV pour l'expérimentation d’une participation accrue du public à la prise de décisions en matière d'investissement.
14. Recommandations politiques : Développer des versions simplifiées des processus de demande de financement et d'établissement de bilans, et inclure un service d’appui gratuit, pour assurer une plus grande participation et un meilleur accès des organisations de la société civile et populaire à la prise de décisions en matière d'investissement.
15 . Recommandations politiques : Encourager les autorités locales à créer des agences locales du TPV, pour les aider à piloter les décisions d'investissement et fournir un soutien technique.
16 . Recommandations politiques : Financer les collectivités nationales, régionales et municipales qui acceptent un ensemble commun de principes fondamentaux, comprenant la démocratie, la transparence et le développement durable - et qui se soumettent à des exigences strictes en matière de marchés publics.
b. Le Réseau de Solidarité Verte
Partout en Europe – de Preston au Royaume-Uni à Barcelone en Espagne – les mouvements municipaux élaborent de nouvelles manières d’autonomisation de leurs communautés, en défendant de nouveaux modèles de marchés publics, en renforçant la participation locale et en luttant contre l’exode des revenus de leurs économies locales. Le programme des TPV ne se contentera pas de soutenir ces méthodes, il créera de nouvelles manières audacieuses de les combiner. Les leçons tirées de la politique locale – les succès, les échecs et les meilleures pratiques – peuvent devenir un cadre pour le changement en Europe. Pour s’assurer que ces connaissances seront largement partagées, il s’agira de s’appuyer sur des accords de coopération approfondis à l’échelle européenne.
Trois initiatives financées par l’UE constituent un prototype de ce à quoi pourrait ressembler le réseau européen de solidarité :
URBACT III,62‘Urbact, https://urbact.eu/, (consulté le 12 juillet 2019). en français : https://www.cget.gouv.fr/urbact/urbact-iii. un programme d’échange et d’apprentissage pour le développement durable, offre aux villes européennes et aux autres niveaux de gouvernance une plateforme pour partager les meilleures pratiques, échanger des informations et travailler ensemble pour améliorer les politiques régionales. Il permet aux villes qui innovent dans un domaine particulier d’animer un réseau d’autres villes, en les aidant à adopter ses outils. Par exemple, le conseil municipal de Preston dirige un projet paneuropéen au niveau municipal visant à transposer les leçons de sa stratégie d’approvisionnement à d’autres villes de la région. Sa stratégie consiste à réorienter les dépenses vers la communauté locale en modifiant le comportement des institutions locales disposant des budgets les plus importants en matière de marchés publics. Le programme a permis d’augmenter les recettes locales et a ouvert la voie à l’expansion du secteur coopératif local..63Urbact, https://urbact.eu/, (consulté le 12 juillet 2019). en français : https://www.cget.gouv.fr/urbact/urbact-iii.
Le programme de Coopération Urbaine Internationale (CUI) associe des villes des pays membres de l’UE et des pays en voie de développement. Le CUI encourage la coopération en matière de développement urbain durable ; encourage les villes à adhérer à l’Initiative du Pacte mondial des Maires, un engagement municipal de réduction des émissions de gaz à effet de serre ; il soutient la coopération interrégionale sur les questions suivantes : l’innovation en matière de développement local et régional, en particulier en ce qui concerne les chaînes de valeur internationale et les petites et moyennes entreprises.64International Urban Cooperation, http://www.iuc.eu/, (consulté le 14 juillet 2019).
Le Réseau Européen pour le Développement Rural (REDR) soutient des projets dans les collectivités rurales. Ses principaux objectifs sont de fournir une plateforme de coopération dans les domaines de l’agriculture, de la sylviculture et d’autres activités rurales, d’aider les zones rurales à faire une transition équitable vers des pratiques durables et d’améliorer la production alimentaire et ses chaînes d’approvisionnement.65Travail thématique du RIE, https://enrd.ec.europa.eu/enrd-thematic-work_en, (consulté le 15 juillet 2019).
Dans le cadre du Green New Deal pour l’Europe, de tels programmes seront essentiels.
Non seulement ils soutiennent l’échange d’informations, mais ils aident aussi les institutions et les organisations qui travaillent de façon radicalement nouvelle à partager de l’information sur des activités qui sortent du cadre de la mémoire institutionnelle.
Ils renforcent également les compétences des autorités locales et contribuent à créer des relations de pouvoir horizontales qui remettent en question le pouvoir vertical des entreprises internationales et des gouvernements fédéraux et internationaux.
Le Réseau de Solidarité Verte réunit ces modèles de coopération réussis sous un même toit, au sein d’une structure institutionnelle qui amplifiera les capacités de partage de l’information 66La mise en place d’une infrastructure numérique publique, dont il est question à la section 3.4.2, peut également contribuer à la réalisation de ces objectifs. et les capacités administratives de programmes comme URBACT III, le CUI et REDR. Il sera financé par une partie du budget des TPV. De plus, il pourrait constituer un puissant véhicule pour la politique participative, en aidant à étendre rapidement les modèles de prise de décision publique et de budgétisation participative à l’ensemble de la société civile et au-delà.
17. Recommandations politiques : Mettre en place un Réseau de Solidarité Verte favorisant les accords de jumelage et de coopération entre municipalités, régions, agriculteurs et collectivités, en améliorant le partage horizontal de l'information et la prise de décision politique à travers le continent.
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Lutte contre la corruption climatique
À long terme, la crise environnementale représente une menace pour toutes les espèces vivantes. Comme l’a indiqué l’ONU dans son récent rapport d’évaluation mondiale, le taux d’extinction ” est déjà au moins dix à cent fois plus élevé qu’il ne l’a été en moyenne au cours des dix derniers millions d’années “.67S. Sandria Díaz et al. ” Résumé à l’intention des décideurs du rapport d’évaluation mondiale sur la biodiversité et les services écosystémiques de la Plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques “, mai 2019. – http://bl-evolution.com/ipbes-le-premier-rapport-devaluation-mondial-sur-la-biodiversite-publie/ ( en français).
Mais à court terme, elle offre également de nombreuses possibilités de fraude, de corruption et d’exploitation de la crainte généralisée pour générer des gains financiers.
La force perturbatrice de la dégradation de l’environnement en particulier, permet à des acteurs opportunistes – dans les secteurs public et privé – de tirer rapidement profit du désespoir humain ou de siphonner des fonds destinés aux communautés de première ligne. Bref, la destruction du climat menace de devenir une application de plus de la ” doctrine du choc ” : un capitalisme de désastre devenu sauvage .68Naomi Klein. La Doctrine du Choc, New York : Penguin Random House, 2007. Dans la mesure où le programme des TPV génère puis dévolue des fonds publics, il a donc besoin de nouveaux outils politiques et de pouvoirs publics pour assurer la transparence de la distribution des fonds et l’intégrité des dépenses des fonds. Les preuves d’abus du budget de l’UE sont nombreuses69Voir, par exemple, S. Gebrekidan et al, L’argent des agriculteurs : comment les oligarques et les populistes exploitent l’UE’, The New York Times, 3 Novembre 2019. Pour réussir – afin de donner véritablement du pouvoir aux citoyens de toute l’Europe – le Green New Deal pour l’Europe doit lutter activement contre la corruption.
Parallèlement aux TPV, l’UE devrait donc mettre en place de nouvelles institutions d’assainissement et investir dans la surveillance de ses fonds publics.
Il s’agit notamment de mettre en place :
- Un outil de suivi des TPV, une plateforme publique qui permet aux gens de suivre la distribution des fonds et l’exécution des projets des TPV.
- Une nouvelle Autorité Européenne pour l’Intégrité Publique ayant le pouvoir d’enquêter et de renvoyer les contrevenants aux normes européennes communes et aux réglementations nationales aux organismes nationaux chargés de l’application de la loi.
- Un Office Européen de Lutte Antifraude renforcé, doté de fonds et de personnel pour soutenir les enquêtes sur les abus de fonds publics dans toute l’UE.
18. Recommandations politiques : Élaborer un outil de suivi pour permettre une visibilité publique et un contrôle des projets financés par les TPV.
19. Recommandations politiques : Mettre en place une nouvelle Autorité de l'Intégrité Publique au sein de l’UE, dotée du pouvoir d'enquêter sur les contrevenants aux règles communes européennes et aux règlements nationales, et de les déférer aux autorités nationales chargées de leur application.
20. Recommandations politiques : Investir dans l'Office européen de Lutte Antifraude pour renforcer la capacité d'enquêter sur les abus de biens publics dans l'UE.
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Dans quels secteurs investir
L’un des plus grands défis d’un programme à l’échelle des TPV est de s’assurer que les investissements réalisés n’auront pas d’impact négatif sur l’environnement, tant en Europe que dans le reste du monde. Un grand nombre de politiques de lutte contre la dégradation climatique peut exacerber la pression sur d’autres systèmes environnementaux. Planter des monocultures d’arbres à grande échelle comme moyen de piéger le carbone, par exemple, entraînerait probablement la destruction des écosystèmes locaux70G. Monbiot, Prévenir la dégradation du climat en restaurant les écosystèmes – Un appel à l’action, Natural Climate, https://www.naturalclimate.solutions/the-science (en anglais), consulté le 29 Juillet 2019.
De plus, le modèle de croissance économique qui prévaut dans les pays du Nord est fondé sur l’extraction de ressources financières et matérielles des Pays du Sud.
À moins que la transition de l’Europe ne soit fermement ancrée dans des principes de justice, le prix de l’action sur le continent pourrait être dévastatrice pour l’environnement et pour l’économie globale.
Le passage d’une Europe sale, stagnante et marquée par l’austérité à une Europe verte, économiquement dynamique et socialement florissante, dans le “statu quo” économique actuel, pourrait conduire paradoxalement à une catastrophe environnementale totale. Les TPV ne viseront donc pas seulement à promouvoir l’adoption rapide de technologies durables. Ils marqueront également le début d’un changement dans notre modèle socio-économique dominant, qui s’éloignera des niveaux élevés de consommation matérielle motivés par l’aspiration à l’accumulation de richesses privées. Le modèle de société voulu par le Green New Deal pour l’Europe est une société de prospérité économique et d’abondance publique, basée sur la disponibilité de biens communs et fondée sur des activités sans carbone, comme l’éducation et les soins, qui sont vitales pour le bien-être quotidien des citoyens européens.71Le Collectif de l’Economie Fondamentale, Economie Fondamentale : L’infrastructure de la vie quotidienne, Manchester University Press, 2018.
Dans l’ensemble, le programme d’investissement des TPV a pour effet de faire passer tous les secteurs à une énergie 100 % renouvelable, à une échelle et à un rythme qui permettent d’élever le niveau de vie, d’autonomiser les communautés et de protéger l’environnement. Pour y parvenir, de nouveaux modèles de logement, d’infrastructure et de prestations sociales, de production industrielle et d’agriculture sont nécessaires. La présente section montre comment le programme des TPV peut donner vie à ce modèle dans les secteurs clés.
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Habitat
Le logement est aujourd’hui la part des dépense la plus élevée pour la plupart des ménages européens, les prix des logements dans la plupart des États membres de l’UE augmentent plus vite que les salaires 72 A. Pittini et al., ‘L’état du logement dans l’UE 2017 – Le logement est toujours le défi de l’Europe”, Housing Europe, 17 octobre 2017. Résultats de recherche en français et http://www.housingeurope.eu/resource-1000/the-state-of-housing-in-the-eu-2017 (consulté le 15 Juillet 2019) . L’augmentation du nombre de sans-abri sur le continent témoigne de l’absence d’une réponse politique cohérente – en 2017, le nombre de sans-abris a augmenté dans tous les pays européens sauf en Finlande, atteignant des niveaux records sur le continent73 C.Serme-Morin, “Les sans-abri en Europe – L’augmentation de l’absence de domicile”, FEANTSA, Rapport, 2017, https://www.feantsa.org/download/increases-in-homelessness4974810376875636190.pdf (consulté le 15 Juillet 2019), p.2 Résultats de recherche en français..
Les maisons sont également une source importante de consommation d’énergies74‘Statistiques de l’énergie – un aperçu”, Eurostat, juin 2019, (consulté le 15 Juillet 2019) https://ec.europa.eu/eurostat/fr/web/energy/data/energy-balances (en français),
https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Energy_statistics_-_an_overview#Final_energy_consumption et d’émissions de CO275Agence européenne pour l’environnement, émissions de GES des utilisateurs d’énergie, réaffectation des émissions des industries de l’énergie aux utilisateurs finaux 2005-2010 20 décembre 2012, (consulté le 15 Juillet 2019) , p. 8. http://www.eea.europa.eu/publications/end-user-ghg-emissions-energy. Les ménages représentent environ un quart de l’utilisation finale de l’énergie et des émissions dans les États membres de l’UE.
Avec la hausse des prix et la stagnation des salaires, la pauvreté énergétique est également au cœur des préoccupations des pays en développement. En 2018, près de 50 millions de personnes dans l’UE étaient touchées par la précarité énergétique – comprise comme une condition dans laquelle “les individus ou les ménages ne sont pas capables de se chauffer correctement ou de fournir d’autres services énergétiques requis à domicile à un coût abordable”. La précarité énergétique va au-delà de l’impact économique. Elle est liée à la santé mentale physique et au bien-être76H. Thomson, S. Bouzarovski, ‘Lutte contre la pauvreté énergétique dans l’Union européenne : État des lieux et actions’,
Observatoire européen de la pauvreté énergétique, août 2018, (consulté le 15 Juillet 2019) Résultats de recherche en français: https://www.energypoverty.eu/sites/default/files/downloads/publications/18-08/paneureport2018_final_v3.pdf. Comme les conditions météo extrêmes deviennent plus nombreuses et plus fréquentes, le logement sera crucial pour s’assurer de la résilience collective.77L. Fransen, G. del Bufalo and E. Reviglio, ‘Stimuler l’investissement dans les infrastructures sociales en Europe Rapport de la Task Force de haut niveau sur l’investissement dans les infrastructures sociales en Europe. Document de discussion sur l’économie européenne, janvier 2018, consulté le 15 juillet 2019, p. 33. Résultats de recherche en français et https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/economy-finance/dp074_en.pdf,
Comme le note le GIEC (Groupe Intergouvernemental d’Experts sur l’Evolution du Climat (ndt : IPCC), “les personnes qui sont socialement, économiquement, structurellement vulnérables ou, dans une autre mesure, marginalisées, sont plus particulièrement vulnérables au changement climatique mais également aux mesures d’adaptation ou de compensations”. Les choix politiques pour des logements sociaux écologiquement viables joueront un rôle important dans la sécurité du logement, la réduction du coût de la vie, la réduction de la précarité énergétique et la réduction radicale des émissions, tout en assurant l’accessibilité et en renforçant la résilience des collectivités face aux changements climatiques et aux conditions météorologiques extrêmes.
Le réaménagement de logements au niveau de la demande actuelle exige une approche holistique basée non pas sur des bâtiments individuels, mais sur des quartiers entiers – permettant des approches intégrées en matière de logement, de mobilité et de services pour les communautés. Cela nécessite, à son tour, une mobilisation importante des finances publiques.78J. Dijol et al, Le financement de la rénovation dans le secteur du logement social – une étude comparative dans 6 pays européens, 4 juin 2018, consulté le 15 Juillet 2019. Résultats de recherche en français et http://www.housingeurope.eu/resource-1124/the-financing-of-renovation-in-the-social-housing-sector Cependant l’investissement dans le logement public a de fait diminué en Europe entre 2009 et 2012.79L. Fransen, G. del Bufalo and E. Reviglio, ‘Stimuler l’investissement dans les infrastructures sociales en Europe – Rapport de la Task Force de haut niveau sur l’investissement dans les infrastructures sociales en Europe, Document de discussion sur l’économie européenne, janvier 2018, https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/economy-finance/dp074_en.pdf (consulté le 15 Juillet 2019) p.33.Les TPV comblent le fossé, offrant un financement public à la hauteur pour les logements en Europe.
La seule conception et la construction de nouvelles maisons durables ne suffiront pas. En fait, elles pourront contribuer à la dégradation de l’environnement, en particulier lorsqu’elles conduisent à l’expansion des territoires urbains et à la perte d’espaces verts. Le secteur de la construction a un énorme impact sur l’environnement. La Feuille de Route pour une Europe Efficace dans l’Utilisation des Ressources (ndt : Roadmap to A Resource Efficient Europe), un plan de de la Commission Européenne datant de 2011, indique que de meilleures pratiques de construction et d’utilisation des matériaux “diminueraient de 42 % de notre consommation finale d’énergie, environ 35 % de nos émissions de gaz à effet de serre et plus de 50 % des matières premières ; cela pourrait également nous aider à économiser jusqu’à 30 % d’eau”.80Feuille de route pour une Europe efficace dans l’utilisation des ressources, Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, Résultats de recherche en français et https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX:52011DC0571 (consulté le 15 Juillet 2019)
Dans le même temps, selon la Commission européenne, près de 75 % des bâtiments de l’UE sont énergétiquement inefficaces, alors que seulement 0,4 à 1,2 % du parc immobilier est rénové tous les ans. La rénovation des bâtiments existants pourrait réduire la consommation totale d’énergie de l’UE jusqu’à 6 % et les émissions de CO2 de 5 %.81Performance énergétique des bâtiments, Commission européenne. Résultats de recherche en français et https://ec.europa.eu/energy/en/topics/energy-efficiency/energy-performance-of-buildings (consulté le 18 juillet 2019).La rénovation du parc immobilier existant offre donc la possibilité de réduire la pression créée par le secteur de la construction d’aujourd’hui, tout en réalisant des économies d’énergie, d’émissions et de matériaux.
Les TPV s’occuperont donc du logement en accordant la priorité au parc de logements existants et vacants, et n’investira dans de nouvelles constructions que si cela s’avère nécessaire.
Tout d’abord, le programme permettra de restaurer, d’entretenir et de rénover le parc de logements existant pour en assurer la viabilité, respectant l’engagement durable. Le programme engagera un investissement massif pour amener les logements européens à un niveau d’efficacité énergétique qui minimise le besoin de systèmes énergétiques actifs pour le chauffage et la climatisation, augmente la santé et le confort et réduit considérablement leur empreinte écologique. Cela permettra également d’éviter une expansion spectaculaire de l’utilisation des systèmes de refroidissement par air conditionné à mesure que les températures continueront d’augmenter en Europe.
Dans la mesure du possible, les TPV équiperont chaque communauté européenne de panneaux solaires, de pompes à chaleur, d’installations de stockage d’énergie et de chaleur et d’autres outils essentiels à la réduction des émissions – dans le cadre d’une stratégie publique intégrée à l’égard des services publics. Ces programmes doivent être soumis à des critères stricts d’adéquation et d’accessibilité financière, en donnant la priorité aux quartiers les plus nécessiteux et aux ménages les moins en mesure de se permettre de rénover leur logement.
Deuxièmement, dans la mesure du possible, les TPV achèteront et rénoveront des logements privés innoccupés pour usage public. En 2011, il y avait 38 millions de logements vacants82Les maisons qui sont vacantes ou utilisées comme maisons saisonnières ou de vacances.en Europe. Les chiffres deviennent plus frappants si l’on considère les pays ayant les industries touristiques les plus développées. En Grèce, en Croatie, au Portugal, à Malte, en Bulgarie, à Chypre, en Espagne et en Italie, les taux d’inoccupation sont d’environ 30 % de l’ensemble des logements, en partie parce qu’un grand nombre de logements sont utilisés comme location de vacances, ce qui fait augmenter les coûts pour les résidents.83“Remplir les postes vacants – Biens immobiliers vacants : Saisir l’opportunité de trouver des solutions de logement abordable en Europe”, FEANTSA, Fondation Abbé Pierre, 2016, https://ec.europa.eu/futurium/sites/futurium/files/long_version_en.pdf.pdf consulté le 15 Juillet 2019.Mettre ces ressources à profit pour un usage public deviendra une priorité clé dans le programme européen de logement.
FIG. 6
Le logement en Europe
Nombre de logements vacants dans les cinq pays européens ayant les pourcentages les plus élevés de logements inoccupés.
Source: FEANTSA
Un élément essentiel de la remise en l’état et la régénération de l’environnement local est de rendre des comptes aux résidents. Cela requiert un système de consultation à tous les niveaux. Les TPV s’assurent que les habitants de ces logements aient accès à une information indépendante de qualité sur les choix liés à la remise en état de leur habitation. Associations de résidents et de locataires se verront donner ainsi un véritable pouvoir de décision et pourront proposer des alternatives, débats qui pourront être tenus dans des lieux mis à leur disposition. Les décisions des promoteurs seront soumises à examen par un corps indépendant qui aura pouvoir de décision sur les propriétaires privés comme publics. Des compensations significatives seront disponibles pour les résidents au cas où les promoteurs échoueraient à se soumettre aux normes.
Enfin, tous les nouveaux logements seront construits de manière durable et selon un nouveau modèle de vie.
En terme de construction durable, les travaux sur de nouveaux bâtiments seront gérés par des organismes de supervision indépendant présents sur sites. La construction ne pourra plus être supportée par le travail précaire. Il y aura des lignes claires, sur les responsabilités, comme pour le résultat. Un process rigoureux dans la construction doit pouvoir mener à plus de nouveaux bâtiments construits directement par les corps de gouvernance locaux et nationaux et non plus par une participation importante des promoteurs immobiliers privés. Et l’Europe doit investir dans le logement vertical et la densité urbaine, en utilisant des méthodes de construction préfabriquées durables, pour éviter la destruction par l’étalement urbain.
Les matériaux utilisés pendant la constructions (y compris l’isolation) utilisés pour toute nouvelle construction ou projet de rénovation seront sujet à examen de la part de spécialistes et d’organismes indépendants de l’industrie du bâtiment mais aussi des fabricants pour éviter les matériaux inflammables, des matériaux produisant des émanations toxiques, détériorant l’air intérieur avec ou sans combustion; sont également compris ceux qui sont fabriqués à partir de process de matières premières polluantes ou dommageables pour l’environnement lors de leur extraction. Ceci mènera à une diminution de l’usage de produits issus du pétrole comme les plastiques en faveur de celui des matières premières naturelles (ce point fera l’objet d’une attention toute particulière quant à l’usage de l’exploitation des terres pour leur production).
Concernant les nouveaux modèles de vie, les TPV faciliteront l’expérimentation de la planification urbaine et communautaire participative, en mettant les gens aux commandes des changements apportés aux modèles de logement – et en ouvrant la porte à de nouveaux modèles de vie communautaires. En 2018, un tiers de tous les ménages de l’UE étaient des ménages d’une seule personne et qui ont une empreinte environnementale beaucoup plus importante que les maisons partagées.
Les logements sont également les espaces dans lesquels une part importante des emplois non payés comme l’assistance à la personne ou l’entretien du foyer sont présents. Ils sont un locus (ndt : le lieu) de disparités de pouvoir que ce soit en matière de genre, de classe sociale, d’ethnie, d’origine, ou encore de type de mobilité au sein des “chaînes de (ndt : entendre migration) solidarité” (Global Care Chains).84R. Todaro, ‘Chaîne de soins globale’, A. Wong, M. Wickramasinghe, r. hoogland and N. A. Naples (eds), The Wiley Blackwell Encyclopedia of Gender and Sexuality Studies, 2016, https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/9781118663219.wbegss126. Une transition vers un logement à faible émission de gaz à effet de serre doit dans ce cas, également, accélérer le partage du travail à l’échelle du logement, s’assurer que le poids du travail non rémunéré soit divisé équitablement parmi les résidents. Étendre les modèles de cohabitation où les résidents partagent l’espace et les services publics réduirait la demande en matière de travail lié aux tâches ménagères, qui échoit majoritairement aux femmes.85 G. D’Alisa, C. Cattaneo, “Travail ménager et consommation d’énergie : une perspective de décroissance – l’étude de cas de la Catalogne”, Journal of Cleaner Production, Vol. 38, janvier 2013, http://dx.doi.org/10.1016/j.jclepro.2011.11.058, pp. 71-79. Cela assurerait également l’accès pour tous à un grand nombre de services de haute qualités ainsi qu’aux outils dont les citoyens ont besoin.
Ensemble, toutes ces modifications prodigueront une importante baisse de la pauvreté, de l’insécurité et des inégalités tout en faisant disparaître le mal du logement. Ces changements peuvent également augmenter la résilience des populations à travers l’Europe, tout en réduisant à la fois l’usage de matières premières et celui des énergies nuisibles.
21 Recommandation politique : Utiliser les TPV pour financer un important programme de rachat du parc de logements vacants.
22 Recommandation politique : Remettre en état et moderniser le parc de logements existants. Assurer la durabilité, la bonne isolation et le bon état du parc de logement via à un grand panel d'initiatives participatives à l'échelle du quartier.
23 Recommandation politique : S'assurer que tout nouveau logement répond aux besoins créés par le changement climatique, qu'il est sûr et non toxique et qu'il est construit avec la participation des collectivités qui l'utiliseront en bout de ligne.
24 Recommandation politique : S'assurer que les collectivités et les travailleurs pourront suivre les projets de construction, qui seront adaptés à l'emplacement et à la nature des structures existantes, éviteront de créer de l'humidité ou d'autres risques par des rénovations inappropriées, et minimiseront les émissions de gaz à effet de serre et autres dommages environnementaux.
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Infrastructures
Dans les régions d’Europe particulièrement frappées par les politiques d’austérité, les investissements publics dans les infrastructures sont dans un état lamentable. Selon le Rapport Annuel d’Investissement 2018-2019 de la BEI,
"Le secteur public représente environ 80 % de la baisse de l'investissement total dans les infrastructures au cours de la dernière décennie. C'est dans les pays soumis à des conditions macroéconomiques défavorables et à des contraintes budgétaires plus sévères que la baisse des investissements publics dans les infrastructures a été la plus prononcée"86D. Revoltella, P. de Lima and A. Kolev (eds), p.2.
Dans le même temps, les investissements dans le cadre de partenariats public-privé se sont également effondrés, passant de 30 milliards d’euros en 2015 à un peu moins de 9 milliards d’euros en 2017. Ces modèles d’investissement, poursuivis avec beaucoup d’enthousiasme par les gouvernements du monde entier, étaient inefficaces et sujets à l’échec – dans certains cas à grands frais pour les contribuables.87D. Revoltella, P. de Lima and A. Kolev (eds.), pp. 73 – 74.Bien qu’il n’existe aucune preuve de leur rentabilité, les partenariats public-privé sont très complexes, coûteux à planifier et extrêmement difficiles à négocier. Ce modèle déplace davantage l’investissement de l’utilité sociale vers la maximisation du profit.
Comme la BEI l’a indiqué dans son rapport 2017-2018 : “Il y a un besoin de prioriser à nouveau l’investissement dans les infrastructures publiques”.88D.Revoltella and A. Kolev, «De la reprise à une croissance durable – Rapport d’investissement de la BEI 2017/2018», Banque européenne d’investissement, 2017, (consulté le 10 juillet 2019), p.2. https://www.eib.org/attachments/efs/economic_investment_report_2017_en.pdf (en anglais)Les TPV répondent à ce défi en mobilisant des ressources publiques pour des investissements publics afin de revitaliser les infrastructures en difficultés du continent tout en soutenant une transition vers une économie qui respecte les frontières planétaires.
Mais le New Deal écologique pour l’Europe sera plus qu’un ensemble d’investissements. La rénovation des infrastructures européennes se fera en tenant compte du coût environnemental du financement de la transition. Le développement des infrastructures peut être fondé sur d’importantes émissions de carbone, l’utilisation des ressources (y compris l’extraction de métaux précieux et de minéraux) et mener à une mauvaise utilisation des terres dans le monde. Il est essentiel de veiller à ce que la transition vers les énergies renouvelables et la dépendance à l’égard d’une nouvelle extraction minière ne reproduisent pas l’injustice et la destruction environnementale de l’extraction des énergies fossiles. La transition verte de l’Europe s’appuiera sur les principes de la justice mondiale.
La présente section se concentre sur la transformation nécessaire des infrastructures européennes en terme de mobilité, d’énergie et d’infrastructures numériques (par opposition aux plates-formes numériques, qui sont traitées à la section 3.2.6).
Les investissements proposés dans cette section doivent être lus dans le contexte d’une transformation politique plus large qui réduit la demande globale d’infrastructures en Europe. Les pratiques permettant de réduire la durée hebdomadaire du travail, le travail à domicile et l’éducation tout au long de la vie feront en sorte que l’utilisation globale des infrastructures – qu’il s’agisse de routes, de chemins de fer ou d’immeubles de bureaux – diminuera. Ces mesures sont examinées à la section 3.4.6 ci-dessous.
a. Fonds de cohésion pour la mobilité
Les idées des TPV sont l’opportunité de réimaginer radicalement notre façon de voyager comme nos trajets du quotidien. Au lieu de routes bruyantes et encombrées, les TPV proposent des systèmes de transport en commun intégrés qui comprennent des bicyclettes, des transports publics gratuits, des parcs de taxis électriques partagés et des trains à grande vitesse. La plupart des gens n’auront plus besoin de posséder une voiture ce qui mènera à la réduction de l’utilisation de l’automobile, laquelle comporte d’importants risques pour l’environnement et n’est pas pratique dans un monde où la population augmente.
En effet, la mobilité est un parfait micro-exemple de la façon dont la transition vers des émissions nettes nulles pourrait être dévastatrice pour l’environnement si elle n’est pas soigneusement planifiée. Bien que l’électrification des véhicules personnels jouera un rôle important dans la transition énergétique, le simple remplacement de l’essence par des véhicules électriques peut contribuer à la dégradation de l’environnement, tout en maintenant une économie basée sur l’extraction des matières premières, modèle qui impacte de manière disproportionnée les pays du Sud. (NDLR: L’appellation pays du Sud ou le Sud désigne les pays caractérisés par un IDH et un PIB par habitant faible, qui sont majoritairement situés dans la partie sud des continents émergés).
La surexploitation des métaux précieux pour la production de véhicules électriques peut avoir des impacts sociaux et environnementaux dévastateurs.89E. Dominish, N. Florin and S. Teske, «Approvisionnement responsable en minéraux pour les énergies renouvelables», Université de technologie de Sydney, 2019, Responsible minerals sourcing for renewable energy (en anglais, consulté le 21 Juillet 2019).
Tout comme les chaînes d’approvisionnement des énergies fossiles, les chaînes d’approvisionnement des batteries lithium-ion, qui alimentent tout, des téléphones mobiles aux voitures électriques, sont liées à des violations des droits humains, dont l’esclavage et le travail des enfants. Plus de la moitié du cobalt dans le monde, un minéral clé utilisé dans ces batteries, provient de la République démocratique du Congo. Amnesty International a constaté que son extraction repose en partie sur le creusage à la main par des enfants et des adultes sans aucun équipement de protection, malgré d’importants risques sanitaires.90“Amnesty met les dirigeants du secteur industriel au défi de nettoyer leurs batteries”, Amnesty International, 21 mars 2019, https://www.amnesty.org/en/latest/news/2019/03/amnesty-challenges-industry-leaders-to-clean-up-their-batteries/ (consulté le 21 Juillet 2019).
Pour limiter les impacts sociaux et environnementaux négatifs décrits ci-dessus, l’Europe devra accroître sa capacité de recyclage des batteries : même dans un scénario ne prévoyant qu’une adoption modérée des véhicules électriques d’ici 2030, la capacité de recyclage Li-ion actuelle ne pourra pas répondre à la demande prévue de batteries de véhicules électriques épuisées.91T&E, Element Energy, Enel, Iberdrola and Renault Nissan, «Batteries sur roues: le rôle des voitures électriques à batterie dans le système électrique de l’UE et au-delà», juin 2019, https://www.transportenvironment.org/sites/te/files/publications/2019_06_Element_Energy_Batteries_on_wheels_Public_report.pdf (en anglais, consulté le 23 Octobre 2019), p.4.
Au-delà de cela, la possession d’une voiture demeure un luxe que tous les citoyens ne peuvent se permettre. En l’absence de réseaux de transports publics robustes et peu coûteux, le passage progressif des infrastructures de transport public à la propriété d’une voiture particulière exclut des pans entiers de la population de la mobilité et ne résoudront pas les problèmes d’infrastructure urbaine notamment la congestion.
Pour y remédier, le TPV développera de nouveaux systèmes publics intégrés de mobilité qui assureront une accessibilité maximale à toutes échelles, au sein des communautés rurales, des villes, des régions et des pays d’Europe.
Il le fait par la création d’un Fonds de cohésion pour la mobilité, une partie des TPV délimitée qui travaillera en étroite collaboration avec Green Horizon 2030, le programme de logement et d’autres initiatives des TPV, pour développer des solutions pour les transports publics intégrées à l’échelle du continent.
Dans les villes européennes, les trams, les bus électriques, les trains et les autres modes de transport devraient faire partie d’une infrastructure de transport public connectée, garantissant que chaque communauté est bien reliée. Ces services devraient être gratuits ou peu coûteux pour tous les usagers afin d’en maximiser l’utilisation et d’accueillir les personnes souffrant de tout handicap, notamment en mettant à disposition une assistance sans réservation préalable. Les pistes cyclables devraient être isolées de la circulation automobile, bien entretenues et suffisamment larges pour permettre un débit important. Par-dessus tout, la bicyclette doit être mise sur un pied d’égalité avec les autres modes de transport, notamment en termes d’investissement dans les infrastructures et d’incitations fiscales.
Cependant, une simple expansion des systèmes de transport public risque de ne pas assurer la mobilité de tous, en particulier dans les communautés rurales dont la population n’est pas suffisante pour justifier le développement de tramways ou de trains de dessertes locales. Une solution consiste à investir dans des parcs de véhicules propres et partagés faisant partie de systèmes de transport connectés qui minimisent la dégradation de l’environnement tout en maximisant l’accès et les possibilités. Ces véhicules peuvent prendre la forme de taxis électriques fonctionnant sur le modèle du covoiturage, offrant des services porte-à-porte à tous les passagers à un faible coût.
Les liaisons interrégionales et internationales seront basées sur l’investissement dans des systèmes ferroviaires à grande vitesse interconnectés avec les transports publics locaux. Actuellement, le système est un patchwork inefficace de normes et de systèmes.92“Un réseau ferroviaire européen à grande vitesse : non pas une réalité, mais une mosaïque inefficace”, Cour des comptes européenne, rapport spécial n° 19, 2018, https://www.eca.europa.eu/Lists/ECADocuments/SR18_19/SR_HIGH_SPEED_RAIL_EN.pdf, (consulté le 4 aoput 2019).
Les TPV investiront dans la mise à niveau rapide et l’intégration accrue des systèmes existants, en s’assurant que, partout en Europe, des voyages abordables sont accessibles à tous, tout en réduisant considérablement le nombre de vols de passagers.
Enfin, le transport durable de passagers en Europe sera également conditionné par des incitations appropriées et par une réglementation et une taxation équitables des secteurs des transports, fondées sur le principe du pollueur-payeur. Si les émissions des compagnies aériennes sur les vols à l’intérieur de l’Europe sont déjà couvertes par le système communautaire d’échange de quotas d’émission (SCEQE), le coût de la compensation pour les compagnies aériennes est actuellement une fraction de ce qu’une taxation du kérosène au taux normal coûterait au secteur.93Commission européenne, “Taxes dans le domaine de l’aviation et leur impact”, Projet de rapport final, https://www.transportenvironment.org/sites/te/files/publications/EC_report_Taxes_in_field_of_aviation_and_their_impact_web.pdf (consulté le 23 octobre 2019), p. 23, 51. Résultats de recherche en français
Pour le secteur du fret et de la logistique, le passage du transport aérien et routier à des modes moins intensifs en carbone, comme les barges et le rail, doit être une priorité. En moyenne, l’intensité énergétique des poids lourds est plus de huit fois supérieure à celle du rail.94Forum international des transports/OCDE, “Vers la décarbonation du fret routier : Tendances, mesures et politiques”, Éditions de l’OCDE, Paris.
Le transport de marchandises par route consomme environ la moitié de tout le carburant diesel et représente 80% de l’augmentation nette mondiale de l’utilisation du diesel depuis 2000.95Ibid.Ce changement peut être réalisé en investissant massivement dans l’infrastructure ferroviaire et en améliorant les interfaces avec la route pour permettre un transport intermodal efficace jusqu’au dernier kilomètre.
25 Recommandations politiques : Mettre en place le Fonds de Cohésion pour la Mobilité afin d'investir dans l'intégration et l'amélioration des systèmes de transport public en Europe, en assurant la cohésion de la mobilité au sein et entre les communautés rurales, les villes, les régions et les pays d'Europe.
26 Recommandations politiques : S’assurer que tout transport public municipal du continent soit gratuit à utiliser ou disponible à un faible coût pour inciter à son utilisation.
27 Recommandations politiques : Développer une flotte de taxis publics et des services de covoiturage afin d'assurer une mobilité maximale pour tous les Européens.
28 Recommandations politiques : Investir dans un système ferroviaire à grande vitesse intégré et efficace, utilisant de l'énergie produite de manière durable, combiné à une taxe sur le kérosène sur les vols intra-UE, afin de remplacer à terme le transport aérien sur le continent.
b. Services
Il y a un paradoxe au cœur des marchés européens de l’énergie. D’une part, le prix des énergies renouvelables est en chute libre. D’autre part, les investissements à travers l’Europe ont connu un déclin spectaculaire, passant d’un sommet de 132 milliards de dollars en 2011 à 41 milliards de dollars en 2017,96T&E, Element Energy, Enel, Iberdrola and Renault Nissan, « Batteries sur roues: le rôle des voitures électriques à batterie dans le système électrique de l’UE et au-delà », juin 2019, https://www.transportenvironment.org/sites/te/files/publications/2019_06_Element_Energy_Batteries_on_wheels_Public_report.pdf (en anglais), (consulté le 23 Octobre 2019), p. 4.
ce qui s’explique principalement par la suppression des subventions publiques.
S’attendant à ce que la baisse des prix du marché encourage l’investissement privé, l’État s’est retiré, déplaçant le risque d’investissement dans les énergies renouvelables – en particulier les risques découlant de la volatilité des prix de l’énergie – vers l’investissement privé. Mais les investisseurs privés ne sont pas disposés à prendre ce risque sans un rendement significatif.97A. Stukalkina, C. Donovan, “Les dangers de l’énergie renouvelable sans subvention”, Imperial College Business School,30 octobre 2018, (Pdf en Français) https://www.imperial.ac.uk/business-school/knowledge/finance/dangers-subsidy-free-renewable-energy/ (consulté le 15 juillet 2019).
L’effondrement du rythme des investissements signifie que l’UE a peu de chances d’atteindre ses objectifs énergétiques pour 203098Il convient de noter que la Commission insiste sur la nécessité de recourir davantage au financement privé comme solution. Voir “Forums d’investissement dans l’énergie durable”, Commission européenne, Résultats de recherche en français et
https://ec.europa.eu/energy/en/topics/energy-efficiency/financing-energy-efficiency/sustainable-energy-investment-forums, (consulté le 4 août 2019).
et il est clair que la décarbonation des systèmes énergétiques européens ne se fera pas assez rapidement sans action politique.99Rapport final du panel de haut niveau de l’initiative européenne sur les voies de décarbonation Commission européenne, Direction générale de la recherche et de l’innovation, novembre 2019, Résultats de recherche en français et https://publications.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/226dea40-04d3-11e9-adde-01aa75ed71a1, (consulté le 4 juillet 2019), p. 34.
L’Europe a besoin d’une approche intégrée de l’énergie, fondée sur la récupération des systèmes électriques dans les domaines de la production, du transport, de la distribution, de la gestion et de la conservation.
Les TPV fournissent la réponse. Comme nous l’avons vu à la section 3.2 ci-dessus, un investissement public massif peut permettre de surmonter les obstacles auxquels sont confrontés les investisseurs privés. Mais il peut également soutenir la propriété publique des services publics, en garantissant une tarification plus équitable et un contrôle de l’approvisionnement pour les résidents européens.
La propriété publique des services publics peut également être une stratégie clé pour permettre une réflexion commune entre l’énergie, la santé, le logement, l’eau, les transports et d’autres domaines qui seront nécessaires pour faire face aux crises climatique et environnementale – tout en évitant d’externaliser les coûts vers d’autres secteurs dans la recherche du profit. Tout nouvel investissement des TPV dans les réseaux d’énergie et d’autres services publics sera donc réalisé en vue du rachat public de ces services-, c’est-à-dire de la remise de ces services essentiels au secteur public.
Une fois que la distribution et la transmission de l’électricité sont entre les mains du secteur public, les TPV peuvent investir dans la décentralisation de la production d’électricité vers les régions, les municipalités, les quartiers et même les maisons individuelles, où les panneaux solaires et les solutions de stockage de l’énergie peuvent permettre aux ménages de réaliser d’importantes économies.
Des stratégies similaires peuvent être mises en œuvre pour l’eau, en veillant à ce que les maisons aient la capacité de collecter et de recycler l’eau de pluie, et soient encouragées à en limiter l’utilisation.
En même temps, une stratégie publique pour les services publics signifiera que les entreprises privées et les financiers ne seront pas en mesure de profiter de la combinaison d’une diminution de la capacité énergétique des énergies fossiles et d’une augmentation de la capacité des énergies renouvelables – ou d’une diminution des réserves d’eau douce. L’attente d’un rendement plus élevé pour le risque d’investir dans les marchés des services publics incitera à facturer davantage.
À mesure que les énergies renouvelables deviennent moins chères et plus largement accessibles, les technologies qui ont traditionnellement été à forte intensité de carbone se tournent vers les sources d’énergie renouvelables. Les véhicules électriques publics fourniront un mode de transport routier plus propre et seront intégrés dans les réseaux électriques d’une manière qui favorise une tarification intelligente et souple. Les systèmes de chauffage et de refroidissement seront également décarbonés, soit en passant du gaz aux énergies renouvelables. Grâce à la propriété publique des services, ces progrès permettront aux ménages de réaliser des économies, et non aux entreprises de services publics de réaliser des profits plus élevés.
Ces changements s’accompagneront d’une transformation de la stratégie actuelle de l’UE en matière de politique énergétique. Ils sont examinés à la section 4.2.3 ci-dessous.
29 Recommandation politique : Utiliser les TPV pour soutenir la resocialisation des entreprises de services publics dans les États membres de l'UE.
c. Numérique commun
L’expansion vertigineuse des plateformes digitales a créé un vaste réseau d’infrastructures digitales. Nos vies sont de plus en plus médiatisées et dépendantes de ce système – mais ce même système opère contre les demandes de durabilité et de justice.
En terme de durabilité, le “hardware” (ndt : ordinateurs, serveurs, …) a un impact important sur l’environnement. Il pollue, consomme des ressources naturelles, génère de grandes quantités de déchets et, à travers sa consommation croissante d’énergie contribuent fortement à l’émission de gaz à effet de serre .100Voir, par exemple, D. Clark et M. Berners-Lee, «Quelle est l’empreinte carbone … d’Internet?» The Guardian, 12 août 2010, https://www.theguardian.com/environment/2010/aug/12/carbon-footprint-internet, consulté le 29 Juillet 2019
Ces impacts sont pourtant invisibles aux utilisateurs.
En termes d’impacts sociaux, la propriété privée de ces infrastructures n’en n’est pas moins problématique. Les entreprises utilisent leurs plateformes pour récolter des données de la part des utilisateurs et les vendre au plus offrant, ne fournissant aucune compensation à la communauté. Comme Giovanni Butarelli, Contrôleur Européen de la protection des données (ndt: CEPD, EDPS en anglais) l’a décrit:
“L’écosystème des informations digitales utilise les citoyens pour leur attention, leurs idées et leurs données en échange de services soit disant “gratuits”. Contrairement à ses équivalents analogiques, ces ateliers clandestins du monde connecté extraient plus que le travail d’un individu, et si intégrer la fabrique en ligne se fait sans effort, il est impossible de la quitter.” 101Buttarelli, G. «Accepter et continuer», Contrôleur européen de la protection des données, avril 2018. Résultats de recherche en français
Néanmoins, le succès de ces systèmes d’interconnexion met également en lumière de nouveaux horizons pour notre infrastructure. Le Green New Deal pour l’Europe peut développer une approche plus juste, démocratique et durable des infrastructures digitalisées tout en minimisant ses coûts sociaux et environnementaux.
Les TPV investiront donc dans l’expansion de l’infrastructure numérique à des fins sociales – entrelaçant la transformation numérique avec les exigences d’une transition juste et démocratique vers une économie durable.
Il existe de nombreux exemples d’approches coopératives de la digitalisation qui usent des nouvelles technologies pour le bien commun. Les fournisseurs internet détenus par les communautés aux Etats-Unis, par exemple, se sont révélés moins chers que leurs équivalents privés dans la majorité des cas.102 D. Talbot, K. Hessekiel and D. Kehl, «Réseaux de fibre appartenant à la communauté: leaders de la valeur en Amérique», publication du Berkman Klein Center for Internet & Society Research, https://dash.harvard.edu/handle/1/34623859 (en anglais), consulté le 29 Juillet 2019.
Parmi ces exemples, il existe un mouvement croissant pour les plateformes coopératives. Son but est de créer des plateformes numériques qui sont entièrement détenues par les travailleurs, les utilisateurs et d’autres parties prenantes participantes (des actionnaires participatifs), par exemple les chauffeurs de taxi qui possèdent et exploitent leur propre plateforme numérique pour limiter la domination des monopoles de plateformes privées.103Voir, par exemple, «Platform Cooperativism Consortium», (consulté le 29 juillet 2019), https://platform.coop/ (en anglais), https://platformcoop.brussels/les-plateformes-cooperatives-une-alternative-qui-fait-son-chemin-a-bruxelles/ (en français)
L’Europe dispose d’un paysage vaste et diversifié d’organisations et de projets travaillant sur l’innovation sociale numérique, essayant de façonner des systèmes numériques pour le bien commun.104Voir “Organisations”, Digital Social Innovation, https://digitalsocial.eu/organisations, (consulté le 29 juillet 2019)
« En mettant fin au contrôle des entreprises sur le discours public et la subjectivité individuelle, le Green New Deal pour l'Europe peut permettre des débats réfléchis, ouverts et rigoureux sur la science et nos sociétés en transformation. »
Les TPV investiront dans de telles initiatives. Cela débloquera de nouvelles formes d’innovations, de systèmes qui assisteront la coordination locale ou transnationale – créant des structures horizontales, promouvant l’engagement citoyen qui donnent plus de pouvoirs aux populations afin qu’elles puissent gérer leurs vies numériques grâce à la transformation rendue possible par le Green New Deal pour l’Europe.
Le traitement des données est un autre domaine d’intervention. La production et l’analyse de données sont peu à peu monopolisées et utilisées contre les utilisateurs eux-mêmes. L’Europe a besoin de montrer la voie dans la réversion de ces pratiques – en adoptant de nouveaux paradigmes de propriété et de gouvernance des données afin de libérer le pouvoir de l’analyse des données pour le bien commun et de protéger la liberté et l’autonomie des utilisateurs.
Les TPV investiront également dans une Base de Données Communes Européennes (BDCE) (ndt : European Data Commons, EDC), une nouvelle institution qui agrège les données publiques produites par les administrations, les gouvernements ou à travers la recherche publique.
La BDCE créera également pour les Européens la possibilité de partager volontairement des données, étant entendu que ces données seront anonymes et protégées. Cela sera renforcé par une structure de gouvernance démocratique et participative.
Elle pourrait alors devenir une institution centrale dans la surveillance et l’évaluation des impacts des activités économiques sur les problématiques sociales et environnementales. Elle pourrait ainsi contrebalancer la puissance digitale et assurer que les bénéfices de la transformation digitale profitent à tous. Les riches réserves de données de la BDCE seront librement accessibles pour un usage commun, mais devront faire l’objet d’une licence d’utilisation commerciale – générant ainsi des revenus publics pour l’expansion future de l’infrastructure numérique publique.
30 Recommandation politique : Financer des projets et des organisations engagés dans des approches coopératives de l’innovation socio-numérique, comme des fournisseurs publics d’accès à internet.
31 Recommandation politique : Créer une Base de Données Commune Européenne sous contrôle démocratique afin d'utiliser le pouvoir des données rassemblées pour le bien commun, tout en préservant la vie privée, la souveraineté des individus, la sécurité et l'anonymat.
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Services sociaux, culturels et de santé
Dans toute l’Europe, la politique d’austérité a appelé les gouvernements à réduire leurs investissements dans les services sociaux fondamentaux tels que la santé et l’éducation, en exacerbant les inégalités et en sapant la résilience des communautés face au changement climatique.
C’est pourquoi un investissement majeur dans des services publics durables est au cœur des TPV.
Cet investissement accordera la priorité aux services sociaux de base qui ont été mis à rude épreuve ces dernières années. La prestation de soins de santé (la sécurité sociale) par exemple, a été sujette à des coupes drastiques à travers les Etats membres, frappant de plein fouet les populations les plus pauvres et les plus fragiles.105M. McKee et al., “ Austérité: une expérience ratée sur les peuples d’Europe ”, Clinical Medicine, 12 (4), août 2012, https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4952125 /, (consulté le 29 juin 2019).). L’éducation a elle aussi été la principale victime de l’austérité : dans des pays comme la Lettonie, l’Estonie, la Roumanie et la Lituanie, le financement des universités publiques a été réduit de près de 50 %.106Lettonie : mesures d’austérité et coupes budgétaires, Reuters, https://www.reuters.com/article/latvia-cuts-idUSLH54432920090617, consulté le 29 Juin 2019 http://www1.rfi.fr/actufr/articles/114/aGPW decouples social progress from continurticle_81948.asp ( en français). Il en a résulté des inégalités durables en matière d’éducation entre régions d’Europe, des pans entiers de la population étant exclus, des nouvelles possibilités offertes par les industries ” vertes ” qui exigent une formation plus poussée.107‘Education & formation en Europe : l’inégalité reste un défi “, Commission européenne, Communiqué de presse, 9 novembre 2017, https://ec.europa.eu/commission/news/education-and-training-europe-inequality-remains-challenge-2017-nov-09_fr ( en français)
Figure 7
Disparité de santé selon le revenu
Dans toute l'Europe, les personnes à faible revenu ont un niveau de santé moins bon.
Quelle: Eurostat
Les TPV corrigeront ces inégalités. Ils proposent une nouvelle norme européenne en matière de santé et de soins qui place la barre plus haut en matière de santé décente et de protection sociale universelle et oriente les ressources vers les régions qui se situent en dessous de cette norme, afin de commencer à rééquilibrer les résultats en matière de santé et de soins dans toute l’Europe.
Pour atteindre cette norme, il faudra non seulement augmenter les ressources disponibles pour payer les soins de santé et les services sociaux, mais aussi modifier la façon dont ces ressources sont utilisées. Dans le domaine des soins de santé, elle remettra en question la domination croissante des sociétés pharmaceutiques privées dans la prestation des services de santé et le développement de la médecine. Et dans le domaine de l’aide sociale, elle remettra en question la combinaison de modèles commerciaux extractivistes et de modèles de soins biomédicaux réducteurs qui a conduit, dans de nombreux pays de l’UE, à une course vers le bas en matière de rémunération et de conditions de travail, ce qui a entraîné de mauvais résultats tant pour les dispensateurs que pour les bénéficiaires des soins.108Le Collectif d’économie fondamentale ; D. Burns et. al, Où va l’argent? Chaînes financiarisées et crise des soins en établissement », Rapport d’intérêt public du CRESC, 2016, disponible (en anglais) sur http://hummedia.manchester.ac.uk/institutes/cresc/research/WDTMG%20FINAL%20-01-3-2016.pdf , consulté le 4 Août 2019).
Outre la norme européenne en matière de santé et de soins, les TPV financeront donc un programme massif d’expérimentation régionale et municipale de modèles de services dans les services de base tels que les soins sociaux, la vie autonome des personnes handicapées et la garde d’enfants. Il pourrait s’agir d’expérimenter la mise en service, d’encourager des formes d’appropriation par les travailleurs et de concevoir des emplois en collaboration. Un tel environnement d’expériences sera crucial pour garantir la dignité tant des donneurs que des bénéficiaires de services tels que l’aide sociale – d’une importance croissante compte tenu de l’évolution démographique de l’Europe.
Le programme des TPV sera également introduite une Garantie de Formation et d’Apprentissage,, un programme d’éducation paneuropéen qui garantira à toutes et à tous l’accès aux emplois créés par les investissements des TPV.
Au-delà des services sociaux de base, les TPV élargiront aussi considérablement l’accès aux services partagés : centres communautaires et bibliothèques, parcs et centres de garde d’enfants. Grâce à l’accès du public à ces dispositifs, les TPV peuvent amorcer une transition progressive de la richesse privée vers la richesse publique fondée sur des activités locales à faible intensité de carbone, disponibles gratuitement ou à faible coût pour tous.
Le passage des services au contrôle démocratique par le biais des TPV présente un autre avantage. Avec le temps, les fruits de l’innovation publique commenceront à générer des revenus importants qui tombent actuellement entre les mains du secteur privé. Ceux-ci peuvent et doivent être réinvestis dans la transition verte mais, avec le temps, ils peuvent aussi être redistribués aux membres des collectivités sous forme de dividende annuel, distinct des autres sources de soutien social.
Ce type de dividendes seront financés à travers les TPV de trois façons : premièrement, à travers des revenus publics obtenus à travers des projets publics. Deuxièmement, comme détaillé dans la section 3.4.6 ci-dessous, par des fonds de propriété inclusifs établis par des entreprises privées qui reçoivent un financement des TPV; et troisièmement, comme indiqué à la section 4.2.2 ci-dessous, par de nouveaux régimes de taxation qui sanctionnent les pollueurs et encouragent un abandon de la consommation d’énergies fossiles carbonées.
Ensemble, les investissements sociaux des TPV visent à transformer notre conception de ”sécurité sociale”. Aujourd’hui, les problématiques sociales sont directement liées à la croissance économique – et, par extension, à la destruction des écosystèmes. En fournissant un accès universel aux acquis sociaux – et, à travers le dividende, une liberté inconditionnelle d’en profiter – les TPV dissocient le progrès social de la dégradation continue de l’environnement.
32 Recommandations politiques : Instaurer la Norme Européenne sur la Santé et les Soins, référence minimale pour les soins de santé publics à travers le continent, et mettre les fonds des TPV à la disposition des régions d'Europe qui n'en bénéficient pas.
33 Recommandations politiques : Financer une garantie de formation à l'échelle européenne, en soutenant les possibilités de formation professionnelle sur l'ensemble du continent.
34 Recommandations politiques : Investir dans les services publics partagés à travers le continent - des jardins publics aux garderies.
Coopératives et projets communautaires
De nouveaux modèles de propriété seront essentiels pour s’attaquer aux inégalités qui sont au cœur des crises climatique et environnementale.
Les coopératives et les projets communautaires montrent la voie à suivre. Ils ont non seulement le potentiel d’autonomiser les communautés et les travailleurs dans toute l’Europe. En localisant l’activité économique, ils pourraient également contribuer de manière significative à la réduction des chaînes d’approvisionnement et soutenir des réponses communautaires plus efficaces aux défis climatiques et environnementaux, tant en termes d’atténuation que de réponse aux catastrophes.109Faire face au changement climatique par l’entreprise coopérative Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture 11e Journée internationale des coopératives 2008 (consulté le 1er août 2019).en français : https://www.ica.coop/sites/default/files/2008-idc-un-fr.pdf en anglais https://www.ica.coop/sites/default/files/2008-idc-fao-en.pdf
La propriété coopérative peut accroître la sécurité de l’emploi, renforcer l’autonomie des travailleurs et être au moins aussi productive que les modèles d’entreprise capitalistes. Une étude de 2006 a montré que les coopératives sont plus productives que les entreprises classiques110J. Logue and J.S. Yates, ‘Cooperatives, worker-owned enterprises, productivity and the International Labor Organisation’, Economic and Industrial Democracy, 2006, 27(4): 686-690., tandis qu’une étude récente des coopératives de travail italiennes n’a pas constaté de gains de productivité significatifs pour les coopératives111D. . Jones, ‘L’efficacité productive des coopératives de producteurs italiennes : Témoignages des usines conventionnelles et coopératives” in S. Novkovic, V. Sena (eds.),Les entreprises coopératives sur les marchés mondiaux : Incidence, Viabilité et Performance économique, Oxford : Elsevier, 2007 — – ce qui donne à penser que, dans l’ensemble, les coopératives sont au moins aussi productives que les entreprises capitalistes.
Au-delà du potentiel d’accroissement de la productivité, les structures coopératives présentent plusieurs autres avantages évidents.
Premièrement, les pratiques de travail non hiérarchiques et les structures participatives fournissent un travail plus significatif que les entreprises conventionnelles112G. Kokkinidis, “Les espaces des possibilités: L’autogestion des travailleurs en Grèce”, Organisation, 2015 , 22(6): 847-871. Deuxièmement, les coopératives jouent déjà un rôle essentiel dans la transition vers les énergies renouvelables.113T. Bauwens, B. Gotchev and L. Holstenkamp, “Qu’est-ce qui motive le développement de l’énergie communautaire en Europe ? Le cas des coopératives d’énergie éolienne”, Energy Research & Social Science, 2016, 13: 136- 147; et A. Wierling et al., Preuves statistiques sur le rôle des coopératives d’énergie pour la transition énergétique dans les pays européens”, Durabilité, 2018, 10(9), en anglais : https://doi.org/10.3390/su10093339.Par exemple, le réseau européen de coopératives d’énergie renouvelable – soutenu dans le cadre d’Horizon 2020 – comprend 1 500 organisations qui travaillent pour faire avancer la transition.
Étude de cas : Le comité du regroupement aérospatial de Lucas
En 1976, en réponse à des propositions de réduction d’emplois chez Lucas Aerospace, un groupe représentant les travailleurs de l’entreprise a proposé un plan d’entreprise de rechange.
Une partie importante des contrats de Lucas Aerospace étaient conclus avec des acheteurs militaires et donc financés par des fonds publics. Le comité de regroupement de Lucas Aerospace croyait que ces fonds seraient mieux dirigés vers une production socialement utile, qui répond aux besoins du public et aux préoccupations sociales. Mike Cooley, l’un des auteurs des propositions, a écrit
“Nous avons un niveau de sophistication technologique tel que nous pouvons concevoir et produire le Concorde, mais dans la même société, nous ne pouvons pas fournir suffisamment de systèmes de chauffage simples pour protéger les retraités contre l’hypothermie. Durant l’hiver 1975-76, 980 personnes sont mortes de froid dans la seule région de Londres…”
114M. Cooley, “Répondre aux besoins sociaux”, in B. Russell, La démocratie : Grandir ou mourir ?,The Spokesman, 25 Octobre 2010, p. 37.
Le plan comprenait des propositions pour la fabrication de 150 produits – de l’équipement médical et des énergies de remplacement aux nouvelles technologies de mobilité – qui pourraient être construits en utilisant les machines et la main-d’œuvre existantes de l’entreprise. La direction de Lucas Aerospace a rejeté ces propositions, alors même que les syndicats du monde entier les appuyaient.
Une structure d’entreprise démocratique aurait restructuré l’entreprise – en détournant son attention du secteur militaire pour la diriger vers une production socialement utile.
Cependant, les coopératives ont toujours été handicapées par un manque d’accès au financement : les investisseurs privés exigent un certain contrôle de la gestion et des rendements élevés en échange de l’investissement, ce qui est incompatible avec la structure de propriété des entreprises coopératives. Le profil de risque des coopératives est également différent, car ces modèles d’entreprise ne sont pas motivés par la maximisation des profits, mais par d’autres facteurs.
Les TPV offrent une solution. En transférant radicalement les financements aux communautés locales, ils injectent les fonds nécessaires pour développer des structures coopératives durables et à long terme qui renforcent les communautés locales et soutiennent la démocratisation de la sphère économique. En liant le financement à des normes de participation et d’autonomisation des travailleurs, ils aident les entreprises privées à réformer leurs normes de travail – ce point est examiné plus en détail dans la section 3.4.6 ci-dessous.
Au-delà des coopératives de travail associé, les projets communautaires à propriété municipale ou locale peuvent assurer une prestation de services de haute qualité au niveau local, en corrigeant les déséquilibres économiques entre les régions.
35 Recommandation politique : Concentrer les investissements sur les coopératives de travailleurs et les projets communautaires basés sur la propriété municipale ou locale.
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Horizon vert 2030
L’innovation, tant dans le domaine de la technologie – comme le stockage des batteries et l’énergie photovoltaïque et éolienne – que dans les approches agro-écologiques, biologiques et agricoles à faible niveau d’intrants, jouera un rôle clé dans l’accélération du rythme de l’action environnementale en Europe. Le rôle des TPV sera donc de soutenir les initiatives visant à identifier les points de basculement de l’innovation technologique et agricole et à y investir en déclenchant des progrès exponentiels vers nos objectifs climatiques et environnementaux. Par exemple, le programme devrait investir de manière significative dans le développement de matériaux de base non fossiles et dans le recyclage (par exemple, dans les industries de l’acier, du ciment et des plastiques) et dans la mise à disposition des résultats au niveau mondial – sur la base d’une licence ouverte.
Bien que l’UE se soit engagée à doubler ses dépenses de recherche et développement en matière d’énergie verte dans le cadre de l’initiative Mission Innovation, elle ne parvient pas à atteindre ses objectifs. En moyenne, les 24 pays (plus l’UE) qui ont pris cet engagement n’atteindront que 50 % de l’objectif global aux taux actuels. Et il semble que les dépenses mondiales en recherche et développement dans le domaine de l’énergie verte soient en baisse115Colin Cunliff, Omission Innovation : L’élément manquant dans la réponse de la plupart des pays au changement climatique, Information Technology & Innovation Foundation https://itif.org/publications/2018/12/10/omission-innovation-missing-element-most-countries-response-climate-change?stream=top (consulté le 16 juin 2019).
C’est pourquoi les TPV comprendront un programme de recherche et développement dédié, ” Horizon vert 2030 “. S’appuyant sur Horizon 2020 – l’investissement de 11 milliards d’euros de l’UE dans la recherche et l’innovation “Horizon vert 2030” sera exclusivement consacré à l’élaboration de solutions aux crises climatique et environnementale. Ce programme sera financé à partir d’une partie des fonds des TPV générés par les banques publiques européennes. Cet argent sera ensuite dévolu au soutien de l’innovation au niveau international, régional, municipal et communautaire, en soutenant le développement de solutions, grandes et petites.
En canalisant les fonds dans un programme public dédié, les TPV garantissent également que les gains de l’innovation publique restent dans les mains du public. Dans le cadre du modèle actuel “d’usine de démarrage” de l’innovation, le public finit par payer deux fois pour les nouvelles recherches – d’abord pour financer la recherche de base par le biais des universités, des conseils de recherche ou d’autres organismes, puis pour payer les résultats de la recherche lorsqu’elle est commercialisée par des entreprises privées. Il s’agit là d’une ponction importante sur les finances publiques. L’initiative Horizon vert 2030 évitera totalement ce piège.
Le génie climatique détourne l'attention de la nécessité de réduire les émissions. L'élimination du CO2 donne l'illusion que nous pouvons continuer à utiliser les combustibles fossiles indéfiniment.
Jean-Pascal van Ypersele
Bien entendu, les solutions technologiques ne sauraient se substituer aux réformes économiques structurelles.
De nombreuses entreprises – cherchant à détourner l’attention de leur forte pollution – promeuvent de nouvelles “solutions ” pour sortir de la crise par la géo-ingénierie. Mais comme le note Jean-Pascal van Ypersele, ( NDLR: docteur en sciences physiques de l’UCLouvain est un climatologue belge, professeur ordinaire de climatologie et de sciences de l’environnement à l’UCLouvain). la géo-ingénierie revient à risquer des dommages irréversibles à la planète tout en retardant une transition permanente vers une économie sans carbone.
L’annexe 1 du présent rapport détaille les principales solutions de géo-ingénierie et leurs inconvénients
Néanmoins, l’innovation sera un moyen essentiel – et passionnant – d’accélérer la transition verte et de réimaginer un avenir plus durable. Green Horizon 2030 nous fait faire un bond en avant sur ce chemin.
36 Recommandation politique : Mettre en place le programme de recherche et de développement “Horizon vert 2030”.
37 Recommandation politique : S'assurer que toutes les technologies ou techniques mises au point dans le cadre du programme "Horizon Vert 2030" soient libres de droits et conçues en collaboration avec d'autres pays pour soutenir l'émergence d'économies durables dans le monde.
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Industrie
Bien que l’intensité énergétique de l’activité industrielle en Europe ait diminué, elle représente aujourd’hui environ 25 % de la consommation totale d’énergie en Europe.116Statistiques de l’énergie – un aperçu”, Eurostat, juin 2019
Pour accélérer les progrès vers les objectifs climatiques et environnementaux de l’Europe, le Green New Deal pour l’Europe ira au-delà des investissements dans les nouvelles industries – et recalibrera les modes de production sur le continent vers la durabilité.
La transition climatique va générer un nombre important de nouveaux emplois – la Commission européenne prévoit 1,2 million de nouveaux emplois nets supplémentaires d’ici 2030.117“Emploi et évolution sociale en Europe : le bilan 2019 souligne que la lutte contre le changement climatique peut être un moteur pour la croissance et l’emploi”, Commission européenne, communiqué de presse, 4 juillet 2019, en anglais: https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_19_3412, (consulté le 5 juillet 2019). en français: https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_19_3412).
Mais l’expansion rapide des énergies et des infrastructures propres entraînera nécessairement de grands changements dans les industries à forte intensité de carbone. Cela pourrait affecter l’avenir de plusieurs millions de travailleurs à travers l’Europe, ces impacts variant en fonction des modèles d’industrie et d’emploi dans les différents pays.
Sur les 13 millions d’emplois que compte l’Europe dans le secteur automobile, 840 000 se trouvent en Allemagne ; sur les 240 000 emplois dans l’extraction du charbon et la production d’énergie, la Pologne en représente près de la moitié (115 000)118R. Popp, P. de Pous and J. Gavanta, “Comment assurer une transition juste et rapide vers une économie compétitive à faible intensité de carbone pour l’UE”, Think 2030, 21 novembre 2018, ( en anglais) (en français : https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_11_272).
Les industries et les collectivités qu’elles soutiennent seront confrontées à des voies de transition et à des défis très différents. Une usine automobile peut passer de la production du moteur à combustion à la production d’électricité, mais une mine de charbon n’a pas immédiatement cette option ; il n’est pas certain non plus que les besoins en compétences d’une industrie en évolution correspondent aux besoins historiques.
Une ” transition juste” pour les communautés, les industries et les différents besoins des différents secteurs et régions est essentielle, comme l’a demandé le Congrès syndical européen.119Impliquer les syndicats dans l’action climatique pour construire une transition juste “, CES, communiqué de presse, 15 mai 2018, (consulté le 15 juillet 2019). Das ist eine notwendige Verpflichtung im Rahmen des Pariser Abkommens zum Klimaschutz.120Internationaler Gewerkschaftsbund, ‘Just Transition – Where are we now and what’s next? A Guide to National Policies and International Climate Governance’, ITUC Climate Justice Frontline Briefing 2017, [link], (aufgerufen am 15. Juli 2019).Aufbauend auf den neuen Vorschriften, die im Rahmen der UmU unten skizziert werden, hilft GIN, den Wandel über die Lieferketten, das Produktdesign, den Produktlebenszyklus und die Arbeitspraktiken hinweg anzukurbeln.
Der Green New Deal für Europa legt einen besonderen Schwerpunkt auf weniger entwickelte Regionen mit einer stärkeren Abhängigkeit von fossilen Brennstoffen — um zu gewährleisten, dass der Wandel nicht zu Arbeitslosigkeit oder wirtschaftlicher Ausgrenzung von Arbeitnehmer*innen führt, die mit fossilen Brennstoffen arbeiten. Lokale Prozesse des sozialen Dialogs zwischen den verschiedenen Interessengruppen, die auf langfristigen Investitionen in die regionale Transformation basieren, sind wesentliche Komponenten, um einen gerechten Wandel zu ermöglichen.121A. Reitzenstein and R. Popp, ‘A role model for European coal phase out? Five lessons from the German Coal Commission’, E3G, [web log], 4. April 2019, [link], (aufgerufen am 15. Juli 2019).
Anstatt die europäischen Klima- und Umweltziele über Sanktionen zu erreichen, werden so Chancen für Industrie und Unternehmen geschaffen. Es lohnt sich für Unternehmen, die die Bedingungen erfüllen: für sie entsteht die Möglichkeit eines vollständig finanzierten Übergangs zur Nachhaltigkeit. Aber die Bedingungen der GIN-Finanzierung müssen mutig sein und eine umfassende Veränderung der materiellen Beziehungen in unserer Gesellschaft einleiten. Um eine Finanzierung zu erhalten, müssen sich die Unternehmen also zu einer Transformation der industriellen Praktiken und zu neuen Arbeitspraktiken verpflichten. GIN wird versuchen, das bestehende Erbe, die Identität und die Kultur von Orten zu erhalten und weiterzuentwickeln, deren Vergangenheit mit fossilen Brennstoffen verflochten ist.122New Economics Foundation, ‘Trust in Transition’, im Erscheinen.
a. Transformation der industriellen Praxis
Zahlreiche Forschungsprojekte bewerten die Auswirkungen und den Ressourcenverbrauch im Zusammenhang mit dem ökologischen Wandel. Sie unterstreichen die Schlüsselrolle der Dekarbonisierung der Grundstoffindustrie, der Kreislaufwirtschaft und geringer Produkt-Obsoleszenz, um negative Auswirkungen zu minimieren.
Die Grundstoffindustrie — auch als energieintensive Verarbeitungsindustrie bekannt — wandelt natürliche Ressourcen in Materialien wie Stahl, Zement, Chemikalien, Kunststoffe, Aluminium, Glas und Papier um.123J.H. Wesseling et al., ‘The transition of energy intensive processing industries towards deep decarbonization: Characteristics and implications for future research’, Renewable and Sustainable Energy Reviews, 2017, Vol. 79, S. 1303-13. Diese Industrien benötigen einen erheblichen Energieeinsatz und sind die Hauptquelle für industrielle Emissionen, die etwa ein Drittel der weltweiten Treibhausgasemissionen verursachen.124M. Fischedick et al., ‘Industry’, in O. Edenhofer et al. (eds), Climate Change 2014: Mitigation of Climate Change. Contribution of Working Group III to the Fifth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change, 2014, Cambridge University Press, Cambridge, Großbritannien und New York, NY, USA. Die meisten dieser Materialien können derzeit nicht klimafreundlich und fossilfrei hergestellt werden. Daher ist die Dekarbonisierung dieser Sektoren keineswegs einfach — und die Lösungen werden von Sektor zu Sektor unterschiedlich sein. Bei einigen Materialien könnte eine Verringerung der Produktion und des Verbrauchs notwendig sein, um den Ressourcen- und Energiedurchsatz zu verringern. Andere Materialien werden in der Übergangsphase benötigt und deren Nachfrage könnte während der Übergangsphase sogar steigen (zum Beispiel aufgrund des Bedarfs an erneuerbaren Energien, Klimaanpassungstechnologien oder Mobilitätsinfrastrukturen), was die Notwendigkeit völlig neuer Produktionstechnologien verdeutlicht. In diesem Bereich muss der Wandel durch eine solide öffentliche Forschung und Entwicklung im Rahmen des Programms “Green Horizon 2030” gesteuert werden.
Was die Lieferketten betrifft, so muss die Industrie eine strenge Umweltbewertung der Prozesse vornehmen. Die Lieferketten sollten außerdem für jedes Produkt im Hinblick auf den Lebenszyklus und eine bessere Umweltkennzeichnung und Entscheidungsfindung verbindlich vorgeschrieben werden. Dies könnte auch als Grundlage für Umweltsteuern sowie für die Finanzierung von GIN dienen — dadurch wird ein starkes System von Anreizen geschaffen, um die Industrie zu nachhaltigen Resultaten zu bewegen.
Was das Produktdesign betrifft, so sollten die Produkte so gestaltet werden, dass sie wiederverwertbar sind und einem obligatorischen Recycling unterzogen werden, um sicherzustellen, dass keine wiederverwendbaren Materialien oder Mineralien auf der Mülldeponie landen. Besonderes Augenmerk muss auf die Verbesserung des Recyclings von Mineralien gelegt werden, um den Abbau zu verringern, sowie, wo nötig, auf eine verantwortungsvolle Beschaffung.
Zu guter Letzt muss Europa dafür sorgen, dass es keine geplante Obsoleszenz mehr gibt, strikte Begrenzungen für Verpackungen und Werbung gelten und jedes Gerät bequem ausgeschaltet werden kann. Solche Maßnahmen werden in der UmU ausführlicher diskutiert.
b. Arbeitnehmer*innen stärken
Der Green New Deal für Europa wird der Demokratie neue Horizonte eröffnen. Neben der Demokratisierung öffentlicher Investitionsentscheidungen wird er auch ein Katalysator für die Demokratisierung privater Arbeitsplätze sein — und einen neuen Pakt zwischen Eigentümer*innen und Arbeitnehmer*innen einleiten.
Um diesen Wandel herbeizuführen, wird die Finanzierung im Rahmen von GIN an einen radikalen Wandel der Arbeitspraktiken gebunden sein, einschließlich (a) einer Verkürzung der Arbeitszeit, (b) besseren Möglichkeiten für Pendler*innen, (c) der Mitbestimmung der Arbeitnehmer*innen, (d) der Förderung diversifizierter Eigentumsfonds für Arbeitnehmer*innen und (e) der Umschulung von Arbeitnehmer*innen, um sich an den Rückgang der materiellen Produktion anzupassen.
- Eine kürzere Arbeitswoche: GIN-Finanzierung sollte einen Übergangszuschuss für Unternehmen beinhalten, die auf eine Vier-Tage-Woche umstellen, ohne Personal oder Lohn zu kürzen. Das könnte mit einem Ausgleich in Höhe von 100 Prozent des Einkommensrückgangs im Zusammenhang mit der kürzeren Arbeitswoche anfangen und im zweiten Jahr auf 50 Prozent und im dritten Jahr auf 25 Prozent sinken.
- Pendeln: Ähnlich wie bei der Vier-Tage-Woche könnte den Arbeitgeber*innen ein anteiliger Übergangszuschuss zur Finanzierung der Fahrten ihrer Mitarbeiter*innen mit dem öffentlichen Verkehr angeboten werden. Ein kleiner Zuschuss könnte die Unternehmen auch dazu anregen, bessere Möglichkeiten zur “Telearbeit” zu bieten — dies würde die Kosten und Emissionen durch das Pendeln senken und so die Nachfrage nach öffentlicher Verkehrsinfrastruktur reduzieren.125Simulationen zeigen, dass bis 2050 je nach Region drei bis 30 Prozent der Fahrten von verstärkter Telearbeit betroffen sein könnten. International Transport Forum/OECD, ‘ITF Transport Outlook 2019’, OECD Publishing, Paris, [link].
- Beteiligung: Die Arbeitgeber*innen werden verpflichtet, auf partizipativere Managementstrukturen umzustellen, die eine sinnvolle Arbeitnehmer*innenvertretung in den Leitungsgremien ermöglicht. Eine neue Richtlinie zur Wirtschaftsdemokratie könnte mindestens 33 Prozent der Sitze und mindestens 20 Prozent der Stimmen für Arbeitnehmer*innen in den Unternehmenssitzungen vorsehen.
- Diversifizierte Eigentumsfonds für Arbeitnehmer*innen: Arbeitgeber*innen und Vermögensverwalter*innen müssen gemäß der Richtlinie zur Wirtschaftsdemokratie sicherstellen, dass alle Pensions- oder andere Eigentumsfonds der Arbeitnehmer*innen von Vorständen verwaltet werden, in denen mindestens 50 Prozent der Mitglieder von den Angestellten oder unabhängigen Gewerkschaften gewählt werden. Alle Stimmrechte in Unternehmensaktien werden von gewählten Vertretern kontrolliert.
- Umschulung: Der Rückgang der materiellen Produktion muss mit einer Zunahme der Reproduktion einhergehen: Reparatur, Recycling und andere Aktivitäten, die den Lebenszyklus von Produkten verlängern. Die Unternehmen werden angeregt, ihren Arbeitnehmer*innen Umschulungsmöglichkeiten anzubieten.
c. Der Europa-Preis
Um das Tempo des Wandels zu beschleunigen, wird GIN einen wichtigen Anreiz für Unternehmen schaffen, die sich sowohl bei der industriellen als auch bei der arbeitsrechtlichen Transformation auszeichnen. Der “Europa-Preis”, der für Spitzenleistungen in jedem der in diesem Abschnitt beschriebenen Bereiche verliehen wird, wird mit zusätzlichen Finanzmitteln aus GIN verbunden sein.
Dieses Programm ahmt Roosevelts “Patriot Award” in der Weltwirtschaftskrise nach und verleiht Unternehmen, die große Fortschritte in Richtung Nachhaltigkeit und Demokratie machen, öffentliche Anerkennung.
Der Preis wird insbesondere diejenigen Geschäftsmodelle und Betriebe auszeichnen und belohnen, die das größte Potenzial für die Skalierung effektiver ökologischer Lösungen mit gleichzeitig verbesserten sozialen und wirtschaftlichen Ergebnissen bieten.
38 Politikempfehlung: GIN-Fördermittel für Unternehmen bereitstellen, die einen hohen Standard sowohl in Bezug auf Nachhaltigkeit als auch auf die Stärkung von Arbeitnehmer*innenrechten erfüllen.
39 Politikempfehlung: den Europa-Preis etablieren, ein Preis für Unternehmen, die die Prinzipien des Green New Deal für Europa erfüllen und große Fortschritte in Richtung Nachhaltigkeit und Demokratie machen.
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Landwirtschaft und ländliche Gemeinden
Die Landwirtschaft steht seit langem im Mittelpunkt der Wirtschaftsagenda der EU. Für den Zeitraum 2021-2027 wird die Gemeinsame Agrarpolitik (GAP) voraussichtlich mit einem Budget von 365 Milliarden Euro ausgestattet sein.126‘EU Budget: the Common Agricultural Policy after 2020’, Europäische Kommission, 1. Juni 2018, [link], (aufgerufen am 17. Juni 2019). Das sind nach jetzigem Stand mehr als 35 Prozent des EU-Haushalts.
Die Landwirtschaft, die für etwa 10 Prozent aller Treibhausgasemissionen in Europa verantwortlich ist,127‘Agri-environmental indicator – greenhouse gas emissions’, Eurostat, September 2017, [link], (aufgerufen am 25. Juli 2019). beschäftigt außerdem 10 Millionen Menschen auf dem ganzen Kontinent, darunter über 10 Prozent der Arbeitskräfte in Rumänien, Bulgarien, Griechenland und Polen. Diese Arbeitnehmer*innen müssen aufgrund der Klimakrise mit Auswirkungen auf die landwirtschaftlichen Praktiken und, in einigen Fällen, auch auf die Funktionsfähigkeit der Landwirtschaft selbst rechnen.128D. Dinesh, ‘We are all in this together: Agriculture growth, jobs, food security and climate’, CGIAR, 10. April 2014, [link], (aufgerufen am 25. Juli 2019).
Die Landwirtschaft erwirtschaftet jedoch nur 1,6 Prozent des BIP der EU.129‘Q&A: Reform of EU farm policy’, BBC News, 1. Juli 2013, [link], (aufgerufen am 25. Juli 2019). Ein großer Teil der GAP-Subventionen wird an Großgrundbesitzer*innen, stark mechanisierte Industriebetriebe und die Agrarindustrie ausgezahlt, deren landwirtschaftliche Methoden sowohl input- als auch energieintensiv sind und zu Umweltzerstörungen wie Boden- und Wassermangel, Eutrophierung und Verlust der biologischen Vielfalt führen.
Insgesamt gehen etwa 80 Prozent der Agrarbeihilfen an etwa ein Viertel der Landwirt*innen in der EU — die mit dem größten Landbesitz. Europas kleine Landwirt*innen im ländlichen Raum erhalten keine nennenswerten Beihilfen,130J. de Jong, I. Megens and M. van der Waal (eds.), Walking the Tightrope: Europe between Europeanisation and Globalisation, Selected papers presented at European studies intensive programme 2010, Universität Groningen. Groningen: Euroculture consortium. obwohl sie eine wichtige Quelle des Wissens über Agrarökologie und nachhaltige Landwirtschaft darstellen.
Der Fokus der GAP auf die Stärkung der Wettbewerbsfähigkeit Europas auf den globalen Lebensmittelexportmärkten hat im gesamten Globalen Süden riesige Schäden verursacht.
Die Klima- und Umweltkrise erfordert einen tiefgreifenden Wandel in der Art und Weise, wie wir Lebensmittel produzieren und konsumieren. Europa verliert derzeit jedes Jahr fast eine Milliarde Tonnen Boden,131P. Panagos et al., ‘The new assessment of soil loss by water erosion in Europe’, Environmental Science & Policy, 54 (2015), S. 438-447.was die Lebensgrundlagen der Landwirt*innen auf dem gesamten Kontinent ernsthaft gefährdet. Unter anderem deshalb ist Europa inzwischen stark vom Import von Nahrungsmitteln abhängig, mit all den damit verbundenen sozialen und ökologischen Kosten auf der ganzen Welt.132FERN, ‘EU consumption and illegal deforestation’, FERN, 2015.
Gleichzeitig sind die Lebensgrundlagen der europäischen Landwirt*innen und ländlichen Gemeinden oft prekär, da sie durch die Konkurrenz mit den großen Agrarunternehmen unter Druck geraten. Der Anteil der Landwirt*innen an der Wertschöpfung in der EU-Lebensmittelkette ist von 31 Prozent im Jahr 1995 auf 24 Prozent im Jahr 2005 gesunken133European Parliament, ‘Report on fair revenues for farmers: A better functioning food supply chain in Europe’, 2009/2237(INI), 2009, [link], (aufgerufen am 15. Juli 2019).und wird nach jetzigem Stand auf 21 Prozent geschätzt.134European Parliament, ‘Parliamentary questions – Answer given by Mr. Hogan on behalf of the Commission’, Europäisches Parlament, 27. Februar 2015, [link], (aufgerufen am 15. Juli 2019). Diese wirtschaftlichen Schwierigkeiten wurden durch die Abwanderung von Wohlstand aus den ländlichen und vorstädtischen Gebieten in die Städte noch verschärft: Arbeitnehmer*innen leben typischerweise am Stadtrand oder in ländlichen Gebieten und pendeln in die städtischen Zentren, um dort zu arbeiten und einzukaufen. Das schöpft Ressourcen aus den Regionen Europas ab.
Der Fokus der GAP auf die Stärkung der Wettbewerbsfähigkeit Europas auf den globalen Lebensmittelexportmärkten hat im gesamten Globalen Süden riesige Schäden verursacht, wo billige europäische Produkte die lokale — und nachhaltigere — Agrar- und Lebensmittelproduktion verdrängen.
Diese Praktiken stehen im Widerspruch zu einer der Kernsäulen des Green New Deal für Europa: die Förderung von Klimagerechtigkeit auf der ganzen Welt. GIN wird also nicht nur die europäische Agrarpolitik verändern. Es wird auch die ländlichen Gemeinden Europas beim Übergang zu nachhaltigeren Produktionsmodellen unterstützen, die gesündere Lebensmittel für alle produzieren. Die Investitionen in ländliche Gemeinden werden auf partizipatorischen Ansätzen beruhen, die Landwirt*innen, Fischer*innen und ländlichen Gemeinden ein Forum bieten, um deren Bedürfnisse und Anliegen zu verstehen.
Der Wandel in der europäischen Landwirtschaft wird auf drei Grundsätzen beruhen: der Verringerung schädlicher Landwirtschafts- und Fischereipraktiken, der Förderung regenerativer und klimafreundlicher Praktiken und der Sicherstellung, dass dieser Übergang auf Gerechtigkeit beruht — sowohl für die europäischen Gemeinden als auch für Menschen auf der ganzen Welt.
Dieser Übergang beginnt mit der Kürzung der Subventionen für Großgrundbesitzer*innen, deren Methoden die Umweltzerstörung vorantreiben, und mit der Verlagerung dieser Ressourcen auf kleine Pächter*innen, die von jenen oft beschäftigt werden. Dies wird eine Verlagerung des Landbesitzes weg von den Großgrundbesitzer*innen und hin zu gemeindeeigenen Landwirtschaftsmodellen wie Landwirtschaftsgemeinschaften bewirken. Man kann auch einen innovativen Ansatz verfolgen, um die Widerstandsfähigkeit der Gemeinden gegenüber Nahrungsmittelkrisen zu stärken, indem beispielsweise die Ausweitung der städtischen oder lokalen Landwirtschaft außerhalb der Sphäre der Kapitalakkumulation gefördert wird. Zum Beispiel produzieren über 50 Prozent der polnischen und fast 40 Prozent der tschechischen nicht-landwirtschaftlichen Haushalte Lebensmittel für den persönlichen Verbrauch und teilen diese mit ihren Freund*innen und Nachbar*innen.135P. Jehlička, P. Daněk and J. Vávra, ‘Rethinking resilience: home gardening, food sharing and everyday resistance’, Canadian Journal of Development Studies / Revue canadienne d’études du développement, 2018, [link].Mit Finanzmitteln, Fachwissen und Kapazitätsaufbau könnte GIN eine Ausweitung dieser nachhaltigen Modelle der Nahrungsmittelproduktion vorantreiben.
Fallstudie: Die französischen Verbände für die Erhaltung der bäuerlichen Landwirtschaft
Seit 2001 gibt es in Frankreich ein neues Modell der gemeinschaftlichen Landwirtschaft: den Verein zur Erhaltung der bäuerlichen Landwirtschaft (AMAP).
Im Rahmen des AMAP-Modells verpflichten sich lokale Erzeuger, regelmäßig frische, lokal produzierte Lebensmittel an ihre Gemeinden zu liefern. Alle im Rahmen dieses Modells produzierten Lebensmittel basieren auf strengen Nachhaltigkeitskriterien.
Verbraucher*innen wiederum verpflichten sich, diese Waren für einen bestimmten Zeitraum zu einem bestimmten Preis zu kaufen. Das verbindet die Gemeinden mit ihren lokalen Lebensmittelproduzenten, stärkt die Gemeinschaft und verankert die wirtschaftliche und ökologische Nachhaltigkeit innerhalb der lokalen landwirtschaftlichen Lieferketten.
Im Hinblick auf regenerative landwirtschaftliche Praktiken wird GIN zinsgünstige Kredite und andere Finanzierungspakete für eine Reihe von landwirtschaftlichen Aktivitäten bereitstellen, die auf Ernährungssouveränität und Nachhaltigkeit basieren:
- Permakultur, Polykulturen oder regenerative Landwirtschaft zur Wiederherstellung von Boden und Biodiversität auf überbeanspruchten landwirtschaftlichen Flächen.
- Wiederaufforstung von Randgebieten und Schaffung von Korridoren für Wildtiere. Diese Aktivitäten werden derzeit als “unproduktiv” angesehen, aber sie spielen eine wichtige Rolle bei der Erhaltung der Biodiversität.
- Die Agroforstwirtschaft, wie der portugiesische Montado oder die spanische Dehesa, die die biologische Vielfalt im Vergleich zu anderen Formen der Erzeugung von Forstprodukten und Viehzuchtprodukten erhöht.
- Übergang zu einer nachhaltigen Fleischproduktion und eine Verringerung der Gesamtfleischproduktion, wobei Massenfleisch durch qualitativ hochwertiges Fleisch ersetzt wird.
- Fischereien, die biodiversitätsfördernde Praktiken entwickeln wie die Produktion von Meeresalgen und Schalentieren, die neben der Eiweißproduktion viele weitere Vorteile für das Ökosystem bieten — einschließlich CO2-Speicherung, Wiederherstellung von Lebensräumen und Wasserreinigung.
GIN wird sich auch mit der Rolle der Fleischproduktion bei der Umweltzerstörung auseinandersetzen. Für einen Großteil der letzten Jahrtausende war der Fleischkonsum relativ selten. Unseren Vorfahren war Fleisch nur für besondere Anlässe vorbehalten. Mit dem Aufkommen der industrialisierten Landwirtschaft ist der Fleischkonsum rapide gestiegen, während die Qualität des Fleisches gesunken ist. Die übermäßige Abhängigkeit von Fleisch — vor allem von rotem Fleisch — als Eiweißquelle hat sich negativ auf die Gesundheit136Y. Zheng et al, ‘Association of changes in red meat consumption with total and cause specific mortality among US women and men: two prospective cohort studies’, BMJ, 2019 [link], (aufgerufen am 25. Juli 2019).und die Umwelt ausgewirkt und zu einer Krise in der Behandlung von Tieren geführt.
GIN wird eine Steigerung der europäischen Produktion von nicht auf Fleisch basierenden Proteinquellen fördern, da deutlich ist, dass trotz des Fortschritts bei “Laborfleisch” und des wachsenden Interesses an dieser Technologie solche Lösungen von großen Konzernen kommen, nur wenig Unterstützung für Europas Landwirt*innen bieten und auch unklar ist, ob sie — lebenszyklisch betracht — Vorteile für die Umwelt haben. Zudem können andere Proteinquellen abseits von Fleisch und eine pflanzliche Ernährung gesünder sein; auch wenn die Qualität der Lebensmittel ein weitaus größerer Gesundheitsfaktor ist als die Art der Lebensmittel.137S. Mayra, N. Ugarte and C.S. Johnston, ‘Health Biomarkers in Adults Are More Closely Linked to Diet Quality Attributes Than to Plant-Based Diet Categorization’, Nutrients, 11(6), 2019, [link], (aufgerufen am 25. Juli 2019).
Um den Übergang zu nachhaltigen Lebensmittel- und Landwirtschaftsmodellen erfolgreich zu gestalten, sind auch neue Formen der Governance — eine “Gemeinsame Lebensmittelpolitik” — erforderlich. Damit kann die Agrarpolitik an den vielen anderen EU-Politikbereichen (zum Beispiel Handel, Entwicklung, Umwelt, Forschung), die das europäische und globale System der Lebensmittelproduktion und des Konsums gestalten, ausgerichtet werden. Dieser neue Ansatz wird in Abschnitt 4.4.1 unten diskutiert.
40 Politikempfehlung: Investitionen von GIN für die Wiederbelebung der ländlichen Gemeinden Europas einsetzen, indem eine umweltverträgliche Nahrungsmittelproduktion auf dem gesamten Kontinent gefördert wird.
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L’Union Environnementale
Un nouveau cadre législatif pour une transition juste,
qui aligne les lois européennes avec le consensus scientifique.
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Introduction
À lui seul, un plan d’investissement comme les Travaux Publics Verts (TPV) est insuffisant pour faire face aux crises climatiques et environnementales. Un ensemble législatif beaucoup plus large est nécessaire pour freiner les pratiques destructrices pour l’environnement, et réaligner les politiques sur le consensus scientifique.
Tout comme Franklin D. Roosevelt a introduit une législation pour réglementer les banques et freiner la spéculation dans le contexte de la Grande Dépression, l’Union européenne (UE) a besoin de toute urgence d’un ensemble de règles qui garantissent que l’Europe suive une voie cohérente avec une transition sûre et juste : une Union environnementale (UEn).
Comme d’autres “Unions” dans l’UE, par exemple l’Union monétaire ou l’Union douanière, l’UEn est une stratégie visant à lier tous les États membres de l’UE à un système dans lequel les bénéfices et la charge financière de la transition écologique sont partagés équitablement. Contrairement à d’autres cadres, cependant, l’UEn est profondément ancrée dans les preuves scientifiques et les nécessités de changement qu’elles impliquent.
Les changements apportés par l’UEn sont profonds. Ils ne concernent pas seulement les domaines qui ont un impact direct sur l’environnement, comme la production, la distribution et la consommation. Ils englobent également des domaines tels que les services financiers qui façonnent notre système économique, et imposent un cadre contraignant aux acteurs qui y opèrent.
Le présent chapitre n’a pas l’intention de fournir une énumération définitive des lois et règlements nécessaires pour faire face à la crise climatique et environnementale. Il énonce plutôt certains des principaux objectifs politiques auxquels la législation introduite dans le cadre de l’UEn devra s’attaquer.
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Légiférer pour l’urgence climatique
Les données scientifiques ne laissent aucun doute : il y a urgence. Seules les réglementations qui correspondent à l’ampleur, à l’étendue et à l’urgence de cette crise méritent d’être prises en considération par les décideurs politiques européens.
L’UEn est le premier dispositif législatif se voulant à la hauteur de ces enjeux. Elle introduit une série de mesures d’urgence visant à transformer les économies et les sociétés européennes. Elle est audacieuse, car le consensus scientifique l’exige.
Les incertitudes liées au dérèglement climatique et environnemental, et le fait qu’aucun modèle scientifique n’inclut des hypothèses qui ne soient pas basées sur une continuité de croissance du PIB, 138S. Evans, ” Le monde peut limiter le réchauffement climatique à 1,5°C ” sans BECCS “. Carbon Brief, 13 avril 2018, [lien], (consulté le 25 juillet 2019). signifient que la transformation de l’Europe doit être ancrée sur une analyse économique sérieuse, et une grande prudence : analyse économique, car il faut changer les fondamentaux de notre économie si nous souhaitons maximiser nos chances; et prudence, car nous ne pouvons pas nous permettre d’échouer.
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Déclarer l’état d’urgence climatique
Les politiques esquissées dans le présent document visent à dissocier l’épanouissement humain de la croissance économique, et à faire en sorte que nous puissions faire la transition vers une société où le bien-être n’est pas déterminé par une production et une consommation sans cesse croissantes. En soi, cela devrait être un facteur important de réduction des pressions sur les systèmes naturels.
Les effets cumulés de la dégradation du climat, de la biodiversité et de l’environnement sur l’humanité sont marquants et deviennent de plus en plus visibles chaque année. 139 Voir l’annexe 2 pour un bref aperçu des positions scientifiques actuelles.A mesure que la planète se réchauffe, les températures extrêmes tueront un nombre croissant de personnes. 140En 2003, une importante vague de chaleur européenne a tué jusqu’à 35 000 personnes sur le continent. Voir GIEC AR5, GT2 chapitre 8,[lien], p. 397. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) des Nations Unies estime que, d’ici 2030, la crise sanitaire associée au changement climatique coûtera entre 2 et 4 milliards de dollars par an et plongera 100 millions de personnes supplémentaires dans la pauvreté. 141“Changement climatique et santé”, Organisation mondiale de la santé, 1er février 2018, en anglais, (consulté le 4 août 2019). en français ( consulté le14 janvier 2020) Entre 2030 et 2050, les changements climatiques tueront environ 250 000 personnes supplémentaires par an, un chiffre que l’auteur de l’étude pour l’OMS a qualifié “d’estimation basse “.142J . Christensen, ” 250 000 décès par an dus au changement climatique est une ” estimation prudente “, selon la recherche “, CNN, 16 janvier 2019, en anglais, (consulté le 15 mai 2019). en français, consulté le 14 Janvier 2020
Si les températures mondiales augmentent de plus de 2 degrés Celsius, nous pourrions entrer dans un état de “planète étuve” dans lequel la planète elle-même commence à produire des gaz à effet de serre qui contribuent au réchauffement planétaire.143W. Steffen et al., “Trajectoires du système terrestre dans les actes de l’Anthropocène de l’Académie nationale des sciences “, 115(33), 14 Août 2018, pp. 8252-8259, [lien], (consulté le 5 août 2019). Article en français: [lien] ( consulté le 14 Janvier 2020) Dans cette éventualité, nous serons confrontés aux températures les plus chaudes depuis plus d’un million d’années. On prévoit que le niveau actuel de la mer augmentera d’un mètre d’ici la fin du siècle, ce qui pourrait déplacer des dizaines de millions de personnes en première ligne de la crise climatique. 144S. Dasgupta et al., ‘L’impact de l’élévation du niveau de la mer sur les pays en développement : une analyse comparative” <i>Changement climatique</i> Vol 93, Issue 3–4, April 2009, pp. 379–388, [lien], (consulté le 5 août 2019) Dans une étuve terrestre, le niveau de la mer pourrait finalement augmenter de 10 à 60 mètres,145W. Steffen et al. affectant au moins un dixième de la population mondiale et submergeant les villes côtières européennes.
Grafik 8
Die zehn größten Verursacher der globalen THG-Emissionen bis 2100
Die nachstehende Tabelle basiert auf Daten, die die historische Verantwortung der Länder für die Treibhausgasemissionen messen.
KEY
1 Canada
2 Indonesia
3 Japan
4 Great Britain
5 Germany
6 Brazil
7 India
8 Russia
9 China
10 European Union
11 USA
12 Rest of world
Quelle: Climate Analytics
L’Europe est le troisième émetteur de GES au monde. En plus de cela, son économie dépend de flux commerciaux mondialisés qui exportent les émissions et la pollution vers d’autres parties du monde. L’Europe est un des facteurs prédominants de la dégradation environnementale à l’échelle mondiale. C’est pourquoi l’exemplarité européenne est cruciale : ses effets s’étendent bien au-delà de ses frontières, et ses succès peuvent servir de modèle à un nouveau multilatéralisme mondial, fondé sur des faits scientifiques, la recherche de durabilité et la justice environnementale.
Pour être à la hauteur de cette responsabilité, l’Europe doit d’abord la prendre au sérieux. Elle doit reconnaître qu’une hausse des températures de 2°C, voire de 1,5°C, constitue en soi un niveau inacceptable de dégât climatique. L’Europe doit mettre ce sujet en tête de liste de son ordre du jour politique.
41 Recommandation politique : Déclarer l'urgence climatique au sein de l'UE et s'engager à actualiser en permanence les objectifs à atteindre afin de les mettre en adéquation avec le consensus scientifique.
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Respecter les limites planétaires
La première tâche de l’UEn est de créer un espace de fonctionnement sûr pour les économies européennes. Cela signifie qu’il faut des lois pour restreindre sévèrement les pratiques destructrices pour l’environnement. L’Europe doit, en fin de compte, mettre au point une législation qui engage tous les États membres de l’UE à atteindre la neutralité carbone, d’une manière compatible avec les principes d’une transition juste.146Nous n’avons pas tenté de fixer une date pour la décarbonation dans ce document. Une date fixe pour l’ensemble de l’UE est souhaitable – et l’objectif d’atteindre un niveau net zéro d’ici 2050 n’est clairement pas assez ambitieux. Mais un chiffre pour l’ensemble de l’UE masque les disparités d’émissions entre les États membres de l’UE. Une date qui s’applique à tous les pays européens pourrait ne pas être réalisable pour les États membres de l’UE qui sont actuellement fortement dépendants du charbon et d’autres combustibles fossiles pour leur énergie. Ce qui importe plus qu’une date fixe pour atteindre le “net zéro ” est le rythme auquel la transition se produit et la taille du ” net ” : une transition juste ne peut pas être basée sur la poursuite de la compensation des émissions par le déploiement de stratégies de décarbonisation à grande échelle. De telles mesures ne peuvent être de nature punitive, mais doivent être liées à de généreux programmes de soutien. De plus, pour les raisons exposées à l’annexe 1 du présent rapport, les objectifs doivent être fondées sur les réductions nationales des émissions de gaz à effet de serre, et ne pas exiger ni compensations internationales ni de déploiement à grande échelle de BECCS (NDLT : Bio-Energy with Carbone Capture and Sequestration : bio-énergie par capture et séquestration du carbone) ou d’autres solutions de géo-ingénierie,147Elles sont détaillées à l’annexe 1.qui favorisent l’accaparement des terres et la déforestation.
En plus de dispositions climatiques strictes, l’UEn doit également inclure une législation sur la protection de nos systèmes naturels. L’approche actuelle de l’Europe est insuffisante pour faire face de manière globale à l’ampleur de la crise, qui est structurellement liée aux systèmes sociaux et économiques.148IPBES, B4. L’UEn doit donc inclure une série de nouvelles règles destinées à soutenir le développement économique dans les limites de la planète.
Comme pour les objectifs climatiques, la législation doit fixer des objectifs pour la préservation des habitats naturels et l’inversion de la perte de biodiversité, et d’autres atteintes à l’environnement, que celles-ci concernent la biodiversité, la qualité des sols et de l’air. Ainsi, la législation met en place une contrainte de durabilité globale sur toute l’activité économique de l’UE.149 L. Laybourn-Langton L and T. Hill, “Faire face à la crise : Repenser l’économie à l’ère de la dégradation de l’environnement Institut de recherche en politiques publiques” , 1er août 2019,
en anglais: [lien] (consulté le 1er août 2019).
Dans cet objectif, la législation doit prendre modèle sur les législations nationales de certains pays, qui donnent mandat à leurs gouvernements pour réduire progressivement leurs émissions de gaz à effet de serre en suivant un “budget carbone”, et imposer de ce fait une contrainte “GES” sur les économies européennes. Il est essentiel que cette contrainte soit étendue à tous les responsables de la dégradation de l’environnement dans l’UE et partout dans le monde.
La législation inclurait un mandat technique pour la Commission de Justice Environnementale (CJE) (voir chapitre 5) afin de développer des objectifs intermédiaires et régionaux ou d’autres moyens de mesurer l’amélioration de la santé des systèmes naturels et le rythme de la décarbonation. Ces objectifs devraient être basés sur le cadre des limites planétaires décrit à l’Annexe 3 et doivent être formulés avec la contribution des climatologues, du secteur associatif, des militants et avec la participation des citoyens. Il est essentiel que les entreprises exploitant les énergies fossiles et les institutions qui les financent ne soient pas impliquées dans la CJE.
En particulier, la surveillance de la biodiversité devrait impliquer des experts, y compris des taxinomistes ( NDLT: La taxinomie est la science des lois de la classification), et utiliser les derniers développements en matière d’identification des espèces. La surveillance devrait porter sur l’état et les évolutions des écosystèmes, des espèces et de la diversité fonctionnelle et génétique. Dans le cadre du Revenu du Quotidien, les TPV peuvent offrir des récompenses financières aux communautés scientifiques qui s’engagent dans la surveillance de la biodiversité, mais ces programmes doivent être étayés par des structures et des mécanismes de soutien adéquats pour la collecte, le partage et l’analyse des données. Il est tout aussi important de collecter et de corréler les indicateurs sociaux avec les données environnementales, y compris les données sur les facteurs de changement de la biodiversité, provenant de l’agriculture, de l’énergie, des transports et d’autres secteurs.
42 Recommandation politique : Instaurer une réglementation prévoyant que les activités économiques de l'Europe s'exercent dans les limites planétaires.
43 Recommandation politique : Commander la collecte de données précises concernant l'état de santé des systèmes naturels et les nouveaux objectifs en matière de biodiversité dans l'UE.
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Légiférer en faveur de la durabilité
Une bonne évaluation scientifique de la situation fait ressortir la nécessité d’apporter des changements aux systèmes. La décarbonation et les objectifs environnementaux, bien que constituant une réponse vitale à l’urgence actuelle, ne suffisent pas à ancrer durablement la durabilité au cœur des économies européennes.
C’est pourquoi le Green New Deal pour l’Europe réoriente tous les secteurs économiques, de la finance à l’industrie manufacturière, afin qu’il fonctionne dans des limites planétaires.
Ainsi, la deuxième tâche de l’UEn est de légiférer en faveur de la durabilité. Elle doit intégrer dans la Loi les ambitions du programme d’investissement des TPV, qui promet d’ouvrir la voie à un monde où le rendement matériel et l’accumulation de richesses personnelles feront place à la circularité et à la solidarité ; où les activités de soins – pour la planète et les personnes – seront récompensés ; où les travailleurs et les communautés auront les moyens de décider de leur avenir ; où les produits sont conçus pour durer et se réparer ; et où le rôle destructif de la finance mondiale est restreint.
La transformation vers une économie plus juste promise par le Green New Deal pour l’Europe ne fera pas qu’alléger la pression sur nos systèmes naturels en réduisant la demande en énergie, en infrastructures et en matériaux. Il créera également de nouvelles opportunités pour l’épanouissement de l’être humain.
Cette section examine les types de lois qui sont nécessaires pour réorienter les économies européennes vers la durabilité.
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Interventionnisme fiscal
Bien que, comme indiqué à la section 3.2.5 ci-dessus, l’émission d’obligations vertes soit au cœur du modèle de financement du Green New Deal pour l’Europe, les mesures fiscales doivent jouer un rôle clé dans la transition.
L’imbrication des deux grandes crises contemporaines que sont les inégalités sociales et le dérèglement climatique et environnemental appelle à concevoir des mesures fiscales en faveur des groupes à faibles revenus – qui ne sont ni responsables des crises ni capables d’en porter les coûts d’atténuation – plutôt que de les soumettre à des pressions supplémentaires. En bref, l’une des conditions d’une transition verte durable et équitable est de rendre l’énergie décarbonée moins chère que les énergies fossiles sans accabler les gens qui ont déjà du mal à joindre les deux bouts.
Il y a essentiellement deux façons de fixer le prix du carbone. 150J. Hansen, Les tempêtes de mes petits-enfants : La vérité sur la catastrophe climatique à venir et notre dernière chance de sauver l’humanité, Bloomsbury, 2009, p. 114. En français, par Michael Lowy, (consulté le 14 Janvier 2020)
Le premier est un modèle de redevance et de dividendes, selon lequel une redevance (ou taxe) est prélevée à la source sur chaque tonne d’équivalent CO2 émise, et ses revenus sont redistribués aux citoyens sous forme de dividende.
Le second est le modèle de plafonnement et d’échange, selon lequel un quota fixe de “permis de polluer” est attribué aux entreprises qui peuvent ensuite les échanger avec d’autres.
Aujourd’hui, l’UE s’appuie sur l’approche du système de plafonnement et d’échange (connu dans l’Union sous le nom de système communautaire d’échange de quotas d’émission ─ SCEQE, en anglais European Union Emission Trading Scheme – EU ETS) en réponse aux puissants lobbies industriels151 J. Hanoteau, Lobbying pour les permis de carbone en Europe. Recherches économiques de Louvain, Vol. 80, 2014, Lien en anglais (consulté le 3 août 2019) Lien en français (consulté le 14 janvier 2020)et ce malgré son applicabilité limitée, son inefficacité, son instabilité inhérente, ses failles et les profits que les services financiers en tirent. Les revenus et les profits réalisés par les négociants en droits d’émissions sont ajoutés au coût du carburant.
L’Institut Transnational152K. Smith, “Le commerce du carbone ne fonctionne pas”, The Transnational Institute, 9 novembre 2009 , en anglais: [lien], (consulté le 1er août 2019) T. Gilbertson et O. Reyes, “Le commerce du carbone : comment il fonctionne et pourquoi il échoue “, Courants critiques, Fondation Dag Hammarskjöld, Série de documents occasionnels, n° 7, novembre 2009, [lien], (consulté le 1er Aout 2019). et d’autres153 “L’EU-ETS brise le mythe : Pourquoi il ne peut pas être réformé et ne devrait pas être reproduit “, Corporate Europe Observatory, 15 avril 2013, en anglais: [lien], (consulté le 29 juin 2019). en français : [Lien] (consulté le 14 janvier 2020). ont décrit l’EU-ETS (et l’échange de droits d’émissions carbone en général) comme un échec qui n’a entraîné aucune réduction significative des émissions, qui a absorbé d’énormes quantités de volonté politique et d’attention, et qui a agit comme une subvention énorme pour certains des plus grands pollueurs en Europe.
Bien que l’EU-ETS fasse actuellement l’objet d’une réforme, les changements proposés sont insuffisants pour remédier à ses défauts fondamentaux. Premièrement, l’EU-ETS ne s’applique pas actuellement à tous les secteurs ou à toutes les émissions de GES. Deuxièmement, le plafond est incompatible avec une trajectoire sûre jusqu’à 1,5 degré Celsius. Troisièmement, un nombre important de certificats d’émissions non taxées sont délivrés. Quatrièmement, l’EU-ETS encourage les “fuites de carbone”, c’est- à- dire le transfert pur et simple des émissions vers d’autres pays. Enfin, en tant que solution gérée par le secteur privé, l’EU-ETS est agnostique vis-à-vis des principes fondamentaux qui sous-tendent le Green New Deal pour l’Europe : la justice économique et environnementale.
Pour faire face à la crise climatique et réduire de manière significative les émissions, l’UE doit envisager de remplacer le système communautaire d’échange de quotas d’émission par une approche de redevance et de dividendes. Il s’agirait d’une redevance paneuropéenne croissante sur le carbone (ou taxe) dont les recettes seraient redistribuées aux citoyens dans le cadre d’un dividende citoyen.
Il existe un consensus parmi les économistes sur la taxe carbone comme moyen le plus efficace et le plus rentable154“Comment concevoir des taxes sur le carbone”, The Economist, 18 août 2018, [Lien], (consulté le 28 juin 2019). de déplacer la demande vers les technologies vertes.
Une taxe carbone correctement conçue offres trois bienfaits : elle diminue les quantités d’émissions; elle favorise les investissements sur les technologies propres, tirant leur coûts vers le bas; elle augmente les revenus. Dans le contexte européen, une redevance carbone a le potentiel de rediriger les investissements vers les secteurs plus vertueux de l’économie, et en définitive crée des emplois locaux et réduit la dépendance énergétique envers l’étranger.
Couplé au dividende, elle constitue également l’approche la plus économique et la plus juste. Dans un système de redevance et de dividende, les grandes entreprises et les particuliers fortunés – en d’autres termes, les plus gros utilisateurs d’énergies fossiles – paient l’essentiel de la redevance carbone, tandis que les groupes à faibles revenus reçoivent plus en dividendes qu’ils ne paient en redevances. Ce modèle inverse la tendance actuelle en Europe, où les coûts de la transition sont retombés de manière disproportionnée sur les pauvres.
Macron et la taxe française sur les carburants
En 2018, le président français Emmanuel Macron a proposé d’introduire un impôt direct sur le gazole, ce qui a pesé de manière disproportionnée sur les familles à faible revenu qui consacrent une part plus importante de leurs revenus au carburant pour le transport et l’usage domestique (en 2018, la fraction du revenu dépensée par les 10% les plus pauvres était 2,7 fois155Réseau Action Climat, ‘Pas de Transition Écologique sans Justice Sociale’, 2019, [Lien], (consulté le 29 juillet 2019)). supérieure à celle du 10% les plus riches).
La France souffrait déjà d’inégalités importantes. La part de croissance du PIB rapportée aux 1 % des plus aisés au cours de la dernière décennie a été supérieure à celle des 50 % du bas de l’échelle. .156T. Piketty, ” Inégalités en France “, Le Monde, [journal de bord], 18 avril 2017, [Lien], (consulté le 29 juillet 2019).La taxe sur le carburant se serait ajoutée aux réductions d’impôt précédemment mises en place par Macron pour les plus riches et à l’augmentation des prix du pétrole, exacerbant davantage les inégalités de revenus dans le pays. Une étude de l’Institut des Politiques Publiques a montré que l’effet cumulatif des budgets 2018-2019 aurait eu pour conséquence d’aggraver la situation économique des 10% des ménages aux revenus les plus modestes, tandis que les 1% de ménages aux revenus les plus élevés auraient bénéficié d’une situation bien meilleure.157M.B. Jelloul et al, “Le budget français 2019 : Quel sera l’effet sur les ménages ?”, Institut des Politiques Publiques, En anglais, (consulté le 20 juillet 2019), p. 7. En français (consulté le 15 Janvier 2020)
Dans le même temps, de nombreux secteurs industriels ont été exonérés d’impôts.158A. Robert, ” La rage sur le prix des carburants met en évidence les défauts de la taxe écologique française “, Euractiv, 9 novembre 2018, (consulté le 20 juillet 2019). [Lien]. Une étude récente ,159Réseau Action Climat. a montré que 1091 installations d’industries fortement polluantes opérant en France payaient un prix du carbone de 21 euros par tonne d’équivalent CO2 grâce au système européen de quotas et d’échange (EU-ETS), contre 44 euros par tonne payés par les ménages et les industries moins polluantes. En outre, certaines industries (l’industrie papetière, par exemple) ont été sur-allouées (jusqu’à 130 %) en quotas d’émissions gratuits et n’ont rien eu à payer, tandis que l’industrie du ciment a reçu un quota d’émissions gratuit de 14 %.
Le mouvement Gilets Jaunes a été la réponse de la rue à ces tendances.
Finalement, il a contraint Macron à abandonner la taxe controversée sur les carburants.
La taxe carbone proposée dans le cadre du système de redevances et de dividendes est toutefois prélevée à la source et s’applique automatiquement à tous les secteurs d’émissions.
Alors que les familles à faibles revenus consacrent généralement une plus grande part de leur revenu au carburant pour le transport et à des fins domestiques, le dividende est basé sur les revenus de tous les secteurs des émissions et fonctionne invariablement à leur avantage.
Conformément au principe de ” responsabilités communes mais différenciées et capacités respectives ” de la convention sur le climat, le Green New Deal pour l’Europe propose également que les pays les plus riches paient un prix du carbone plus élevé, qui dépendrait des émissions par habitant du pays ainsi que de son niveau de développement (IDH). Les pays moins développés peuvent donc ajouter des taxes à l’export sur les exportations d’énergies fossiles, un ajustement aux frontières qui empêche les fuites de carbone et fournit des fonds supplémentaires pour la transition verte dans les pays moins développés.
Une taxe carbone, comme toute taxe supplémentaire, pourrait encore être difficile à avaler pour une partie du public dans un premier temps, sans clarification sur l’ampleur de l’avantage du dividende. Une phase pilote assortie d’une taxe carbone initiale peu élevée et d’un remboursement du dividende sur une courte période de quelques mois pourrait aider à rallier les citoyens à ce projet. Par la suite, la taxe carbone devrait augmenter à un taux économiquement sain qui encourage l’innovation technologique et le développement d’infrastructures pour éliminer toutes les émissions de carbone dès que possible techniquement et supportable socialement. Une augmentation proportionnelle du dividende est susceptible d’accroître son attrait pour le public. Il devrait être fixé à 100 euros la tonne, et augmenter chaque année de 100 euros jusqu’en 2025, et alloué à un Fonds d’Élimination du Carbone qui financerait la recherche pour des infrastructures durables.
Un certain nombre de variantes ont été proposées par rapport au système de redevance et dividende de base décrit ci-dessus, bien que l’essentiel reste le même. L’une d’entre elles, proposée 160Réseau Action Climat. par le Réseau Action Climat français, recommande de commencer par taxer sélectivement les secteurs les plus polluants et de créer un tampon supplémentaire pour les groupes à faibles revenus en introduisant le dividende un an avant l’entrée en vigueur de la taxe carbone généralisée.
En tout état de cause, le dividende citoyen proposé par le Green New Deal pour l’Europe serait financé par de multiples sources (en plus de la taxe carbone). La taxe carbone n’est après tout qu’une mesure d’incitation transitoire qui deviendra superflue une fois que la transition verte sera en plein essor.
Au-delà de l’identification d’un outil juste et efficace de tarification du carbone, l’UE doit enfin prendre la tête de la lutte contre les paradis fiscaux. Ces structures sont liées à l’effondrement de l’environnement en tant que cause et effet : elles réduisent les ressources dont disposent les gouvernements pour répondre à leurs préoccupations environnementales urgentes, et elles offrent un refuge sûr aux extracteurs de ressources pour dissimuler leurs profits sans conséquence.
C’est pourquoi le régime fiscal du Green New Deal pour l’Europe se concentre sur le rééquilibrage de l’économie mondiale afin que les flux financiers internationaux retournent là d’où les ressources ont été extraites, et que les fraudeurs fiscaux paient leur juste part pour faire face à la crise.
L’UEn peut renforcer cette dimension réparatrice par d’autres mesures fiscales. Par exemple, une taxe sur les dommages causés à l’environnement pourrait être instaurée pour compenser le coût d’autres formes de dégradation de l’environnement, comme la pollution atmosphérique. Le produit de cette taxe pourrait être versé aux collectivités qui se trouvent en première ligne de la lutte contre les effets du changement climatique et être utilisé pour soutenir une transition juste. Et une taxe sur les transactions financières pourrait permettre de lever des fonds pour les réparations en faveur de la justice climatique, par exemple en aidant les pays vulnérables touchés par les “pertes et dommages” induits par le climat à se reconstruire après les catastrophes climatiques. Cela remplacerait le modèle actuel selon lequel les pays sinistrés sont obligés d’emprunter pour se sortir de l’ornière.
44 Recommandation politique : Remplacer le système d'échange de quotas d'émission au sein de l'UE par un système de redevances et de dividendes, après avoir testé le nouveau modèle à petite échelle et avec la participation de citoyens européens.
45 Recommandation politique : Mettre en place une législation pour supprimer les paradis fiscaux.
46 Recommandation politique : Envisager l’instauration de mesures fiscales supplémentaires, telles qu'une taxe sur les préjudices environnementaux et une taxe sur les transactions financières, afin de générer des fonds pour soutenir les collectivités en première ligne face aux changements climatiques et environnementaux.
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Transports
Les décisions de l’UE à propos des transports ont permis des avancées significatives sur l’instauration de nouvelles normes pour les véhicules sur nos routes, pour les transports ferroviaires, aériens, et maritimes. Avec la production d’énergie, les transports utilisant les carburants fossiles sont les principales sources d’émissions de gaz à effets de serre et de changement climatique.
A ce jour, l’UE a une variété de normes pour les émissions et l’efficacité énergétique des véhicules, mais celles-ci n’ont pas été mises à jour depuis 2014. Les constructeurs automobiles n’ont pas joué leur rôle dans l’arrêt de la production de véhicules à carburants fossiles, alors même que de nombreuses entreprises chinoises parmi les plus grandes se sont déjà engagées à disposer de flottes de véhicules à zéro émissions carbone d’ici 2025. De même, nos réseaux ferroviaires utilisent encore des trains diesel, alors que les voies pourraient déjà toutes être électrifiées. Il existe de fortes disparités de qualité de service d’autobus en fonction des pays membres de l’UE, forçant leurs habitants à recourir à des taxis coûteux ou des voitures personnelles.
Il n’est plus temps de construire des véhicules polluants dans nos usines.
Premièrement, il faut modifier les normes européennes d’émissions, pour y introduire une nouvelle norme “Euro 7” qui soit cohérente avec l’objectif de zéro émissions de gaz d’échappement pour tous les véhicules de tourisme.161Règlement (UE) no 459/2012/CE sur les émissions des véhicules, Annexe Cela implique que tous les véhicules neufs soient électriques, ou à hydrogène ou toute autre technologie respectueuse de l’environnement. Les autobus et les transports légers devraient aussi être concernés par cette norme. Tous les véhicules de transport lourds doivent aussi être à zéro émissions, mais avec des exemptions spécifiques attribuées temporairement par la Commission, dans la mesure des possibilités techniques.
De plus, les normes européennes d’émissions devraient être amendées pour exiger que tous les véhicules sortis d’usine soient à zéro émissions de gaz d’échappement, sans quoi à partir du 25 décembre 2021, aucun dividende ou rémunération des dirigeants ne pourrait être versés. 162Le règlement (CE) n° 443/2009 sur la performance en matière d’émissions contient les présentes règles. Chaque mois d’infraction, des amendes s’élevant à 10% du chiffre d’affaire annuel devraient être versées.
Deuxièmement, une nouvelle directive sur les entreprises publiques devrait préciser que les États membres de l’UE, ou les États régionaux, peuvent créer des actions privilégiées dans toute entreprise de fabrication automobile afin d’exercer la gouvernance et les droits de vote dans le but d’une décarbonation rapide.163L’effet est de renverser l’arrêt Commission/Allemagne (2007) C-112/05 dans le domaine des questions environnementales, mais cela pourrait également être l’occasion pour le législateur européen de clarifier le sens de l’article 345 du TFUE, selon lequel les systèmes de propriété doivent être laissés entièrement aux États membres.
Troisièmement, la Directive relative au développement de chemins de fer communautaires devrait être amendée pour exiger que les exploitants ferroviaires et les états membres de l’Union bâtissent des projets d’électrification à 100% des réseaux ferrés.164 La directive 2012/34/CE sur les chemins de fer contient les règles actuelles.
Toutes les offres de transports doivent être complètement intégrées, et permettre aux passagers et au fret une complète liberté d’utiliser le mode de transport le plus écologiquement durable. Bien que le transport aérien ne compte actuellement que pour 2% des émissions mondiales, il n’y a pas pour ce mode comme pour d’autres d’alternatives évidentes de vol sans énergie fossile. Cependant, de nombreux trajets aériens sont superflus là où existent des trains à grande vitesse. Si l’on prend en compte les temps de transit, d’enregistrements, de contrôles de sécurité en début et fin de trajet, les voyages en avions peuvent être plus longs que leur équivalent ferroviaire. Cela signifie qu’avec les investissements et aides pour le développement du train à grande vitesse mentionnés en 3.4.2, de nombreux trajets aériens pourraient disparaître.
Donc, quatrièmement, la Directive relative au développement de chemins de fer communautaires devrait être amendée pour exiger de la Commission de récolter les informations sur les voies aériennes actuellement et prochainement remplaçables par des trains à grande vitesse, et lui confier le pouvoir d’interdire le transport aérien quand des alternatives ferroviaires existent pour des temps de trajets similaires. Des aides pour déployer des trains supplémentaires et subvenir aux coûts afférents seront disponibles via le programme des Travaux Publics Verts.
Dans l’ensemble des transports internationaux, le fret occupe une part significative des contributions aux émissions de CO2, en particulier à cause des grands tankers inter-continentaux transportant des marchandises et du pétrole. La technologie solaire peut réduire de manière drastique ces émissions, tout en réduisant les coûts.165‘ Le transport maritime à énergie solaire permettra d’économiser 250 millions de tonnes de carburant par an ” (27 juin 2019) ThomasNet Ainsi, cinquièmement, en plus de légiférer sur ses propres flottes, l’Union Européenne devra renégocier la Convention Internationale pour la Prévention de la Pollution Marine par les Navires, pour exiger des sociétés disposant de navires de plus de 15 équivalents vingt-pieds de capacité décarbonnent leurs flottes dans la limite des technologies existantes.
Enfin, les organisations militaires sont les plus grosses consommatrices de pétrole au monde, de par leurs transports de guerre aériens, terrestres et maritimes.166 Voir par exemple, L’armée américaine et son pétrole ” (30 juin 2014) Union of Concerned Scientists (30 juin 2014) Union of Concerned Scientists L’Union Européenne doit utiliser la Méthode Ouverte de Coordination (MOC) avec les états membres pour cesser tout transports d’équipements militaires inutiles. L’UE doit être plus entreprenante dans sa Politique Étrangère et de Sécurité Commune pour empêcher les guerres et les conditions pouvant y mener, en négociant une nouvelle Convention Internationale pour l’Élimination de l’Industrie de la Guerre. Ceci permettra de réduire les budgets militaires gouvernementaux et ainsi de financer le combat de l’Humanité contre le changement climatique.
47 Recommandation politique : Introduire une nouvelle norme " Euro 7 " sur les émissions des véhicules pour interdire la production de véhicules à carburant fossile. Empêcher le versement de dividendes à des actionnaires ou aux administrateurs de sociétés qui ne se conforment pas aux règles après une période de transition.
48 Recommandation politique : Adopter une nouvelle Directive sur les Entreprises Publiques afin de codifier le droit des États membres et des États régionaux de créer des actions privilégiées dans les entreprises manufacturières pour décarboniser la production.
49 Recommandation politique : Modifier la Directive sur les Chemins de Fer pour électrifier tous les trains en Europe.
50 Recommandation politique : En investissant sur le train à grande vitesse, recueillir les données nécessaires et éliminer progressivement tous les vols d’avion dont la durée serait comparable à un trajet en train.
51 Recommandation politique : Renégocier la Convention Internationale pour la Prévention de la Pollution par les Navires pour exiger la décarbonation des flottes à la mesure des technologies disponibles.
52 Recommandation politique : Négocier une nouvelle Convention Internationale pour la Suppression des Industries de la Guerre pour permettre aux pays du monde entier d'investir dans la lutte contre les dommages liés aux dérèglements climatiques.
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Énergie
La politique énergétique de l’UE n’a pas atteint ses objectifs en matière de décarbonation et d’efficacité énergétique167EurObserv’ER, ” L’état des énergies renouvelables en Europe 2018″ , 18e baromètre annuel, 2018,
En anglais, (consulté le 3 août 2019).
En français, ( consulté le 15 Janvier 2020)et a supervisé un ralentissement important des investissements. Dans le même temps, les objectifs de l’Europe en matière d’énergie renouvelable ont grandement accéléré l’expansion de génération d’autres formes d’énergie destructrices pour l’environnement.
En définitive, la transition vers le zéro carbone comporte des risques significatifs si elle n’est pas supervisée par les habitants.
Comme indiqué au point 3.4.2 ci-dessus, les systèmes énergétiques européens doivent reposer sur l’investissement et la propriété publics dans les domaines de la production, du transport, de la distribution, de la gestion et de la conservation de l’énergie – une vision qui est incompatible avec la stratégie de réforme de l’UE, fortement axée sur le marché.
La propriété publique peut à la fois réduire les prix de l’énergie et accélérer le rythme de notre transition. Mais aujourd’hui, les objectifs communs de l’Union de l’Énergie et du Troisième Paquet Énergie sont de libéraliser davantage les marchés européens de l’énergie, en soumettant des segments toujours plus importants de l’infrastructure énergétique européenne aux forces de la concurrence. De plus, la législation existante n’est pas utilisée pour décarboner notre énergie en stoppant le charbon, le pétrole et le gaz. Cela crée le risque non seulement d’entraîner une hausse des prix pour les Européens alors que le prix des énergies renouvelables est en baisse, mais aussi de nous maintenir dans notre dépendance en178vers les pays disposant de combustibles fossiles, d’empêcher les économies d’échelle nécessaires pour s’attaquer à l’efficacité énergétique et la décarbonation d’une manière intégrée et juste. Aujourd’hui, les municipalités du monde entier ont de plus en plus tendance à remettre en mains publiques des biens communs comme l’énergie.168Voir les recherches du Transnational Institute sur les villes qui prennent le contrôle des services publics, souvent à la suite d’un vote public. À Munich, en Allemagne, le conseil municipal a mis la production d’énergie locale entre les mains du public pour accélérer la décarbonisation. Il vise à satisfaire les besoins énergétiques de la ville entièrement par des énergies renouvelables d’ici 2025 – un rythme qui était inconcevable pour le secteur privé. S. Kishimoto et O. Petitjean (eds.), ‘Récupération des services publics : Comment les villes et les citoyens font reculer la privatisation “, The Transnational Institute, juin 2017, [lien], (consulté le 5 août 2019). Cette tendance peut être accentuée par la Méthode Ouverte de Coordination. Une nouvelle Directive de Démocratie Économique imposera que tous les opérateurs de droit public offrent la possibilité aux habitants locaux d’élire des représentants à leurs instances de gouvernance.
La participation publique peut faire en sorte que les décisions concernant la production, la distribution et les prix de l’énergie fassent l’objet d’un contrôle démocratique – et que des pratiques de destruction de l’environnement comme la fracturation hydraulique ne soient pas mises en œuvre à l’encontre des intérêts locaux.
Une politique énergétique axée sur les besoins de la population, et non sur le profit, peut également éliminer la pauvreté énergétique, soulageant ainsi les plus de 50 millions de personnes en Europe qui ont actuellement du mal à payer leurs factures. L’un des moyens les plus simples d’y parvenir tout en réduisant la consommation d’énergie sur tout le continent est d’introduire une allocation énergétique. Tous les ménages bénéficieront sous ce régime d’une quantité d’énergie gratuite jusqu’à un certain point nécessaire pour satisfaire les besoins essentiels : chauffage et cuisson. Au-delà, le prix augmenterait fortement, ce qui inciterait fortement les ménages à économiser l’énergie.
S’il est souhaitable d’encourager la propriété publique des infrastructures, des normes environnementales minimales doivent être fixées, que la gestion de l’énergie soit aux mains du secteur public ou du secteur privé. La Directive Électricité n’a actuellement pas de consigne détaillée de décarbonation de la production électrique.169Directive sur l’électricité 2009/72/EC Cela est vrai, alors même que partout les éoliennes, et par endroits des fermes solaires, coûtent moins cher que de nouvelles méthodes de production d’énergie à base de charbon, de nucléaire, de gaz ou de pétrole.170Wind Europe, “L’énergie éolienne est la source de production d’électricité la moins chère” (29 mars 2019), lien en français, consulté le 18 janvier 2020.
Le constat est clair : si l’électricité n’est pas déjà décarbonée aujourd’hui, c’est par manque de vision politique.
La Directive Électricité devra être amendée pour exiger une baisse de 20% des émissions de GES à la fin 2020, 40£ à fin 2021 et 60% à fin 2022, 80% à fin 2023 et 100% à fin 2024. Les fournisseurs d’énergie de droit privé doivent fournir les investissements nécessaires avant de payer des dividendes à leurs actionnaires, ou risquer d’être dépassés par la concurrence des initiatives locales de droit public.
En outre, le scandale des entreprises énergétiques qui transforment des centrales au charbon en centrales au bois doit cesser. La bio-énergie, une source d’énergie qui favorise la déforestation et la destruction des milieux naturels, est en plein essor depuis quelques années. La biomasse représente 65% des sources d’énergie considérées comme “renouvelables” en Europe, et la biomasse forêt-bois, qui est la nouvelle matière première de choix pour la biomasse, a augmenté de 140% entre 1990 et 2016.171EU Biomass Case (2019) Candidats Soumissions pour annulation. Accessible à l’adresse suivante : [lien] Dans certains pays dont la Lettonie et l’Estonie, qui sont encore recouvertes pour moitié de forêts, la production intensive de pastilles de bois est un danger mortel pour l’environnement. 172 Réseau mondial d’information agricole (2019) EU Biofuels Annual 2018. Accessible en anglais à l’adresse : [lien]
Tout cela a donné une déforestation massive, et à peine quelques arrangements comptables. On a prétexté que les arbres stockent du carbone durant leur croissance, ce qui compenserait les émissions dues à leur combustion. Ainsi, la Directive pour les Énergies Renouvelables a autorisé les états membres de l’Union à ne pas comptabiliser les centrales à combustion de bois dans leur bilan carbone. Or, des preuves scientifiques ont été apportées sur le fait que les émissions liées à la combustion du bois sont bien pires à l’endroit de la production d’énergie. De plus, la production et le transport de bois ne peuvent pas être considérés comme durable.173Michael Le Page, “L’arnaque aux énergies renouvelables aggrave le réchauffement climatique” (21 septembre 2016) 231 New Scientist 20-21. Justin Catanoso, ‘L’UE poursuit en justice pour arrêter de brûler des arbres pour l’énergie ; ce n’est pas neutre en carbone : les plaignants” (6 mars 2019)Mongabay Le vent et le soleil étant des sources d’énergies moins chères, il est temps de revenir sur l’escroquerie du carbone au coeur de la Directive pour les Énergies Renouvelables.
Cela s’applique aussi à l’énergie hydraulique, pour laquelle l’accroissement constant du nombre de barrages a endommagé et morcelé les écosystèmes.174 “Sauvez le cœur bleu de l’Europe “(2019) Accessible à (en anglais): [lien] Dans les Balkans, certaines des rivières les plus naturelles d’Europe, abritant une forte biodiversité d’eau douce, sont sous le coup d’un plan d’implantation de plus de 2800 centrales hydroélectriques sur les prochaines années.175 A. Nelsen, “Les projets hydroélectriques des Balkans montent en flèche de 300 pour cent, mettant la faune en danger, selon les recherches”, The Guardian, 27 novembre 2017,
En anglais :[lien], (consulté le 6 novembre 2019).
En français : [lien], (consulté le 15 janvier 2020)
Le gaz doit aussi être retiré de notre mix énergétique, par amendement de la Directive Gaz..176Directive sur le gaz 2009/73/EC Le gaz est utilisé pour le chauffage domestique et industriel partout en Europe, mais il vient en majorité de Russie, dont les exportations de combustibles fossiles comptent pour environs 50%. La concentration des richesses liées aux ressources dans la Russie post-soviétique a conduit à une économie oligarchique et à une politique despotique. La dépendance énergétique de l’Europe envers ce pays pose un problème de sécurité. Les objectifs pour supprimer le gaz du mix énergétique doivent être fixés suivant un échéancier le plus rapide possible d’adaptation des habitations et immeubles à des sources d’énergies 100% électrique.
L’UEn doit également, supprimer progressivement l’utilisation de toutes les énergies fossiles et les les subventions en leur faveur.
Si nous voulons limiter le réchauffement mondial à 1,5 degré Celsius, nous ne pouvons pas créer de nouvelles infrastructures pour les énergies fossiles. Mais les gouvernements continuent de financer la dégradation du climat et de l’environnement à un rythme alarmant. Selon certaines estimations, un quart seulement du montant actuellement dépensé en subventions pour les énergies fossiles dans le monde suffirait à financer la transition vers les énergies renouvelables.
177S. Teske (ed), Atteindre les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat, Springer International Publishing.Dans l’UE, les subventions directes et indirectes pour les énergies fossiles dépassent 200 milliards d’euros par an.178Commission européenne, “Enhancing comparability of data on estimated budgetary support and tax expenditures for fossil fuels”, [lien], S. 8. Au moins quatre milliards de ces subventions viennent de l’Union Européenne elle-même. 179ODI & Climate Action Network, “Europe Phase-out 2020 : Suivi des subventions européennes aux combustibles fossiles”, Septembre 2017, [lien], ( consulté le 21 Octbre 2019), p.22.
C’est pourquoi l’UEn doit mettre un frein législatif aux subventions, en supprimant progressivement les subventions existantes pour les énergies fossiles et en les réorientant vers les TPV. Mais une telle élimination progressive ne peut pas être simplement une occasion de punir les États membres de l’UE pour non-respect de leurs obligations. Pendant des années, des pays dépendants du charbon comme la Pologne ont résisté aux incitations à réduire leurs émissions, aussi les objectifs doivent être véritablement atteignables, complètement financés et profitables à court ou moyen terme.
Les outils existants conçus dans le cadre de l’Union de l’Energie peuvent favoriser une meilleure transparence et une meilleure planification. Par exemple, les États membres sont actuellement tenus d’élaborer des plans nationaux intégrés sur l’énergie et le climat (PNCE) axés sur les cinq dimensions de l’Union Energétique, entre autres l’efficacité énergétique et la décarbonation. Ces plans sont élaborés sur la base de modèles normalisés, qui ne comprennent pas actuellement de données sur les subventions aux énergies fossiles.
L’Institut du Développement Durable et des Relations Internationales propose d’inclure ces données dans les NECP, ce qui pourrait grandement contribuer à encourager la transparence sur les subventions directes et indirectes aux industries des énergies fossiles.180 O. Sartor, T. Spencer, “Les subventions aux combustibles fossiles et le nouveau mécanisme de gouvernance de l’UE en matière de climat et d’énergie”, Institut du développement durable et des relations internationales, Working Paper No 9, 16 juillet 2016,
En anglais, (consulté le 20 juillet 2019), p. 12-16. En français, (consulté le 18 janvier 2020).Cependant, la simple communication de rapports ne suffira pas à soutenir les États membres de l’UE qui dépendent des énergies fossiles dans leurs efforts de décarbonation. C’est pourquoi les investissements des TPV doivent être distribués aux pays en fonction de leurs besoins de décarbonation.
Une façon d’y parvenir serait de “compléter” les réductions des subventions aux énergies fossiles des pays par des fonds supplémentaires des TPV. Pendant une période transitoire, pour chaque euro de subvention réorienté des énergies fossiles vers les énergies renouvelables, les TPV pourraient ajouter un montant destiné à soutenir la transition juste. Ces fonds peuvent être utilisés pour réorienter les travailleurs, éliminer progressivement les infrastructures d’énergies fossiles et soutenir davantage le développement des énergies renouvelables.
53 Recommandation politique : Encourager le passage au secteur public des services d’énergie au moyen de la Méthode Ouverte de Coordination et exiger le droit de vote citoyen dans les services publics.
54 Recommandation politique : Modifier la Directive sur l'Électricité, la Directive sur les Energies Renouvelables et la Directive sur le Gaz pour exiger une production d'énergie 100 % propre et renouvelable.
55 Recommandation politique : Adopter des normes rigoureuses de déclaration des subventions pour les énergies fossiles dans le cadre des Stratégies nationales énergie-climat (NECP).
56 Recommandation politique : Lier le financement des TPV au retrait des subventions pour les énergies fossiles pendant une période de transition.
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Chaînes d’approvisionnement
Une transition juste engage l’Europe à repenser la manière dont elle fabrique et consomme les biens de consommation courante. Le Green New Deal pour l’Europe nous invite à transformer à la fois nos moyens de production et nos attentes sociales en matière de consommation afin qu’ils respectent les limites planétaires. Les chaînes d’approvisionnement de l’Europe doivent être repensées pour encourager la réduction de la consommation de matériaux tout en assurant la durabilité.
Le moyen le plus efficace d’y parvenir est d’introduire une série de normes qui prolongent le cycle de vie des biens de consommation courante tout en rendant obligatoire la réparation et le recyclage et en fixant des limites aux déchets. En modifiant la Directive sur les Droits des Consommateur.181Directive sur les droits des consommateurs 2011/83/EU
Ces règles devraient exiger, au minimum :
- Un droit d’accès à des produits de qualité garantie, constante et pérenne;
- une obligation de réparabilité dans le cadre d’une garantie légale minimum;
- une obligation de recyclabilité.
Les supermarchés et autres grands magasins jouent un rôle majeur dans les circuits de distribution alimentaire et de consommation courante. Ils sont responsables en grande part des déchets inutiles, qu’il s’agisse d’aliments, d’emballages, ou de leur influence sur la demande, qui peuvent être nuisible à la santé des humains et de l’environnement. Une nouvelle Directive sur les Supermarchés et Magasins devrait s’appliquer à tous les commerces ayant un chiffre d’affaire supérieur à un milliard d’Euros (ce chiffre pourra être réduit progressivement).
Les obligations afférentes devraient inclure :
- une signalétique tricolore (rouge, orange, vert) pour le coût en CO2 de chaque produit;
- une signalétique tricolore pour la valeur nutritionnelle de tous les aliments et boissons;
- une garantie que tous les emballages sont recyclables dans la région du lieu de vente;
- l’élimination des plastiques sauf s’ils sont considérés comme absolument nécessaires par le régulateur de l’État membre;
- la décarbonation de tous les transports utilisés pour la livraison et dans les chaînes d’approvisionnement;
- la garantie que toute les viandes achetées par les supermarchés sont basées sur des normes éthiques et environnementales strictes, établies au niveau de chaque État membre de l’UE, avec la participation de défenseurs des droits des animaux, de fermiers et distributeurs;
- la garantie que les producteurs et travailleurs agricoles reçoivent une rémunération minimale correcte négociée collectivement;
- et l’application des actions obliques par les actionnaires, les employés, les travailleurs des circuits de distribution, les représentants d’associations environnementales et de l’organisme de réglementation de l’État membre concerné.
Cette Directive devrait aussi inclure :
- l’interdiction des déchets alimentaires (comme cela a été introduit en Corée du Sud) ;
- le passage de la propriété à l’usage (c.-à-d. de la voiture particulière à la voiture partagée ou au transport en commun, comme il est proposé à la section 3.4.2 ci-dessus);
- le passage de l’approvisionnement de la consommation privée à l’approvisionnement de la consommation publique.
Cela pourrait être soutenu par un plafond transitoire sur le débit annuel de matières, qui serait abaissé chaque année. Cela contribuera dans une large mesure à réorienter l’industrie manufacturière européenne vers le développement durable.
Mais la comptabilité des succès environnementaux de l’Europe ne doit pas s’arrêter à ses frontières, en invisibilisant les vastes réseaux mondiaux d’extraction, de production et de distribution qu’exigerait une transition massive vers les énergies renouvelables. Une vision globale et holistique révèle que d’importants investissements dans les sources d’énergie renouvelables intensifieront l’exploitation minière, qui fournit les matières premières pour transformer notre environnement existant afin qu’il fonctionne exclusivement à l’électricité.
Et un monde d’exploitation minière intensifiée est, à son tour, un monde d’accumulation par dépossession et contamination. Remplacer une industrie rapace des énergies fossiles par une industrie tout aussi rapace des énergies renouvelables n’est pas conforme aux principes de la justice sociale. La justice dans la chaîne d’approvisionnement devrait être la priorité de la transition énergétique pour s’assurer que les matériaux nécessaires sont transformés dans un respect de la justice sociale et environnementale dans le reste du monde. Toute technologie développée grâce aux TPV doit aussi être basée sur ces principes : par exemple, en s’assurant que les batteries pour les véhicules électriques sont fabriquées de manière durable et que les matériaux rares nécessaires à leur fabrication sont correctement recyclés.
L’UEn doit inclure une législation sur la gestion des circuits d’approvisionnement basée sur des principes de justice globale, sur une réflexion sur le cycle de vie des biens et sur des méthodes d’évaluation pour mettre en évidence et quantifier les compromis entre les impacts – par exemple la décarbonation en Europe au détriment de la destruction environnementale à l’étranger.
57 Recommandation politique : Renforcer les droits des consommateurs à des produits de qualité durables et solides, tout en consacrant dans la loi un droit à la réparation et à la recyclabilité.
58 Recommandation politique : Instaurer une nouvelle Directive sur les Supermarchés et les Magasins afin d'exiger l'étiquetage d’une signalétique tricolore de qualité pour le carbone et la nutrition, l'absence de plastique inutile, la décarbonation des transports, un salaire minimum vital pour les travailleurs agricoles et sa réelle mise en application.
59 Recommandation politique : Introduire une législation réglementant les circuits d'approvisionnement aussi bien nationaux qu'internationaux, veillant à ce qu'ils réduisent la circulation de matériaux en Europe et soient fondés sur des principes de justice.
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Finance industrielle, gouvernance et compétition
Comme expliqué dans la section 3.2 de ce document, la financiarisation de l’économie mondiale a été un facteur clé dans l’émergence d’inégalités et dans le dérèglement du climat et de l’environnement. L’arsenal législatif européen est très mal armé pour modifier le comportement des institutions financières.
La transition vers une économie neutre en carbone nécessite des investissements dans des secteurs ayant un fort coût en capital initial. La structure capitalistique existante en Europe, tournée vers les institutions financières, non seulement entrave de tels investissements, mais favorise les investissements dans les énergies fossiles au détriment des énergies et technologies renouvelables.182 M. Liebreich and A. McCrone, “La réglementation financière – biaisée contre l’énergie propre et les infrastructures vertes ? “ Bloomberg New Energy Finance Clean Energy White Paper, 2013.Ceci expose le système financier à un risque systémique, les énergies non renouvelables courant des risques de dommages physiques et d’épuisement.
La réglementation prudentielle mise en place après la crise financière pour réguler les banques et assurances183Règlement (UE) n° 575/2013 sur les établissements de crédit et directive 2013/36/UE sur les établissements de crédit, ainsi que la directive 2009/138/CE sur les assurances.définit de manière très étroite les risques liés au climat, et ne requiert pas de prendre en compte les risques sociaux, climatiques ou environnementaux dans l’estimation des risques d’investissement. De fait, la façon dont ces règles sont appliquées signifie que les banques ne sont pas contraintes de mettre des fonds en réserve pour se prémunir de risques parmi les plus dommageables : crises climatique, environnementale ou sociale.
La réglementation d’urgence introduite par l’UEn doit donc changer les règles qui régissent les industries européennes et les institutions financières pour s’assurer qu’elles cessent de financer la dégradation de l’environnement ( et donc du climat) et des accords sociaux, et qu’elles se débarrassent rapidement de leurs actifs non-renouvelables.
Tout d’abord, la Directive Comptable, qui définit les normes pour toutes les industries, doit être amendée pour exiger que les entreprises (y compris les assurances et les banques) comptabilisent les coûts de remise en état complets pour tous les dommages liés au climat, à la pollution aux hydrocarbures, et à tous les risques potentiels liés au climat.184Voir l’article 6 de la directive comptable 2013/34/UECes coûts doivent être calculés sur la présomption qu’il est illégal de contribuer aux dommages, civils ou pénaux, causés à l’environnement. La loi doit être amendée pour exiger des sociétés disposants d’actifs liés aux combustibles fossiles, sous réserve d’exemptions spécifiques et temporaires accordées par la Commission, provisionnent des fonds de réserve pour couvrir les coûts de dépollution.185Directive sur le droit des sociétés 2017/1132/EU article 45
Ensuite, les travaux en cours du Groupe Technique d’Experts sur la Finance Durable doivent être accélérés. Ce Groupe Technique d’Experts est en train de mettre au point 1) une taxonomie des activités économiques durables, 2) une Norme pour des Obligations Vertes qui utilisera ces critères pour émettre des obligations vertes, et 3) un rapport sur les analyses comparatives climatiques en Europe et sur la communication de ces analyses.
Le but de cette taxinomie est de créer une boîte à outils qui aide les investisseurs à comprendre les impacts climatiques et environnementaux de leurs investissements. Elle met en avant une liste d’activités économiques et des critères pour évaluer leurs impacts sur six domaines : l’atténuation du changement climatique; l’adaptation au changement climatique; l’utilisation durable et la protection de l’eau douce et de l’eau de mer; la transition vers une économie circulaire, la réduction de production des déchets et leur recyclage; la prévention et le contrôle de la pollution; et la protection de la santé des écosystèmes. Mais la taxinomie n’est pas contraignante et les investisseurs sont libres d’utiliser une autre méthode de communication.
Les résultats de ces travaux doivent être plus ambitieux qu’ils ne le sont aujourd’hui. D’abord, la taxinomie doit identifier les activités destructrices pour l’environnement, pour s’assurer que les industries impliquées dans ces activités seront affectées financièrement. Ensuite, la classification doit examiner de manière plus globale les effets des activités financières sur le climat et l’environnement; celles qui contribuent à une transition vers une économie bas-carbone mais qui aggravent le dérèglement climatique ou environnemental sur d’autres aspects ne devraient pas être considérés aussi favorablement.
Enfin, la classification doit écarter la manière binaire dont elle s’applique ou non à une activité donnée, et plutôt identifier des degrés de vert ou de brun pour qualifier ces activités.186Ce modèle est proposé par D. Gabor et al dans ” Finance and Climate Change ” : A Progressive Green Finance Strategy for the UK “, disponible à l’adresse : https://labour.org.uk/wp-content/uploads/2019/11/12851_19-Finance-and-Climate-Change-Report.pdf (consulté le 11 Novembre 2019).
Lorsqu’elle sera élaborée, la taxinomie devra être liée à des exigences de divulgation d’information obligatoire sur les questions du climat dans un cadre prudentiel révisé. La communication d’informations au public sur la base d’une taxinomie rigoureuse des investissements verts et bruns permettrait aux investisseurs et aux consommateurs de faire des choix plus éclairés, ce qui accélérerait le désinvestissement du secteur financier des actifs non liés aux combustibles fossiles. En vertu de la législation d’urgence introduite dans le cadre de l’Union Environnementale, le régime de divulgation d’information obligatoire doit être étendu aux institutions financières non bancaires pour englober des institutions comme les fonds de pension et d’autres investisseurs institutionnels qui pourraient être sensiblement exposés aux risques climatiques. Cela garantira une comptabilisation plus précise des risques et des externalités des investissements dans les énergies non renouvelables, ce qui peut également favoriser l’exactitude de la tarification à long terme des actifs liés aux combustibles fossiles – en réduisant considérablement leur valeur marchande et en ouvrant la voie à la liquidation ordonnée des entreprises de combustibles fossiles.187Cette question est abordée à la section 2.2.4 ci-dessus.
En outre, une meilleure évaluation des risques sociaux et environnementaux fera augmenter les prix des produits dérivés sur matières premières, qui sont un facteur majeur de pauvreté et d’inégalité dans le monde. De nombreux pays du Sud sont financés par des investissements titrisés de banques multinationales, qui imposent des programmes d’ajustements structurels aux gouvernements sur qui elles investissent – exportant des politiques d’austérité vers les nations les plus pauvres.188Le déclin de ce modèle d’investissement doit s’accompagner d’une action réparatrice. Comme nous l’avons vu dans d’autres parties du présent rapport, cela peut se faire par des transferts de technologie et d’autres mesures de réhabilitation et de réparation.
A partir de cette taxinomie, l’UEn passera des amendements d’urgence dans les règlements prudentiels des banques et assurances pour y introduire des exigences en capital punitives pour les investissements sur les énergies non renouvelables pour recalibrer les règles prudentielles afin qu’elles s’appliquent dans une perspective plus écologique. Ces règles sont au coeur des réformes de l’Accord de Bâle III passées après la crise (et déclinés dans l’UE via la DIrective sur les exigences en fonds propres CRD IV, Capital Requirements Regulation and Directive IV). Elles exigent des banques de conserver des fonds propres en proportion de leurs actifs à risques. Ces capitaux agissent comme un amortisseur contre les ralentissements économiques ou les défauts de paiement.
Les exigences en matière de fonds propres ont une incidence sur les incitations des banques à prêter : plus l’exigence est élevée, plus il est coûteux d’accorder un prêt. D’autres exigences, comme le coussin de fonds propres contra-cyclique, obligent les banques à détenir des capitaux supplémentaires pendant les périodes d’expansion économique afin d’assurer leur viabilité financière pendant les périodes de ralentissement. Ces exigences sont actuellement inadaptées aux impacts climatiques et environnementaux des actifs détenus par les entreprises.
L’UEn recalibrera le cadre prudentiel pour plus de durabilité. Elle introduira un “facteur de pénalisation brun”189Compte tenu du rôle accru des finances publiques envisagé par le Green New Deal pour l’Europe, le présent document n’appelle pas à l’introduction d’un “facteur de soutien vert”. Le traitement préférentiel des capitaux pour les investissements dans les énergies renouvelables pourrait comporter des risques importants pour la stabilité financière s’il entraîne une expansion significative, par exemple, du marché des obligations de prêt garanties écologiques. Le présent document ne prévoit pas de rôle significatif pour le financement privé dans la transition verte.qui impliquera une augmentation significative des pondérations de risque pour les actifs non renouvelables, et un coussin de fonds propres contra-cyclique renforcé qui limitera davantage les investissements des banques dans les actifs non renouvelables pendant les périodes d’expansion du crédit sur les marchés des actifs non renouvelables. Divers pays ont déjà introduit des réformes similaires, notamment en fixant des limites de prêt pour canaliser le crédit des activités fortement émettrices de carbone vers celles à faibles émissions de carbone. Ces réformes s’accompagneront de l’introduction de décotes et de marges “pénalisantes brunes” pour le financement des titres (y compris les opérations de pension et les prêts de titres), ce qui garantira la viabilité des activités d’investissement non bancaires.
Troisièmement, l’UEn accélerera les travaux de séparation des activités bancaires commerciales et d’investissement. Les crises financières ont démontré que ces activités exposent les petits épargnants à des chocs systémiques du monde financier au sens large. Alors que la stabilité financière est menacée par la montée en puissance du dérèglement climatique et environnemental, il sera vital de protéger les épargnants européens des retombées des crises.
Mais cela ne suffit pas pour protéger les consommateurs. Le Green New Deal pour l’Europe incite à étendre la démocratie à toutes les facettes de l’économie. Ainsi, dans l’Union Environnementale (UEn), les membres des communautés partout en Europe seront responsabilisés et aux commandes de la transition vers une finance durable. Actuellement, les gestionnaires financiers et les banques prennent les droits de vote de leurs actionnaires sur “l’argent d’autres personnes”, essentiellement sur celui de travailleurs qui épargnent pour leur retraite sous forme de pensions, assurances vies, et des fonds communs de placement. Ils ont utilisé ces droits de vote au sein des entreprises pour promouvoir des dirigeants qui n’ont pas fait grand chose pour prévenir les dommages à l’environnement ou au climat, mais se sont focalisés sur leurs bénéfices trimestriels à court terme. Dans le cadre d’une Directive pour la Démocratie Économique, les gestionnaires d’actifs, les banques et les autres types d’intermédiaires en transactions financières se verront interdire de voter grâce à l’argent de leurs clients, sauf à recevoir des instructions spécifiques par des représentants élus des véritables investisseurs.190L’article 10 de la directive sur les droits des actionnaires 2007/36/CE sera modifié en conséquence.Toutes ces instructions devront être suivies, et les fonds de pensions et autres fonds communs de placement auront comme devoir d’élaborer une politique de vote favorisant la décarbonation et la durabilité environnementale.
Pour soutenir ces changements, l’UEn devra investir les régulateurs financiers européens de nouveaux pouvoirs face aux banques multinationales, pour garantir une mise en oeuvre sans accrocs des nouvelles exigences. Pour soutenir ces changements, l’UEn inclura de nouveaux pouvoirs pour les régulateurs financiers européens en ce qui concerne les banques multinationales afin d’assurer la mise en œuvre sans heurts des nouvelles exigences. En particulier, elle comprendra des dispositions relatives à l’évaluation des accords d’endettement existants et à la manière dont leur conditionnalité – y compris les stipulations concernant la privatisation des actifs et des infrastructures, l’imposition de l’austérité et la libéralisation du secteur financier – aide ou entrave la justice environnementale.
Le mandat des régulateurs financiers européens pour surveiller les progrès des indicateurs climatiques et environnementaux seront étendus. Plus précisément, cela devrait comprendre un mandat pour surveiller et atténuer les risques transitoires découlant des politiques de financement écologiques et des facteurs macroéconomiques plus généraux, et des outils pour recalibrer les mesures prudentielles afin de décourager de façon dynamique les investissements non durables tout en détournant les flux financiers vers des projets verts.
Les entreprises doivent aussi prendre en compte les impacts sur le climat et l’environnement de leur fonctionnement quotidien. Sous l’UEn, la DIrective sur le Droit des Sociétés doit être modifiée pour codifier le devoir des dirigeants d’entreprise et des actionnaires majoritaires de passer à des énergies renouvelables, à des transports à zéro émissions, à des bâtiments durables et à d’autres pratiques en réalisant les investissements nécessaires.
Les administrateurs qui ne le feront pas devront être considérés comme négligents et personnellement responsables du paiement de la différence de coûts réelle ou prévisible entre les pratiques constatées en matière d’énergie, de transport, de bâtiments ou autres, et les versions durables de ces pratiques. Les dommages-intérêts doivent augmenter de 100% à chaque année de retard. Ces manquements doivent pouvoir être dénoncées en justice par les investisseurs, les employés, les créanciers ou les associations environnementales représentatives.
Enfin, il faudra mettre en place une nouvelle Directive de Coopération Environnementale pour permettre à toutes les organisations et entreprises d’oeuvrer ensemble pour éliminer leurs émissions de gaz à effet de serre, et pour arrêter de polluer notre environnement. Aucune entreprise ne devrait souffrir d’un désavantage concurrentiel parce qu’elle a joué son rôle pour la préservation de la planète. La directive devra établir clairement que tous les accords, publiés en ligne de manière transparente, entre entreprises ou autres acteurs ayant pour but de supprimer les émissions de CO2 ou de stopper les rejets de déchets ou de polluants, sont affranchis des règles de la concurrence.191Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, article 101, paragraphe 3
60 Recommandation politique : Exiger des entreprises qu'elles tiennent compte des changements climatiques et qu'elles constituent des réserves en capital liées à l’utilisation des énergies fossiles, dans l'hypothèse d’une indemnisation à verser pour des préjudices causés.
61 Recommandation politique : Accélérer les travaux du Groupe de Travail Technique sur la finance durable, et intégrer la taxinomie des investissements sociaux et écologiques dans un nouveau cadre de contrôle prudentiel plus stricte.
62 Recommandation politique : Apporter d'urgence des modifications aux règles prudentielles européennes afin de pénaliser les investissements dans les énergies non renouvelables, sur la base de la nouvelle taxonomie. Outre l'introduction de conditions pénalisantes pour les investissements dans les secteurs polluants (" brown penalising factor ") pour les banques et les assureurs, le principe doit être étendu aux opérations de financement de titres, en introduisant des exigences plus strictes pour les marges et les décotes.
63 Recommandation politique : Légiférer sur la séparation des services bancaires commerciaux et d'investissement.
64 Recommandation politique : Par une Directive sur la Démocratie Économique, donner aux citoyens le pouvoir d'exercer un contrôle, par l'intermédiaire de représentants élus, sur toutes les décisions concernant les investissements réalisés avec leur argent.
65 Recommandation politique : Élargir le mandat des régulateurs financiers européens afin qu’ils puissent suivre les progrès réalisés par rapport aux indicateurs climatiques, environnementaux et sociaux - et soutenir la mise en œuvre harmonieuse des nouvelles exigences.
66 Recommandation politique : Modifier la Directive sur le Droit des Sociétés pour y inclure une obligation pour les dirigeants d'investir dans les énergies renouvelables et durables, le transport, le bâtiment et d’autres activités, en multipliant les dommages et intérêts pour retards, opposables par les investisseurs, les employés, les créanciers et les groupes environnementaux représentatifs.
67 Recommandation politique : Donner aux entreprises et aux autres acteurs les moyens de conclure des accords transparents pour éliminer les émissions de gaz à effet de serre, les gaspillages et la pollution, en dehors des règles de la concurrence.
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Légiférer en faveur de la solidarité
La société envisagée par le Green New Deal pour l’Europe est une société où la solidarité remplace la concurrence. Ce n’est qu’en coopérant au-delà des frontières – en Europe et au-delà – que nous pouvons espérer éviter les catastrophes naturelles et climatiques à venir et construire une prospérité du partage.
Ce passage d’une société de compétition vers une société de coopération va nécessiter un changement radical et massif de la législation européenne.
Pendant des décennies, l’UE a mené une politique de réformes structurelles qui augmentent la flexibilité des salaires, libéralisent le commerce, réduisent l’impôt sur les sociétés et entraînent une dévaluation interne.192“Recommandation du Conseil sur la politique économique de la zone euro”, Consilium, 23 janvier 2018, https://www.consilium.europa.eu/en/press/press-releases/2018/01/23/council-recommendation-on-the-economic-policy-of-the-euro-area/ (consulté le 1er Août 2019
C’est une stratégie visant à rendre les biens européens plus attractifs pour les acheteurs étrangers – tout en renforçant la précarité de l’emploi, en aggravant les inégalités et en compromettant la durabilité dans le monde. Ces résultats ne sont pas le fruit du hasard, mais les produits d’un système mondial conçu pour soutenir le transfert de richesses et de ressources selon les principes de “l’efficacité du marché”.
Exporter la pollution dans le monde entier
“Entre vous et moi, la Banque mondiale ne devrait-elle pas encourager la migration des industries polluantes vers les PMD [pays moins développés] ?… La logique économique qui sous-tend le déversement d’une cargaison de déchets toxiques dans le pays où les salaires sont les plus bas est impeccable, et nous devrions y faire face… Les pays sous-peuplés d’Afrique sont largement sous-pollués ; leur qualité de l’air est probablement très peu efficace comparativement à Los Angeles ou Mexico… La préoccupation concernant un agent qui cause un changement sur un million dans la probabilité du cancer de la prostate va évidemment être beaucoup plus élevée dans un pays où les gens survivent pour avoir le cancer de la prostate que dans un pays où la mortalité des moins de 5 ans atteint 200 pour 1 500”.193D.N. Pellow, Résistance aux toxiques mondiaux : Transnational Movements for Environmental Justice, MIT Press, 2007, p. 9. NDLR: Voir “Le cynisme poussé à l’extrême en interne à la Banque” ( consulté le 18 janvier 2020 ) http://www.cadtm.org/spip.php?page=imprimer&id_article=820
1991 Note de service de Larry Summers, alors économiste en chef à la Banque mondiale
L’UEn offre un nouveau paradigme. Plutôt que de défendre les intérêts des grandes entreprises sous les auspices de la “compétitivité”, il protège d’abord les intérêts des travailleurs, des collectivités et de leur environnement. Plutôt que de considérer les intérêts de l’Europe comme des intérêts à somme nulle avec ceux de ses voisins, elle les fait participer en tant que partenaires au projet de développement durable.
Cette section présente quatre domaines clés dans lesquels l’UEn fait progresser ce principe de solidarité, ainsi que les recommandations politiques qui en découlent.
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L’Agriculture
Il y a une dizaine d’années194U. Hoffmann, “Assurer la sécurité alimentaire dans les pays en développement face aux défis du changement climatique” : Questions clés de commerce et de développement d’une transformation fondamentale de l’agriculture UNCTAD Discussion Paper No. 201, 2017, UNCTAD, Genève, en anglais : https://unctad.org/en/docs/osgdp20111_en.pdf, (consulté le 25 juillet 2019). Résultats de recherche en français, on estimait que les politiques agricoles des pays développés coûtaient aux pays en développement environ 17 milliards de dollars par an, soit l’équivalent de cinq fois le niveau de l’aide publique au développement (APD) pour l’agriculture pendant la même période.
L’économiste et lauréat du prix Nobel Joseph Stiglitz a en outre estimé 195J. Stiglitz, ‘Mettre la mondialisation au service des pays en développement Sir Winston Scott Memorial Lecture, Banque centrale de la Barbade, novembre 2007, https://www8.gsb.columbia.edu/faculty/jstiglitz/sites/jstiglitz/files/Making_Globalization_Work.ppt (consulté le 25 juillet 2019)que les pays riches coûtent aux pays pauvres trois fois plus cher en restrictions commerciales que leur APD totale. Au cours des deux dernières décennies, l’Afrique est devenue un importateur net de produits alimentaires et agricoles, malgré son vaste potentiel agricole.196M.A. Rakotoarisoa, M. Iafrate and M. Paschali, “Pourquoi l’Afrique est-elle devenue un importateur net de produits alimentaires ? Expliquer les déficits commerciaux agricoles et alimentaires de l’Afrique” Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, 2011, http://www.fao.org/3/a-i2497e.pdf (consulté le 25 juillet 2019). Résultats de recherche en français
Comme indiqué au point 3.4.7 ci-dessus, l’UE consacre près de la moitié de son budget aux subventions agricoles dans le cadre de la PAC. Une part importante de ces subventions est versée aux grands propriétaires terriens, aux exploitations industrielles fortement mécanisées et aux agro-industries dont les méthodes agricoles sont à la fois intensives en intrants et en énergie, entraînant des émissions élevées de GES. Les agriculteurs de l’UE ont également des excédents de production élevés qui ont historiquement entraîné un gaspillage de denrées alimentaires et qui font aujourd’hui l’objet d’un dumping sur les marchés internationaux.
Dans un premier temps, nous devons modifier les règlements de la Politique Agricole Commune afin d’exiger des grands agriculteurs qu’ils conservent davantage de terres en tant que “zones écologiques prioritaires”. Ces zones sont consacrées à des forêts naturelles, des prairies, des tourbières ou d’autres zones où la vie peut à nouveau s’épanouir, sans être exploitée. Actuellement, les entreprises agricoles de plus de 15 hectares doivent maintenir 5% des terres en tant que zone écologique prioritaire.197Règlement sur la politique agricole commune UE (n°) 1307/2013, article 46.Toutes les exploitations agricoles d’1 à 5 hectares doivent maintenir au moins 20 à 50 % des terrains en tant que zones écologiques prioritaires, les seuils exacts étant fixés par les États membres.
Une deuxième étape consiste à réorganiser les systèmes de paiement des subventions. Actuellement, ceux-ci ne font pas suffisamment la distinction entre les pratiques agricoles bénéfiques pour l’environnement et celles qui sont nuisibles. Les règlements de la politique agricole commune doivent être modifiés pour donner la priorité aux utilisations des terres qui réduisent leur empreinte carbone.198 L’article 32 du règlement (CE) n° 1307/2013 relatif à la politique agricole commune contient les présentes règles.Cela devrait au moins inclure les pratiques de travail du sol, de labour et de fertilisation qui retiennent le carbone. Une réduction des pesticides et des machines lourdes résultant de labours inutiles peut permettre de réaliser des gains environnementaux importants.
Les subventions de la PAC contribuent également à maintenir les prix des produits agricoles à un niveau artificiellement bas, souvent inférieur aux coûts de production, ce qui facilite le dumping (NDLT: le déversement) de produits bon marché sur les marchés mondiaux.199Par exemple, les exportations de volailles de l’UE réduisent également les moyens de subsistance des producteurs africains et ont été liées à la pauvreté rurale et à l’émigration du président ghanéen. C. Ward, “Le dumping de poulets de l’UE affame l’Afrique” Mail & Guardian, 10 novembre 2017, https://mg.co.za/article/2017-11-10-00-eu-chicken-dumping-starves-africa (consulté le 25 juillet 2019).Dans les pays en développement – contrairement à l’UE – une moyenne de 60%200J. Dixon, A. Gulliver and D. Gibbon, Systèmes agricoles et pauvreté. , Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture et Banque mondiale, 2001. http://www.fao.org/3/ac349e/ac349e03.htm (consulté le 25 juillet 2019).(allant de 20 à 90%)201M. Roser, ‘L’emploi dans l’agriculture : notre monde en données, 2019, https://ourworldindata.org/employment-in-agriculture (consulté le 25 juillet 2019).de la population est employée dans l’agriculture. Les petits agriculteurs et les ouvriers agricoles représentent 70 % du milliard de personnes les plus pauvres du monde.
De nombreux petits agriculteurs du Sud mondial adoptent déjà des pratiques sans produits chimiques, biologiques et agro-écologiques afin d’améliorer leurs moyens d’existence et de préserver les écosystèmes dont ils dépendent : on estime que près de 30 % des exploitations agricoles du monde ont entrepris une certaine forme de “refonte du système”.202J.Pretty et al., “Évaluation mondiale de la refonte des systèmes agricoles en vue d’une intensification durable” Nature Sustainability, vol.1, no.8, 2018, p. 441.En diversifiant leur production, les agriculteurs sont capables de produire une variété de denrées de base et traditionnelles pour nourrir leurs communautés locales, d’une manière qui préserve leurs terres et ressources.
Au lieu de soutenir la transition agro-écologique, les politiques agricoles et commerciales de l’UE soutiennent une production intensive de produits de base destinés à l’exportation. Les Accords de Libre Échange (ALE) ont été négociés dans le but explicite d’accroître les exportations de l’UE dans les secteurs à fortes émissions comme la viande et les produits laitiers.203Par exemple, la Commission européenne a promis une croissance des exportations de bœuf, de porc et de produits laitiers de l’UE dans l’ALE récemment signé avec le Japon. Voir : Commission européenne, “L’UE et le Japon signent un accord de partenariat économique”, communiqué de presse, 17 juillet 2018, en français : https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_18_4526 (consulté le 15 Janvier 2020)Entre-temps, les pays en développement sont encouragés à utiliser leurs terres et leurs ressources pour un nombre limité de cultures commerciales, plutôt que de les transformer en produits et secteurs à valeur ajoutée, et plutôt que de nourrir les populations locales. Les petits agriculteurs ont du mal à accéder aux marchés d’exportation, et même à être compétitifs sur leurs propres marchés en raison du dumping de produits bon marché par les multinationales.
Les barrières commerciales tarifaires et non tarifaires biaisées, ainsi que les conditionnalités des institutions financières internationales (IFI)204A. Shah, “L’ajustement structurel – une cause majeure de la pauvreté”, Global Issues, [web log], 24 mars 2013, http://www.globalissues.org/article/3/structural-adjustment-a-major-cause-of-poverty (consulté le 15 juin 2019).ont contribué à empêcher davantage les petits agriculteurs du Sud de bénéficier de la production agricole – en exigeant le démantèlement des mesures politiques nationales205O. De Schutter, ‘Rapport du Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation : Additif, Mission auprès de l’Organisation mondiale du commerce. 25 juin 2008, A/HRC/10/5/Add.2, Conseil des droits de l’homme, Genève ; M. Khor, “La crise alimentaire Le changement climatique et l’importance d’une agriculture et d’un environnement durables et le développement Série 8, Penang, Third World Network: document présenté à la Conférence de haut niveau sur la sécurité alimentaire mondiale : The Challenges of Climate Change and Bioenergy, Rome 3-5 juin 2008.qui accordent des crédits aux agriculteurs et une aide à la transformation et à la commercialisation, ainsi que la baisse des droits à l’importation.
La marginalisation des petits agriculteurs a entraîné une migration urbaine incontrôlée et non durable dans les pays du Sud. Quelque 50 millions de personnes quittent les zones rurales chaque année206CNUCED, “Rapport sur le commerce et l’environnement 2013″. Réveillez-vous avant qu’il ne soit trop tard : Rendez l’agriculture réellement durable dès maintenant pour assurer la sécurité alimentaire dans un climat en mutation”, CNUCED, Genève. https://unctad.org/fr/PublicationsLibrary/dom2014d1_fr.pdf (consulté le 18 janvier 2020)à la recherche de moyens de subsistance alternatifs. Des connaissances précieuses sur l’agriculture locale optimale, traditionnelle et durable sont ainsi perdues, tandis que les migrants ruraux viennent grossir les rangs des citadins pauvres, exceptionnellement exposés à l’insécurité alimentaire.
Ceux qui restent dans les zones rurales sont de plus en plus dépendants de l’agrobusiness mondial – pour la fourniture d’intrants (semences, engrais, etc.) ainsi que pour l’achat de produits, car les petits agriculteurs ont un accès direct limité aux marchés. L’agro-industrie dicte donc les prix et les conditions, laissant les petits agriculteurs endettés et souvent contraints d’abandonner ou de vendre leurs terres à de grandes exploitations mécanisées.
C’est pourquoi, dans un troisième temps, les subventions agricoles aux grandes entreprises, qui favorisent le dumping à l’exportation au détriment du Sud mondial, doivent être complètement réformées. Si un changement vers la régénération de notre environnement y parviendra, nous devons supprimer progressivement toutes les subventions aux grandes entreprises agricoles qui reçoivent plus de 150 000 euros à l’achèvement de la reforestation d’ici 2030.207Les articles 10 et 11 du règlement (CE) n° 1307/2013 relatif à la politique agricole commune contiennent les règles actuelles.Les subventions retirées aux grands propriétaires terriens, la meilleure pratique dans les États membres devrait être alors d’exiger le maintien des terres pour les utilisations naturelles.
Les coûts à long terme de l’agriculture industrielle ne sont pas pris en compte dans les politiques actuelles, ni dans les prix des denrées alimentaires. Ces coûts sont des “externalités du marché” – conséquence d’une défaillance du marché – où la poursuite de l’intérêt privé entrave l’utilisation efficace des ressources de la société ou une distribution équitable des biens publics.208D.L. Weimer, A.R. Vining, Analyse des politiques – Concepts et pratiques, selle supérieure River : Prentice Hall, 1999.Il s’agit notamment des coûts environnementaux (pour la biodiversité, le sol et l’eau) qui rendent non durable à long terme la production d’aliments nutritifs, des coûts de santé humaine (par ex, par l’exposition à des produits chimiques perturbateurs du système endocrinien209On estime que l’exposition totale de la population aux EDC coûte à l’UE 163 milliards d’euros par an (soit 1,28 % du PIB de l’UE). L. Trasande et al, ” Burden of disease and costs of exposure to endocrine disrupting chemicals in the European Union ” (Le fardeau de la maladie et les coûts de l’exposition aux perturbateurs endocriniens dans l’Union européenne) : An updated analysis’, Andrology, 4, 2016, pp. 565-572.et à la pollution atmosphérique210L’agriculture est responsable d’environ 90 % des émissions d’ammoniac de l’UE, ce qui contribue largement à la pollution atmosphérique qui tue 400 000 Européens chaque année. Voir AEE, “Air Quality in Europe”, 2017, https://www.eea.europa.eu/publications/air-quality-in-europe-2017/at_download/file (consulté le 31 juillet 2019).), ainsi que les coûts socio-économiques de la pauvreté, de la malnutrition et de la marginalisation des petits agriculteurs dans le Nord et le Sud.211C. Rocha, ” L’insécurité alimentaire comme défaillance du marché ” : A Contribution from Economics, Journal of Hunger and Environmental Nutrition, 1(4), 2007, pp. 5-22Les coûts pour rendre viable une agriculture durable pour des millions de petits exploitants dans le monde sont extrêmement faibles par rapport aux coûts liés au défaut de le faire.
La résolution de ces problèmes exige une toute nouvelle approche. C’est pourquoi l’UEn inclut une Politique Alimentaire Commune212En février 2019, le Groupe international d’experts sur les systèmes alimentaires durables (IPES-Aliments) a publié un plan détaillé pour une politique alimentaire commune de l’UE, basé sur un processus de trois ans de recherche et de délibération participatives impliquant plus de 400 acteurs du système alimentaire. Les approches intégrées de la politique alimentaire ont également été approuvées par des organes officiels de l’UE tels que le Comité économique et social européen et le Comité des régions. Voir : IPES-Aliments. 2019. Vers une politique alimentaire commune pour l’Union européenne : La réforme et le réalignement des politiques qui sont nécessaires pour construire des systèmes alimentaires durables en Europe. Groupe international d’experts sur les systèmes alimentaires durables.: un cadre politique qui réaligne les différentes politiques sectorielles affectant les systèmes alimentaires (agriculture, commerce, développement, environnement, recherche, marchés publics, etc.), met fin aux objectifs politiques contradictoires et à leurs coûts cachés et met le commerce au service du développement durable.
Dans le cadre d’une politique alimentaire commune, divers instruments de politique de l’offre et de la demande seront mis à profit pour amorcer une transition vers des systèmes alimentaires durables, en assurant des actions coordonnées et un partage équitable des coûts tout au long de la chaîne. La gouvernance intégrée du système alimentaire est donc un aspect crucial de l’UEn. Associée à la réorientation des investissements dans le cadre des TPV (voir section 3.4.7 ci-dessus), elle accélèrera la transition agroécologique et garantira qu’il est rentable de pratiquer une agriculture durable dans l’UE et dans le monde entier.
68 Recommandation politique : Conditionner les subventions agricoles à l'augmentation des "zones écologiques prioritaires" avec les forêts, les prairies et le reboisement, les passant de 5 % à 20-50 % des terres cultivées.
69 Recommandation politique : Conditionner les subventions agricoles à des pratiques agricoles durables, y compris l'élimination de tout travail du sol, fertilisation, pesticides et machines non indispensables, pour donner la priorité à la stabilisation et à la réduction des émissions de carbone.
70 Recommandation politique : Pendant une période de transition, retirer progressivement les subventions aux grandes sociétés et entreprises agricoles jusqu’à l'achèvement de la réhabilitation du milieu naturel - en réorientant les fonds vers une production alimentaire durable.
71 Recommandation politique : Adopter la Politique Alimentaire Commune, un cadre qui réaligne les différentes politiques sectorielles concernant les filières agroalimentaires, met fin aux objectifs politiques contradictoires et à leurs coûts cachés et met le commerce au service du développement durable.
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Commerce
Si l’agriculture reste la principale source de revenus pour les régions les plus sous-développées du monde, celles-ci ont aussi comme impératif de se diversifier dans la transformation, la la production industrielle et autres activités à valeur ajoutée – compte tenu des incertitudes climatiques et de l’impact écologique, mais aussi en termes d’avantage économique.
La plupart de ces pays restent tributaires des importations de produits manufacturés et nombre d’entre eux n’ont toujours pas de secteurs du savoir et des services. Afin de prendre leur essor, leurs “industries naissantes” ont besoin d’être protégées de la concurrence mondiale. Mais cela n’est pas permis par les régimes d’ajustement structurel imposés par les institutions financières internationales ou par les décisions de l’OMC (comme l’accès aux marchés pour les produits non agricoles — “AMNA” — et l’Accord général sur le commerce des services — AGCSI), qui obligent les pays en développement à ouvrir leurs secteurs manufacturiers et de services à la concurrence mondiale pour raison de “réciprocité” dans leurs relations commerciales, et encore moins par les accords de “libre échange” (ALE) bilatéraux et régionaux entre l’Union Européenne et les pays en développement. Les accords de partenariat économique (APE) de l’UE avec les pays de l’ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique) en sont un exemple.213“Pourquoi l’Europe doit de toute urgence repenser ses accords commerciaux injustes avec l’Afrique”, Institut de recherche sur le dialogue des civilisations, 2019, https://doc-research.org/2019/04/europe-trade-africa/, (consulté le 31 juillet 2019).Ils sont souvent conclus dans un contexte caractérisé par de profonds déséquilibres de pouvoir et l’influence des multinationales.214P. Bouwen, ‘Le lobbying des entreprises dans l’Union européenne : la logique de l’accès Journal of European Public Policy,. 9, no. 3, 2002, p. 365-390 ; C.G. Gonzalez, ‘Libéralisation du commerce, sécurité alimentaire et environnement : la menace néolibérale pour le développement rural durable”.’ Transnational Law and Contemporary Problems, 14, 2004, pp. 419-500.
La réciprocité dans les accords commerciaux entre pays ayant des niveaux de développement économique très différents sert surtout les intérêts des pays riches ayant des secteurs manufacturiers et de services développés, et n’est pas observée dans des domaines comme l’agriculture où le Sud global pourrait avoir un avantage.
Les ALE ont été jugés encore pires pour les pays en développement que l’OMC215M. Khor, ‘Accord bilatéral et régional : Quelques éléments critiques et conséquences sur le développement. Doha et au-delà : Incorporation du développement humain dans les négociations commerciales, Atelier régional du PNUD sur le commerce, 17-18 décembre 2007, Penang, Malaisie., parce que cette dernière leur offre encore une certaine flexibilité216O. De Schutter, ‘Rapport du Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation. L’agrobusiness et le droit à l’alimentation” A/HRC/13/33, 2009, Conseil des droits de l’homme, Genève.sur les réductions tarifaires supplémentaires sur les importations. En outre, la “progressivité des droits de douane” (par laquelle les droits d’importation augmentent tout au long de la chaîne de transformation) mise en œuvre par l’UE entrave encore davantage le développement des industries à valeur ajoutée dans les pays pauvres, limitant leurs exportations aux matières premières qui alimentent les industries européennes, tout en important les produits manufacturés, selon les anciennes pratiques coloniales.
Par exemple, Haïti et l’Afrique de l’Ouest (parmi les régions les plus pauvres du monde) pourraient grandement bénéficier de l’exportation de chocolat déjà transformé au lieu du cacao destiné à la transformation dans l’UE. Outre qu’elle permettrait aux producteurs d’obtenir des revenus supplémentaires, la transformation locale réduirait la pression écologique sur les terres arables ainsi que les émissions de gaz à effet de serre en réduisant les volumes transportés.
Les campagnes de réforme des échanges commerciaux217Voir, par exemple, “Trade Justice Movement”, http://www.tjm.org.uk/about-us/current-members.html (consulté le 21 juillet 2019) ; et “Make Poverty History”, http://www.makepovertyhistory.org/trade/ (consulté le 21 juillet 2019).étaient en tête du programme de développement en raison de leur impact potentiel sur la réduction de la pauvreté et de la faim, mais elles se sont enlisées après 2006 dans l’impasse persistante (entre pays en développement et pays développés) du cycle de négociations commerciales de Doha, ainsi que dans l’émergence du péril climatique comme enjeu majeur de développement.
Une transition verte implique nécessairement le développement d’options de transport moins polluantes au cours des prochaines années. Une analyse plus intégrée et plus inclusive de la durabilité mondiale – tant environnementale qu’économique – pourrait grandement contribuer à atténuer l’impact de l’injustice commerciale sur les Pays du Sud.
L’UEn va donc réorienter les relations commerciales internationales de l’Europe vers plus de durabilité et de justice. Elle le fera de quatre façons principales.
Premièrement, elle mettra fin à tous les mécanismes d’arbitrage entre investisseurs et États. Ceux-ci sont actuellement utilisées par les sociétés transnationales dans les industries à forte intensité de carbone pour poursuivre les gouvernements qui introduisent des réglementations environnementales.218Public Citizen’s Global Trade Watch, Études de cas: Attaques de l’État-investisseur contre les politiques d’intérêt public”. Public Citizen, 6 mars 2015, https://www.citizen.org/wp-content/uploads/egregious-investor-state-attacks-case-studies_4.pdf (consulté le 15 octobre 2019).
A la place, l’UE devrait proposer de modifier l’Accord Général sur les Tarifs Douaniers et le Commerce (en anglais GATT : General Agreement on Tariffs and Trade) pour permettre aux membres de la société civile et à des groupes représentatifs démocratiquement élus de saisir l’Organe de règlement des différends de l’OMC.
Deuxièmement, l’UE s’efforcera de remodeler activement les règles de l’OMC conformément à ses nouvelles priorités internationales et commerciales. Cela devrait autoriser les sanctions économiques contres les états membres de l’OMC qui ne font pas d’efforts de décarbonation de leurs économies dans des délais compatibles avec les Accords de Paris de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques de 2015. À court terme, l’UE pourrait s’efforcer d’élaborer des approches comptables communes et d’accroître la capacité administrative du Comité du commerce et de l’environnement de l’OMC pour soutenir la construction juridique de l’OMC. L’UE doit s’efforcer d’intégrer la durabilité écologique et sociale dans l’esprit de l’OMC. Pour cela elle doit exiger que les règlements de l’OMC prennent en compte les Droits de l’Homme, et intègrent explicitement le droit universel aux échanges dans l’intérêt de la science,219Déclaration universelle des droits de l’homme 1948, article 27(1) et Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels 1966, article 15(1)(b).tout comme les droits du travail et droits sociaux internationaux.220DUDH 1948 articles 20-26 et le PIDESC 1966 articles 6-13.
Troisièmement, la législation devrait encourager les transferts de technologie dans le domaine des technologies renouvelables et d’autres technologies qui peuvent aider à bâtir des économies à faible intensité carbonique. Cela doit inclure des dispositions législatives pour faire en sorte que toute technologie développée dans le cadre de l’initiative Green Horizon 2030 puisse être mise gratuitement ou à faible coût à la disposition des pays du Sud. En même temps, toute architecture obsolète à énergies fossiles qui est mise hors service ne peut être vendue aux gouvernements des pays du Sud. Les entreprises qui administrent ces infrastructures doivent être rendues responsables de leur démantèlement.
Enfin, l’UEn jettera également les bases de la relocalisation des unités de production en Europe, selon des principes neutres et non-discriminatoires basés sur la décarbonation. Elle prévoira : (a) l’inventaire des biens et services actuellement importés et exportés d’Europe ; (b) une analyse rigoureuse des produits qui pourraient être produits dans chaque État membre de l’UE pour en réduire l’empreinte carbone; (c) des mesures visant à encourager les producteurs européens à combler les manques constatés dans les marchés locaux en expansion, en compensation la perte de leurs précédents marchés à l’exportation.
En parallèle de ce processus, l’UEn produira également des réglementations sévères sur la gestion des déchets, imposant des normes en matière d’éco-conception, de réutilisation et de réparabilité. Ces exigences limiteront automatiquement les importations de produits non conformes en provenance de l’étranger, tout en renforçant la position des fabricants européens.
72 Recommandation politique : Mettre fin à tous accords de règlement de litiges entre investisseurs et États, et introduire le droit pour des groupes représentatifs publics et démocratiques d’intenter des poursuites pour faire appliquer les règles commerciales.
73 Recommandation politique : Renégocier les règles de l'Organisation Mondiale du Commerce pour y inclure les Droits de l'Homme, y compris le droit de bénéficier des progrès scientifiques, à un environnement non pollué et à une réglementation du travail.
74 Recommandation politique : Revoir les règles commerciales de l'UE pour soutenir les systèmes économiques diversifiés et autosuffisants en Europe et dans le monde, conformément au principe de la décarbonation.
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Développement
Les politiques d’aide extérieure de l’Europe continuent de financer des projets d’énergies fossiles et d’agro-industries dans le monde entier. L’UEn inclura de nouvelles politiques de développement international qui assurent un développement propre et engagent les pays donateurs et bénéficiaires dans des politiques de Green New Deal en Afrique, en Asie et en Amérique latine.
Les politiques de développement de l’Europe, les accords de financement bilatéraux, les mécanismes de financement multilatéraux tels que le Fond Vert pour le Climat et la position officielle de l’UE lors des négociations sur le climat de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) doivent inclure la fourniture d’un financement climatique et environnemental pour soutenir les pays qui sont en première ligne en matière de changement climatique et de dégradation de l’environnement. Les pays qui souffrent le plus sont les moins responsables de la crise, de sorte que l’Europe doit prendre l’initiative de payer les coûts des pertes et dommages, de l’adaptation et de la transition vers des “voies vertes”.
L’UEn doit également jouer un rôle en encourageant les pays à s’éloigner des subventions néfastes pour les énergies fossiles et les engrais azotés synthétiques. La Zambie, par exemple, consacre une part importante de son budget agricole à subventionner les engrais – dont une grande partie est destinée aux ménages les plus riches.221N.M. Mason and S.T. Tembo, “Le FISP réduit-il la pauvreté des ménages de petits exploitants agricoles en Zambie ?” IAPRI, mai 2015, http://www.iapri.org.zm/images/PolicyBriefs/ps_71.pdf, (consulté le 21 juillet 2019).Il s’agit d’argent qui pourrait être beaucoup mieux dépensé en investissements, soutien, formation et services de suivis pour renforcer l’adaptation par l’agroécologie.
L’UEn inclura donc un règlement sur le développement “vert” qui recalibrera les priorités de l’UE en matière de développement international et veillera à ce que les politiques agricoles et commerciales soient alignées sur les impératifs du développement durable dans le cadre d’une politique alimentaire commune (voir point 4.4.1).
75 Recommandation politique : Revoir les politiques de développement international de l'Europe afin de les aligner sur les priorités de la Politique Alimentaire Commune.
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Atteintes à l’environnement
Enfin, l’UEn doit inscrire le respect des écosystèmes dans la loi.
En 2008, le Conseil “Justice et Affaires Intérieures” a officiellement adopté la Directive sur la Criminalité Environnementale, que les États membres étaient tenus de transposer en 2010.222Directive sur la criminalité environnementale 2008/99/CE https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=LEGISSUM:ev0012&from=FRLa directive comprend une liste d’infractions environnementales – de la pollution susceptible de causer des blessures graves ou la mort à la destruction de sites protégés – qui doivent être passibles de sanctions pénales si elles sont commises intentionnellement ou par négligence grave.
Cette loi est clairement insuffisante. Les grandes entreprises des énergies fossiles génèrent des niveaux de pollution dangereux dans toute l’Europe, mais leurs PDG restent impunis. Les sociétés d’exploitation forestière continuent de détruire des forêts précieuses à travers le continent, mais personne n’est tenu responsable des dommages environnementaux. Les entreprises de fracturation hydraulique empoisonnent notre eau et les entreprises agricoles détruisent notre sol.
La Directive sur la Criminalité Environnementale est un échec car elle ne reconnaît pas que le statu quo des affaires peut en soi constituer un crime contre l’environnement. Elle ne pénalise aucune des 100 entreprises qui, collectivement, sont responsables de 71% des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
C’est pourquoi l’UEn doit inclure un nouvel ensemble de lois environnementales établissant à la fois des sanctions civiles et des infractions pénales liées à l’écocide, à la négligence environnementale et à d’autres exemples d’actes répréhensibles.
En premier lieu, une nouvelle Directive sur les Atteintes à l’Environnement doit faire en sorte que toute personne ou société qui contribue de manière significative aux dommages climatiques, mesurés en mégatonnes d’émissions de gaz à effet de serre, soit solidairement responsable de la réparation des dommages. Pour les activités, intentionnelles ou non, destinées à générer du profit, des pénalités effectives doivent être prononcées, sur la base de (mais sans se limiter à) 20% du chiffre d’affaire du groupe des industries fautives. Les administrateurs et actionnaires avec une part de contrôle suffisante doivent être passibles de poursuites.
La dégradation du climat est un acte criminel. Aussi, en second lieu, la Directive sur les Atteintes à l’Environnement devra reconnaître le crime de dégradation du climat. Toute personne qui se livre, de manière intentionnelle ou fortuite, à des actions visant à générer du profit et contribuant significativement à la dégradation du climat, mesurée en mégatonnes de GES émis, commet un crime de dégradation du climat. De plus, il est nécessaire de reconnaître le crime d’écocide, défini comme “la perte, la dégradation ou la destruction d’un ou plusieurs écosystème(s) dans un territoire défini, dont le bénéfice pacifique par ses habitants est ou sera sévèrement altéré”.
Troisièmement, l’UEn devra négocier une modification du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, pour stipuler que les dégradations du climat à l’échelle d’un écocide soient considérés comme des “crimes contre l’humanité”.223Droit de l’écocide, https://eradicatingecocide.com/, (consulté le 24 juillet 2019).
76 Recommandation politique : Introduire une Directive sur les Atteintes à l'Environnement pour codifier la responsabilité civile sur la contribution aux changements climatiques, avec une responsabilité personnelle et répressible pour ceux qui tirent profit de la pollution.
77 Recommandation politique : Reconnaître que les dégradations du climat sont des dommages criminels, et que l'écocide est aussi un crime.
78 Recommandation politique : Renégocier le droit pénal international pour reconnaître que les dommages climatiques assimilables à un écocide sont un "crime contre l'humanité".
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La Commission de Justice Environnementale
Un organisme indépendant chargé de rechercher, de surveiller et de conseiller les décideurs politiques de l'UE pour faire progresser la cause de la justice environnementale en Europe et dans le monde.
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Introduction
Le défi de la lutte contre le changement climatique ne peut être séparé de la question de la justice sociale. Qu’il s’agisse d’une taxe sur le carbone ou d’une interdiction du plastique, les politiques climatiques ont des ramifications massives pour ce qui est de savoir qui obtient quoi et comment. La récente révolte des Gilets Jaunes, en réponse à la taxe sur les carburants du président Emmanuel Macron, révèle l’impact social de l’action climatique – et la mesure dans laquelle ses auteurs ne tiennent pas compte des préoccupations des communautés de travailleurs qui portent le poids de la dégradation de l’environnement.225N. Haeringer, ‘Gilets Jaunes: tackling climate change means addressing inequality and building resilience’, 350+, Dezember 2018, [link], (aufgerufen am 15. Juli 2019).
Le Green New Deal pour l’Europe offre un moyen de corriger cette situation. Il met l’accent sur la question de la justice sociale, en veillant non seulement à ce qu’aucune communauté ne soit laissée pour compte dans la transition verte, mais aussi à ce que l’Union européenne (UE) prenne des mesures pour réduire drastiquement l’exploitation des ressources de la planète et notamment l’extraction ainsi que les inégalités en Europe et dans le monde.
Les politiques énoncées dans les sections précédentes engendrent d’importants progrès en matière de justice. Mais elles ne sont pas suffisantes. Après tout, la loi est rarement respectée à la lettre lors de sa mise en œuvre – et il est toujours possible qu’un programme comme les TPV aient des externalités imprévues et injustes.
C’est pourquoi le Green New Deal pour l’Europe établira une Commission de justice environnementale (CJE), un organe indépendant chargé de suivre les progrès de la transition verte, d’enquêter sur les pratiques douteuses et de conseiller les autorités européennes afin de réduire au maximum la part de l’Europe dans les injustices environnementales dans le monde.
En jouant un rôle de chef de file en matière de responsabilité internationale, la CJE prépare le terrain pour que des organismes comme les Nations Unies dirigent un Green New Deal mondial.
La CJE est structurée en réponse aux trois dimensions de la justice environnementale.
La première est la justice internationale : la dégradation du climat est un phénomène mondial, et notre réponse doit aussi être mondiale. Le Green New Deal pour l’Europe vise à construire des ponts de coopération et de coordination entre les pays – et non des murs entre eux. La CJE vise à garantir que la transition verte de l’Europe ne se transforme pas en une forme de colonialisme vert, exportant des pratiques non durables au-delà de ses frontières et dans ses chaînes d’approvisionnement.
La deuxième est la justice intersectionnelle. Le Green New Deal pour l’Europe garantit qu’aucune communauté n’est exclue de la transition verte de l’Europe, quels que soient son lieu de vie, sa race, son sexe, son âge ou ses capacités. La CJE vise à identifier et à éliminer les obstacles à leur inclusion.
La troisième est la justice intergénérationnelle. L’Europe d’aujourd’hui porte la responsabilité de son passé et de son avenir. La CJE vise à élaborer un cadre pour une réparation des actions historiques de l’Europe en matière de pollution et d’extraction des ressources dans les pays du Sud. Et il vise à mettre au point de nouveaux outils pour que les générations futures ne souffrent pas autant que possible de nos actions qui mènent à l’actuel dérèglement climatique.
En parallèle la CJE a pour but d’établir un cadre nouveau permettant des engagements multilatéraux en matière de justice environnementale. De nombreux activistes d’un Green New Deal ont combattu les injustices qui se déroulaient uniquement à l’intérieur des frontières européennes. La CJE, en revanche, examine les conséquences et corollaires de la politique européenne dans le monde entier. En jouant un rôle de chef de file en matière de responsabilité internationale, la CJE prépare le terrain pour que des organisations comme les Nations Unies proposent un Green New Deal plus global et mondial.
79 Recommendation politique: Mettre en place la Commission de Justice Environnementale (CJE) pour s’assurer du respect des principes de justice internationale, intersectorielle et intergénérationnelle dans la mise en œuvre du Green New Deal pour l’Europe.
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Conception Institutionnelle
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Principes
Dans toutes les dimensions de son travail, la CJE est guidée par le principe de justice environnementale, qui peut être défini en fonction de trois caractéristiques essentielles :
a. la Distribution
La justice environnementale exige une distribution juste et équitable des "biens" et des "maux".226A. Dobson, Justice and the Environment: Conceptions of Environmental Sustainability and Dimensions of Social Justice, Oxford: Oxford University Press, 1998.Notre système actuel génère des inégalités économiques et environnementales massives – aussi bien à l’intérieur des pays qu’entre eux. La justice environnementale consiste à s’attaquer à la racine de ces inégalités, à veiller à ce que, dans la lutte contre la crise climatique, aucune communauté ne supporte un fardeau excessif par rapport à une autre et au contraire que les bénéfices de la transition soient répartis équitablement.
b. la Reconnaissance
Cependant, la distribution équitable des biens est souvent minée par l’échec de la reconnaissance – et par les systèmes d’oppression qui les sous-tendent. La justice environnementale signifie reconnaître tous les groupes et leurs revendications – historiques, actuelles et, dans le cas des générations à venir, futures – à l’égard des terres, des ressources et des moyens de subsistance. Après tout, "la reconnaissance n’est pas seulement une courtoisie que nous devons aux gens. C’est un besoin humain vital."227C. Taylor, Multiculturalism, (Amy Gutman, ed.). Princeton: Princeton University Press, 1994.
c. la Participation
La justice environnementale ne peut pas venir d’en haut. Au contraire, la justice n’est rendue que lorsque chaque membre de la communauté a son mot à dire sur son avenir, et une telle participation n’est possible que si les institutions politiques le permettent. La démocratie est donc une composante fondamentale de la justice environnementale. Ainsi même le rapport du GIEC fait de la participation le principe directeur de l’action climatique.228IPCC Report 2018.
Ces éléments ne sont pas distincts, mais profondément entrelacés. Nous ne pourrons réaliser un Green New Deal équitable que si nous reconnaissons les droits des populations en Europe et à l’extérieur de l’Europe et si nous créons les conditions qui permettent de les revendiquer.229D. Schlosberg, ‘Three dimensions of environmental and ecological justice’, European Consortium for Political Research Annual Joint Sessions, Grenoble, S. 6-11.La CJE est guidée par le sens riche de la justice environnementale et attentive à la bonne mise en oeuvre de ses différentes composantes.
80 Recommendation politique: Veiller à ce que la CJE soit guidée par des principes de répartition équitable, de reconnaissance et de participation des populations à travers l'Europe.
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Gouvernance
La structuration de la CJE vise à incarner à la fois sa définition de la justice environnementale et l’accent qu’elle met sur la participation des citoyens comme moyen d’y parvenir. Elle comporte quatre niveaux.
a. la Présidence plurielle
La CJE est dirigée par des représentants élus de chacun des États membres de l’UE, qui ont pour mandat de présider la Commission jusqu’aux élections européennes suivantes. L’objectif est d’assurer une voix égale à tous les pays dans la gouvernance de la CJE. Le rôle de chaque président n’est pas seulement de représenter son pays à Bruxelles, mais aussi d’assurer la liaison avec les acteurs de son pays pour soutenir le travail de la Commission.
b. la Commission
Les présidentes et présidents sont responsables de la sélection des membres de la Commission. Les candidats à la Commission doivent être politiquement indépendants et représentatifs d’un large éventail de la société civile, en comprenant notamment des experts du climat, des dirigeants syndicaux et des organisateurs communautaires. La Commission sera composée non seulement d’Européens, mais aussi de membres extra-communautaires qui pourront apporter un point de vue extérieur essentiel sur les travaux de la Commission.
c. la Sous-Commission
Les travaux de la Commission sont appuyés par une Sous-Commission en charge d’exécuter les priorités de recherche de la Commission. La Sous-Commission fait donc office de "groupe de réflexion" pour la CJE, apportant une expertise internationale pour évaluer les questions soulevées par la Commission et en rendre compte.
d. les Comités de citoyens
La CJE préconise une définition de la justice environnementale qui place la participation des citoyens au cœur de ses activités. La CJE exige donc la constitution de panels de citoyens tirés au sort pour les informer de chacun de ses trois axes de travail, des priorités de formation, aux travaux de recherche en passant par la recommandation politique. Toutes les réunions des comités de citoyens sont ouvertes au public, ce qui garantit que les travaux de la Commission demeurent transparents et fondés sur l’engagement démocratique.
81 Recommandation politique: Structurer la CJE en quatre niveaux, depuis les présidents de séance élus pour représenter les États membres de l'UE jusqu'aux panels populaires qui alimentent les travaux de la CJE.
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Compétences
Les compétences de la Commission de Justice Environnementale sont à la fois vastes et limitées. Elles sont vastes en ce sens que la CJE, première institution du genre, a pour mandat d’établir un nouveau standard international en matière de recherche et de rapports sur les injustices environnementales, exigeant que la CJE sorte des chantiers battus et parvienne à faire des associations dont les autres organisations ont été incapables jusqu’à présent : par exemple, la mise en exergue du lien entre la discrimination de genres et le changement climatique.
La CJE se limite toutefois à un rôle consultatif, en assistant des institutions comme la Commission Européenne dans sa production législative ou en effectuant une saisine à des institutions comme la Cour de justice des Communautés européennes pour qu’elles statuent. En ce sens, les compétences de la CJE restent limitées.
L’avantage de ces contraintes est leur pragmatisme. Avec ce mandat limité, la Commission pour la Justice Environnementale peut être mise en place dès demain, sans qu’il soit nécessaire d’engager les longues et incertaines procédures de modifications des traités de l’UE. Étant donné l’urgence du défi auquel nous sommes confrontés, un tel pragmatisme est essentiel.
Les trois axes de travail de la Commission pour la Justice Environnementale sont les suivants :
a. la Recherche
La Sous-Commission étudie et analyse les questions relatives aux diverses dimensions de la justice telles que définies par la CJE. Ce travail est empirique, conceptuel et public. Le travail empirique porte sur la collecte de données relatives aux effets du changement climatique en Europe et sur l’impact des politiques européennes en termes de conséquences environnementales dans le monde. Les travaux conceptuels de la Sous-Commission portent sur l’élaboration de nouveaux indicateurs pour évaluer ces données.
Le volet public quant à lui porte sur la publication d’outils en libre accès qui permettent aux citoyens de suivre les effets du changement climatique dans leurs collectivités et de comparer ces conditions sur la carte établie.
Réunissant des universitaires et experts en politiques du monde entier, les activités de recherche de la Sous-Commission visent à faire de la CJE un centre de réflexion d’envergure mondiale sur la justice environnementale.
b. la Surveillance
En collaboration avec les experts de la Sous-Commission, la CJE est chargée d’évaluer la mise en œuvre de l’agenda climatique de l’Europe afin de s’assurer qu’il est conforme aux normes de justice environnementale. En d’autres termes, la CJE se comporte comme un chien de garde indépendant du New Deal vert, fournissant une assistance au niveau européen (à des institutions comme la Commission et son programme de Travaux Publics Verts) ainsi qu’au niveau des États membres, où les présidents assurent la liaison avec les autorités nationales, régionales et locales.
c. la Recommandation
Enfin, la CJE formulera des recommandations détaillées sur la façon d’aligner les cadres d’action larges avec le principe de la justice environnementale. Ces recommandations s’adresseront en grande partie à l’Union Environnementale (UEn) et au large éventail de sujets qu’elle traite. Mais le rôle consultatif de la CJE ne se limite pas aux autorités européennes. Au contraire, la CJE vise à faire avancer la cause de la justice environnementale dans le monde entier en interagissant avec des organismes multilatéraux comme la Banque mondiale, le F.M.I, l’O.I.T et d’autres pour exiger que la justice environnementale soit une composante clé des affaires internationales et des infrastructures financières.
82 Recommandation politique: Donner à la CJE les moyens d'enquêter sur les questions relatives à la justice environnementale et de proposer des recommandations aux organes législatifs, tant en Europe que dans le monde entier, pour y répondre.
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Dimensions de la Justice Environnementale
Le travail du CJE est réparti entre les trois dimensions de la justice : Internationale, Intersectionnelle et Intergénérationnelle. Les présidents supervisent le travail dans ces trois domaines, tandis que les membres de la Commission et la sous-commission qui les assiste sont répartis en fonction de leur expertise.
Voici une brève description de chaque domaine :
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Justice Internationale
La crise climatique est mondiale, mais son impact n’est pas uniformément réparti. Les pays les plus pauvres paient aujourd’hui le prix le plus élevé – tout en portant le moins de responsabilités. De nombreux petits états insulaires, par exemple, ont perdu des habitations, des moyens de subsistance et risquent de devenir entièrement inhabitables bien qu’ils contribuent pour moins d’1% aux émissions de gaz à effet de serre dans le monde.230United Nations Development Program, ‘Rising Tides, Rising Capacity: Supporting a Sustainable Future for Small Island Developing States,’ 2017, [link], (aufgerufen am 15. Juli 2019). L’injustice est manifeste.
Les objectifs de l’aile Justice internationale de la CJE sont donc triples.
I. Elle vise à évaluer la relation entre les politiques de l’UE et la destruction inégale de l’environnement, tant entre les pays européens qu’au-delà des frontières continentales.
II. Elle vise à contrôler dans quelle mesure les entités de l’UE – tant publiques que privées – perpétuent l’héritage d’injustice internationale, en proposant des recommandations sur la manière de réglementer leurs activités.
III. Elle vise, conformément à son principe de participation, à offrir une plate-forme aux communautés de première ligne – dont beaucoup sont bien au-delà de la vision des régulateurs européens – pour relayer leurs priorités et participer à l’élaboration de ces nouveaux cadres réglementaires.
La CJE élaborera et appliquera ses mesures de Justice Internationale dans plusieurs domaines clés.
a. le Commerce
Comme indiqué dans l’UEn, le commerce international demeure un puissant vecteur de dégradation de l’environnement à l’échelle mondiale avec une atteinte particulière à l’environnement des pays du Sud.231R. Baron, J. Garrett, ‘Trade and Environmental Interactions’, OECD, Juni 2017, [link], (aufgerufen am 15. Juni 2019).
La CJE évaluera les champs du commerce international qui entravent la justice environnementale et proposera de nouvelles orientations pour sa réforme, notamment :
(I) Protection des investissements : Les accords commerciaux protègent souvent les droits des investisseurs étrangers extracteurs de ressources et empêchent les gouvernements d’adopter des technologies d’énergie renouvelable. La CJE étudiera les conflits entre les objectifs climatiques et la protection des investissements et proposera une législation visant à renforcer la primauté de la durabilité souveraine sur l’investissement étranger.
(II) Directives de libéralisation : Des cadres comme l’OMC ( l’Organisation Mondiale du Commerce) exigent des pays qu’ils libéralisent leurs politiques commerciales pour avoir accès à un large gamme de biens. La CJE veut élaborer un cadre pour la hiérarchisation entre les différents types de biens, en fonction de leur impact environnemental, et préconisera des réformes de ces cadres mondiaux sur cette base.
(III) Subventions publiques : Comme dans le contentieux sur les panneaux solaires entre l’Inde et le États Unis- lorsque le gouvernement américain a contesté le droit de l’Inde de subventionner des infrastructures d’énergies renouvelables – des cadres comme l’OMC permettent à des pays de contester les subventions gouvernementales aux projets nuisibles au principe de durabilité.232WTO Dispute Settlement, ‘India — Certain Measures Relating to Solar Cells and Solar Modules’, DS456, 2018, [link], (aufgerufen am 15. Juni 2019). La CJE examinera si un contentieux similaire peut être intenté contre des subventions aux entreprises d’énergies fossiles qui maintiennent à flot les industries extractives.
(IV) Propriété intellectuelle : Des lois comme l’Accord sur les aspects de droits de propriété intellectuelle touchant au commerce (ADPIC) de l’OMC empêchent activement les pays d’adopter des technologies vertes. La CJE plaidera en faveur de leur réforme afin de faciliter le transfert de technologie et d’encourager l’innovation verte partout dans le monde.
(V) Ventes d’armes : Les conflits violents sont un catalyseur de la destruction de l’environnement. La CJE étudiera l’impact du commerce des armes et proposera un moyen pour que l’Europe ne contribue pas au dérèglement climatique par ses engagements militaires, que ce soit directement ou par procuration.
b. la Migration
Le GIEC a depuis longtemps averti que l’un des impacts fondamentaux du changement climatique est le déplacement de populations233IPCC, AR1 – Working Group II: Impacts Assessment of Climate Change, 1990., l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) indiquant qu’entre 25 millions et un milliard de personnes pourraient être obligées de se déplacer en raison du climat d’ici 2050.234International Organization on Migration, ‘A Complex Nexus’, [link], (aufgerufen am 29. Juli 2019). Les récents événements ont clairement démontré leur prescience : des villes entières détruites par des conditions climatiques extrêmes ou encore des communautés de régions entières contraintes de se relocaliser en raison de la sécheresse. Les communautés de première ligne dans les pays du Sud subissent souvent un double choc : premièrement, les conséquences de la destruction de l’environnement ; deuxièmement, le défi de pourvoir aux besoins des personnes déplacées.Pourtant, ces réfugié,es climatiques ne sont pas reconnu,es en tant que tel,les par nos institutions internationales – en violation de toutes les obligations internationales.235Joanna Apap, ‘The concept of ‘climate refugee’ – Towards a possible definition’, European Parliamentary Research Service, PE 621.893, 2019, [link], (aufgerufen am 20. Juni 2019).En 2018, l’ONU a finalement adopté son Pacte Mondial pour la Migration, qui reconnaît le rôle du changement climatique dans la migration236International Organization on Migration, ‘The Global Compact for Migration,’ von der UN-Generalversammlung im Dezember 2018 gebilligt.— mais le pacte repose sur un simple engagement volontaire et non contraignant et malgré cela, neuf États membres de l’UE se sont abstenus ou ont voté contre son adoption.237UN News, ‘General Assembly officially adopts roadmap for migrants to improve safety, ease suffering’, United Nations Department of Economic and Social Affairs, Dezember 2018, [link], (aufgerufen am 20. Juni 2019).
La CJE considérera la migration comme une composante essentielle de la justice internationale. Il créera la première base mondiale de données complète sur les migrations environnementales. Comme l’indique le portail de données sur la migration, ” la majorité des enquêtes existantes se concentrent principalement sur les liens entre la migration et l’environnement en tant que vecteur, et sont surtout de nature qualitative. De plus amples informations sont nécessaires sur les impacts de ces mouvements sur l’adaptation aux changements environnementaux et climatiques.” La CJE comblera cette lacune.
Dans le cadre de cet effort de recherche, la CJE évaluera la relation entre le rôle de l’Europe dans le changement climatique et l’augmentation des migrations involontaires, tant sur le continent européen que dans d’autres parties du monde. Les résultats de cette recherche éclaireront le cadre réglementaire de l’UEn, ainsi que les programmes existants menés par des agences comme le HCR et l’OIM.
c. Finances
L’architecture actuelle du système financier international fait obstacle à la justice environnementale, au lieu de la favoriser. L’épidémie mondiale d’évasion fiscale, par exemple, est étroitement liée à la destruction de l’environnement tant du point de vue de la cause que des conséquences : elle réduit les ressources dont disposent les gouvernements pour répondre à leurs préoccupations environnementales urgentes, et elle offre un refuge sûr aux extracteurs de ressources pour faire circuler leur argent sans conséquence.238V. Galaz et al, ‘Tax havens and global environmental degradation’, Nature Ecology & Evolution, volume 2, 2018, S. 1352–1357, [link] (aufgerufen am 5. August 2019); Tax Justice Network Africa, [link], (aufgerufen am 5. August 2019).
La CJE identifiera les principaux obstacles et proposera de nouvelles orientations pour une réforme dans des secteurs tels que :
(I) Institutions Financières Internationales (IFI) : Évaluation des contrats de dettes existants et de la façon dont leur conditionnalité – y compris les clauses relatives à la privatisation des actifs et des infrastructures, l’imposition de l’austérité et la libéralisation du secteur financier – aide ou entrave la justice environnementale.
(II) Banques privées multinationales : Étude du rôle de la financiarisation dans l’accélération de la dégradation de l’environnement et mise en exergue de nouveaux paramètres de risque pour s’assurer que les banques privées ne bafouent pas les droits des petits agriculteurs dans le monde.
(III) Justice fiscale : Établissement du lien entre la fraude fiscale et l’injustice environnementale et conseiller les institutions de l’UE sur les moyens d’y remédier.
d. Sociétés Transnationales
Le bilan environnemental néfaste des sociétés transnationales (STN) est bien documenté. Pourtant, il existe peu de mécanismes pour obliger ces sociétés à rendre des comptes, et encore moins à reconnaître et donner la parole aux communautés que leurs actions affectent.
La CJE examinera le rôle des sociétés transnationales basées en Europe dans l’aggravation de l’injustice environnementale dans le monde et soutiendra le travail des régulateurs de l’UE pour limiter leur nocivité.Il s’agit notamment d’étudier l’impact du “dumping réglementaire” – la recherche de régions à faible protection par les entreprises d’énergies fossiles cherchant à contourner leurs obligations environnementales – et de recommander une nouvelle législation qui permette aux autorités européennes de les sanctionner pour ce faire.
La CJE aidera également à conseiller les institutions de l’UE sur la viabilité du Traité des Nations Unies sur les sociétés transnationales et les droits de l’homme, et à déterminer si une législation similaire peut être introduite au niveau européen.
83 Recommandation Politique: La CJE devra étudier la dimension internationale de la justice environnementale, depuis les relations commerciales jusqu’aux règles du jeu pour les sociétés multinationales.
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Justice Intersectionelle
Le changement climatique creuse des inégalités non seulement entre les pays, mais aussi à l’intérieur de ceux-ci. Les communautés qui ont déjà été poussées aux marges de l’économie sont souvent les premières victimes des crises climatiques et environnementales. Elles sont le plus durement touchés par la pollution atmosphérique, l’érosion des sols et les conditions climatiques extrêmes, mais elles ont le moins de ressources pour se protéger contre ces phénomènes.240R.A. Tsosie, ‘Indigenous People and Environmental Justice: The Impact of Climate Change’, University of Colorado Law Review, Vol. 78, S. 1625, 2007, [link], (aufgerufen am 15. Juli 2019). Comme le note la directive européenne IPPC "les personnes socialement, économiquement, culturellement, politiquement, institutionnellement ou autrement marginalisées sont particulièrement vulnérables aux changements climatiques et à certaines mesures d’adaptation et d’atténuation prises en réponse".241R.K. Pachauri and L.A. Meyer (eds.), ‘Climate Change 2014: Synthesis Report. Contribution of Working Groups I, II and III to the Fifth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change’, IPCC, Schweiz, 2014, S. 151, aufrufbar unter https://www.ipcc.ch/report/ar5/syr/, (aufgerufen am 6. August 2019).
Les individus qui sont socialement, économiquement, culturellement, politiquement, institutionnellement ou autrement marginalisés sont particulièrement vulnérables au changement climatique ainsi que face à certaines mesures d'adaptation et d'atténuation.
Le Green New Deal pour l’Europe vise à réparer plutôt qu’à approfondir ces injustices. Ses investissements sont un moyen de créer une Europe plus égalitaire, où tous les citoyens jouiront d’une vie décente et participeront à la vie de leur communauté – quels que soient leur âge, leurs capacités, leur appartenance ethnique, leur sexe ou leur situation géographique.
La CJE est chargée d’évaluer la justice intersectionnelle dans le contexte du changement climatique, de créer un nouvel espace permettant aux communautés de première ligne d’exprimer leurs préoccupations et leurs demandes et de conseiller les autorités européennes sur la meilleure façon d’y répondre.
Les travaux de la CJE seront axés sur plusieurs domaines clés de l’injustice intersectionnelle.
a. la Santé
L’impact de la crise environnementale sur notre santé est à la fois direct et indirect: La destruction de l’environnement affecte directement notre santé lorsqu’elle contamine notre eau, notre air, notre nourriture.242A. McMichael et al., ‘Global environmental change and health’, BMJ, 336(7637), S. 191–194, 2008, [link], (aufgerufen am 15. Juli 2019). Les dernières années ont donné lieu à de nombreux cas où les entreprises polluent, cherchant à faire des économies et, sans se soucier de leur environnement, dévastent les communautés dans ce processus.243C. Nellemann et al. (eds.), ‘The rise of environmental crime: A growing threat to natural resources peace, development and security’, UN Environment and Interpol, 2018, [link], (aufgerufen am 5. August 2019). Ces impacts ont tendance à se concentrer dans les zones à faibles revenus à la visibilité moindre et dans les groupes vulnérables ayant moins de temps pour exprimer leurs préoccupations.244J. Amon, K. Rall, ‘COP21: The Impact of Climate Change on the World’s Marginalized Populations,’ Human Rights Watch, 27. Oktober 2015, [link], (aufgerufen am 4. August 2019).
Il y a aussi un impact indirect: les changements climatiques allongent la saison de transmission et augmentent le risque de maladies et augmentent les températures ce qui nuit au rendement des cultures et à la qualité nutritive, et déstabilisent les lieux d’habitation en provoquant des déplacements non volontaires.245
‘Climate Change Impacts Human Health’, United Nations Climate Change, 12. April 2017, [link], (aufgerufen am 7. August 2019). Ces impacts sont, eux aussi, inégaux.
Corriger ces inégalités en matière de santé est un des objectifs de la CJE. Elle adoptera une vision holistique de la relation entre la santé et le climat, en recherchant, par exemple, le lien entre inégalités sociales, destruction de l’environnement et accès à une alimentation décente et saine, ce qui pourra ensuite guider les investissements agricoles des TPV.
Grâce à ce travail de fond sur la santé, la composante Justice intersectionnelle de la CJE proposera des orientations correctives aux politiques existantes de l’UE afin de réduire les inégalités en matière de santé et d’améliorer l’offre de soins dans le contexte du changement climatique.
b. l’Emploi
La garantie d’un emploi décent est au cœur du Green New Deal : c’est la promesse de s’attaquer réellement aux crises de longue date du chômage et du sous-emploi dans certaines régions du continent qui ont longtemps été négligées par les politiques économiques et sociales de l’UE.246
V. Escudero et al., ‘An Employment-oriented Investment Strategy for Europe’, International Labour Organization, 2015, [link], (aufgerufen am 15. Juli 2019).
Mais l’introduction d’une garantie d’emploi ne résoudra pas ces inégalités du jour au lendemain : le continent est traversé par beaucoup trop d’inégalités en matière d’administration, de capacité et d’accès.
Le rôle de la CJE est de travailler à l’intérieur et à l’extérieur du cadre du Green New Deal afin de corriger les inégalités en matière d’emploi. Il vise à identifier les obstacles à l’emploi décent dans les régions marginalisées d’Europe, à suivre la mise en œuvre du programme des TPV en veillant à ce que celui-ci traite l’égalité en matière d’emploi. La CJE vise également à adresser des recommandations aux régulateurs de l’UE afin de rééquilibrer l’économie européenne dans son ensemble.
c. l’Éducation
L’éducation est un obstacle à l’entrée dans l’économie verte et aux nouvelles possibilités qu’elle offre dans des domaines comme la recherche et le développement. Sans investissements importants pour harmoniser la qualité de l’éducation à travers le continent, les investissements du programme TPV pourraient consolider, plutôt que réduire, les inégalités économiques en Europe.
La justice intersectionnelle dans le Green New Deal pour l’Europe implique que les communautés qui ont été historiquement exclues de la croissance économique puissent avoir de nouvelles opportunités pour participer d’une manière inclusive à la transition verte.
La CJE apportera son soutien aux autorités de l’UE pour la mise en œuvre d’une économie verte plus égalitaire et plus équilibrée régionalement en identifiant les obstacles à l’offre d’éducation (verte) en Europe et en faisant des recommandations aux européens et aux États membres. pour l’améliorer.
d. la Mobilité
Un des mécanismes-clés reliant la crise environnementale et la crise économique est la mobilité. La dégradation des infrastructures – et le refus d’y réinvestir – a privé certaines communautés de leur capacité à prendre part à une économie émergente puisque distribuée de manière inégalitaire dans l’espace.
Le Green New Deal pour l’Europe est conçu précisément pour remédier à cette inégalité de longue date.
La CJE a deux rôles à jouer pour assurer la justice intersectionnelle en matière de mobilité. La première consiste à surveiller les investissements des TPV afin de maximiser l’inclusion, indépendamment de la géographie, de la capacité ou de l’identité. L’autre est d’évaluer les réglementations environnementales qui peuvent avoir pour conséquence involontaire d’entraver la mobilité des groupes d’individus marginalisés.
84 Recommandation Politique: La CJE devra se pencher sur les inégalités transversales causées par la crise environnementale et son impact variable sur les populations en Europe.
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Justice Intergénérationelle
Les conséquences des changements environnementaux sont durables, créant des inégalités qui peuvent se transmettre de générations en générations. Une seule sécheresse peut, par exemple, déplacer les communautés d’une région entière, empêchant ses habitants d’accéder à l’enseignement primaire pour leurs enfants et ayant à son tour un impact profond sur le patrimoine socio-économique de leurs propres enfants.
La CJE vise à remédier à ces conséquences – dans les deux sens.
En regardant vers le passé, la justice intergénérationnelle signifie affronter les crimes de pillage colonial et d’extraction des ressources qui ont privé des populations actuelles, tout autour du monde, d’un environnement sain.
Et vers l’avenir, la justice intergénérationnelle, c’est s’assurer que les générations à venir ne souffrent pas à cause de notre consommation actuelle. Nous devons laisser une planète saine pour qu’ils puissent en profiter.
Comme l’a dit María Espinosa, présidente de l’Assemblée générale des Nations Unies, “la justice climatique est une justice intergénérationnelle”.247United Nations, ‘Only 11years left to prevent irreversible damage from climate change, speakers warn during general assembly high-level meeting’, März 2019.La CJE a pour mission de conduire l’Europe à la mettre en œuvre.
L'Europe n'a pas développé les colonies. Les colonies ont développé l'Europe.
a. Réparer le passé
L’Europe porte l’immense responsabilité d’avoir privé des communautés du monde entier de leur patrimoine naturel et des richesses de leurs ressources.C’est particulièrement vrai dans les pays du Sud, où l’expansion coloniale par la dépossession était souvent considérée comme un sport d’État. Ces systèmes d’extraction coloniale étaient essentiels au développement de l’Europe telle que nous la connaissons et au niveau de vie élevé dont elle continue de jouir. Comme l’a noté Jason Hickel, "l’Europe n’a pas développé les colonies. Les colonies ont développé l’Europe".248J. Hickel, ‘Enough of aid — let’s talk reparations’, The Guardian, 27. November 2015, [link], (aufgerufen am 15. Juli 2019).
L’UE a déjà créé des outils pour compenser les "droits des victimes".249Directive 2012/29/EU des Europäischen Parlaments und des Rats vom 25. Oktober 2012 zur Festlegung von Mindestnormen für die Rechte, die Unterstützung und den Schutz der Opfer von Verbrechen und zur Ersetzung des Rahmenbeschlusses des Rates 2001/220/JHA. Mais ceux-ci omettent largement les références au rôle de l’Europe dans l’extraction des ressources et la dépossession des terres.
Figure 9
Inégalité mondiale de 1960 à 2017
L'écart de revenu moyen entre le Nord mondial et ses anciennes colonies s'est amplifié.
Key
Quelle: Weltbank, Jason Hickel
La CJE vise à combler cette lacune en menant des recherches sur cet héritage historique et en formulant des recommandations sur la façon de le réparer. L’objectif est d’aller au-delà des engagements symboliques d’une "action anticoloniale" pour envisager des contributions concrètes et significatives à la réparation du passé sous la forme de financement des infrastructures, de transferts de technologie et de ressources pour les communautés déplacées.
Les réparations climatiques feront l’objet d’une attention particulière. Malgré le lien entre le développement du Nord et le désordre du Sud, peu d’organisations internationales ont sérieusement envisagé des mesures pour réparer ces dommages et restaurer un sens de justice environnementale. La CJE sera chargée d’élaborer une proposition visant à ce que l’UE rende compte de ses longs siècles de domination coloniale et verse des réparations aux communautés touchées.
b. Préparer l’avenir
Les générations futures souffriront du mépris de leurs parents pour l’environnement dont ils hériteront.250United Nations Climate Change, ‘UN Climate Change Annual Report 2017’, United Nations Framework Convention on Climate Change, 2017, [link], (aufgerufen am 20. Juli 2019).Cette injustice est en partie le résultat d’un manque de reconnaissance légale des droits des générations à venir. Les jeunes du monde entier commencent à se lever pour défier les "adultes dans la salle", mais les législateurs européens ne savent pas très bien comment consacrer au mieux leur droit à un monde habitable.
Le rôle de la CJE est de reconnaître ce droit et de fournir aux institutions européennes les outils nécessaires pour le protéger. En particulier, la CJE évaluera les politiques économiques et environnementales de l’Europe et leur impact potentiel sur les générations futures.
La CJE envisage une protection juridique explicite pour les générations futures, qui leur donne le droit de faire valoir leurs droits sur la politique environnementale existante. De plus, elle proposera des changements au taux d’actualisation utilisé pour éclairer les décisions d’investissement, en le tendant vers la discrimination zéro à l’égard des générations futures
.
85 Recommandation Politique: La CJE devra accorder une attention particulière au défi de la justice intergénérationnelle - à la fois en s'attaquant aux injustices du passé et en promouvant des outils pour faire en sorte que les générations futures héritent d'un monde habitable.
Crédits
Coalition
Rédacteurs en chef
David Adler
Coordonnateur de campagne “Le Green New Deal pour l’Europe”
Coordonnateur des politiques, Mouvement pour la démocratie en Europe 2025
@davidrkadler
Pawel Wargan
coordonnateur de la campagne “Le Green New Deal pour l’Europe”
@pawelwargan
Sona Prakash
Conseillère politique “Le Green New Deal pour l’Europe”
Contributeurs
Teresa Anderson
Coordinatrice de la politique climatique, ActionAid International
@1TeresaAnderson
Stefania Barca
Chercheure principale, Centre d’études sociales, Université de Coïmbre
Grace Blakeley
Chercheure boursière, Institut de recherche en politiques publiques
@GraceBlakeley
Friedrich Bohn
Centre Helmholtz pour la Recherche environnementale, UFZ
@BohnFriedrich
Sam Bright
Avocat, ClientEarth
@TheBrightSam
Ekaterina Chertkovskaya
Maître de conférences en études des systèmes environnementaux et énergétiques, Université de Lund, Suède
Giacomo D’Alisa
Chercheur postdoctoral, Centre d’études sociales, Université de Coïmbre
Nick Dearden
Directeur, Global Justice Now
@nickdearden75
Nicoletta Dentico
Vice-présidente, Fondazione Finanza Etica
@NDentico
Laura C. Zanetti-Domingues
Earth Strike
Dirk Ehnts
Université technique de Chemnitz
@DEhnts
Skender Fani
Institut de Théorie Monétaire Moderne
Michele Fiorillo
Mouvement pour la démocratie en Europe 2025 (DiEM25)
Julia Fish
Coordinatrice, Fund our Future
@Julia_fish
Meera Ghani
Coordinatrice de la politique, Ecolise
@MeeraGhani
Charlotte Hanson
ClientEarth Energy Programme
Tom Henfrey
Coordinateur de la connaissance, de l’apprentissage et de la recherche, Ecolise
Jason Hickel
Anthropologue, Auteur et Membre agréé de la "Royal Society of Arts"
@jasonhickel
Nick Jacobs
Directeur, Groupe international d’experts sur les systèmes alimentaires durables (IPES-Food)
@NickJacobs11
Selma James
Global Women’s Strike
Giorgos Kallis
Professeur ICREA, Institut de science et de technologie de l’environnement, Université Autonome de Barcelone (UAB)
@g_kallis
Tessa Khan
Co-Direktorin, Climate Litigation Network
@tessakhan
Mat Lawrence
Direktor, Common Wealth
@DantonsHead
Laurie Laybourn-Langton
Associate Fellow, Institute for Public Policy Research
@Laurie_L_L
Emanuele Leonardi
Researcher, Zentrum für Sozialstudien, Universität Coimbra
Ruth London
Fuel Poverty Action
Nina López
Global Women’s Strike
Riccardo Mastini
Doktorand, Institut für Umweltwissenschaften und -technologie, Autonome Universität Barcelona
@r_mastini
Ewan McGaughey
Dozent für Recht, King’s College London
Bill McKibben
Mitbegründer und Senior Advisor, 350.org
@billmckibben
Brice Montagne
The Democracy in Europe Movement 2025
Jan Tobias Muehlberg
Extinction Rebellion
Julian Brave NoiseCat
Direktor Strategie für den Green New Deal, Data for Progress
@jnoisecat
Ann Pettifor
Direktorin, Policy Research in Macroeconomics (PRIME)
David Powell
Leiter Umwelt & Green Transition, New Economics Foundation
@powellds
Mark Robinson
Biofuelwatch
Jérémy Rodrigues
Koordinator, Pacte Finance Climat
Jakob Schäfer
Risk Engineer, Basler Versicherungen
Leen Schelfhout
Extinction Rebellion
Christoph Schneider
Ko-Koordinatorin für technologische Souveränität, Democracy in Europe Movement 2025
@christoph_schn
Giovanna Sissa
Researcher für Umwelt und ICT-Nachhaltigkeit, Universität Genua
Isaac Stanley
Researcher, Inklusive Innovation, Nesta
@isaacmstanley
Will Stronge
Ko-Direktor, Autonomy
@w_stronge
Oscar Svensson
Doktorand, Umwelt- und Energiesystemstudien, Universität Lund
Sean Sweeney
Direktor, Internationales Programm für Arbeit, Klima und Umwelt, School of Labor and Urban Studies, City University of New York
Valentin Vogl
Doktorand, Umwelt- und Energiesystemstudien, Universität Lund
Design
Bernhard Lenger
Creative Director, Studio Bernhard Lenger
Chairman, Foundation We Are
@bernhardlenger
Daniel Shannon
Graphikdesigner
@daniel_shannon
Remerciements spéciaux
Nous remercions également Janine O’Keefe de Fridays for Future pour ses commentaires sur le rapport, Frederik Roland de Den Grønne Studenterbevægelse pour son soutien et ses commentaires, ainsi que Gregor Hagedorn pour son temps à lire le rapport et ses précieux conseils.
Clause de non-responsabilité : Ce rapport se fonde sur les apports d’un grand nombre de contributeurs. Tous n’ont pas lu le rapport dans son intégralité et tous ne sont pas d’accord avec l’intégralité de son contenu. Ils partagent l’engagement commun de travailler ensemble pour développer des solutions aux crises que subit l’Europe aujourd’hui. Une contribution à l’une des parties du rapport ne doit donc pas être interprétée comme une approbation de l’ensemble, ni comme un reflet définitif de la position politique officielle de l’une des organisations énumérées en fin de rapport.
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Annexe 1: Géo-ingénierie
Le génie climatique ou les technologies d'"émissions négatives" impliquent l'élimination du CO2 de l'atmosphère (CDR ou GGR) ou la déviation de la lumière du soleil avant qu'elle n'atteigne la surface de la terre (SRM).
Proposées à l'origine comme des mesures palliatives pour couvrir une période intermédiaire où l'impact des réductions d'émissions réelles pourrait être insuffisant, elles ont - en l'absence de ces dernières - pris de plus en plus de place dans le discours du GIEC en tant que moyens d'atténuation ou comme stratégie à long terme.
Il s'agit là d'une évolution alarmante. Le rapport d'évaluation 2007 du GIEC faisait référence à des techniques d'atténuation impliquant des interventions humaines pour réduire les émissions réelles de GES par le biais de technologies vertes, de l'efficacité énergétique, d'une meilleure gestion des terres et d'autres moyens.251K.J. Wetter and T. Zundel (eds.), ‘Le grand méchant remède : les arguments contre la géo-ingénierie climatique" ETC Group, novembre 2017, https://www.etcgroup.org/content/big-bad-fix (consulté le 4 août 2019).
Aujourd'hui, comme le rapporte Science en 2016, "presque tous les scénarios envisagés par le GIEC, avec une probabilité de ne pas dépasser 2 degrés Celsius, supposent que le déploiement à grande échelle de technologies à "émissions négatives" est techniquement et économiquement viable ... Si nous nous appuyons sur des technologies à émissions négatives et qu'elles ne sont pas déployées ou ne réussissent pas à éliminer le CO2 de l'atmosphère aux niveaux supposés, la société sera enfermée dans une trajectoire de haute température".252K. Anderson and G. Peters, Le problème des émissions négatives" Science, Vol. 354, Issue 630, 14 octobre 2016, p. 182-183. https://science.sciencemag.org/content/354/6309/182 (consulté le 4 août 2019).
Cette annexe présente les principales options de géo-ingénierie disponibles et explique pourquoi elles ne constituent pas à elles seules une solution appropriée aux crises climatique et environnementale. Toutefois, certaines de ces solutions, combinées aux politiques exposées dans le document, peuvent s'avérer nécessaires pour garantir que le réchauffement de la planète soit limité à des niveaux durables.
1 Options d’élimination du CO2 ou des Gazs à Effet de Serre
Captage et stockage du carbone (ou séquestration) (CSC)
Le CSC consiste à capter le CO2 émis par les processus industriels (par la production d'acier et de ciment, de produits chimiques et de raffinage, et combustion de combustibles fossiles) pour produire de l'électricité. Il est suivi par la compression/liquéfaction, le transport par pipeline et l'injection à haute pression dans des champs de pétrole et de gaz presque épuisés, des aquifères salins ou des fonds marins. Utilisé principalement en combinaison avec la récupération assistée du pétrole (RAH), le CSC est donc intéressant pour l'industrie des combustibles fossiles.
Cette technologie est coûteuse et exigeante. Les risques pour l’environnement253W. Schakel, "Comprendre les compromis environnementaux du captage, de l'utilisation et du stockage du carbone", 2017, https://www.publicatie-online.nl/files/4015/0892/8662/15014_-_Schakel_BNW_ONL.pdf (consulté le 6 août 2019).comprennent l'épuisement de l'eau, la toxicité et l'eutrophisation. Sa relation symbiotique avec la RAP la rend discutable en tant que réponse sérieuse au changement climatique. On a signalé des fuites du fluide injecté dans les plans d'eau254P. LaFleur, "Étude géochimique des gaz du sol, Étude du site SW30-5-13-W2M," Weyburn Field, Saskatchewan, Projet de surveillance numéro 2, 16 mars 2011, (consulté le 6 août 2019). http://www.gasoilgeochem.com/reportcameron%20jane%20kerrfebruary2011survey.pdf, ce qui mine tout gain de séquestration et soulève des préoccupations quant à la contamination de l'eau. Les rapports faisant état de dommages aux formations rocheuses et de l'activation de zones de fracture géologique255A.L. Stork, J.P. Verdon and J.M. Kendall, ‘La réponse microsismique sur le site de In Salah Carbon Capture and Storage (CCS) International Journal of Greenhouse Gas Control l, 2015. augmentent le caractère douteux de cette technique.
Captage et stockage du carbone à des fins bioénergétiques (CSCBE ou BECCS en anglais)
Le CSCBE implique le captage et le stockage du CO2 émis par l'utilisation de la bioénergie. Il a pris une place centrale ces dernières années en tant que technologie clé pour les émissions négatives et fait partie intégrante des voies d'atténuation du GIEC. Pratiquement tous les modèles de changement climatique projetant un avenir conforme à l'accord de Paris assument un rôle clé pour le CSCBE.
L'argument des "émissions négatives" repose sur le sophisme selon lequel la bioénergie est en premier lieu neutre en carbone, alors que les analyses du cycle de vie (ACV) concluent le contraire, en montrant que de nombreux processus bioénergétiques entraînent encore plus d'émissions de GES que les combustibles fossiles qu'ils remplacent.256Une compilation de la littérature revue par les pairs est disponible ici : Biofuel Watch, 'Resources on Biomass', 2019, http://www.biofuelwatch.org.uk/biomassresources/resources-on-biomass/ (consulté le 4 août 2019).
Une vaste quantité de terres sera nécessaire pour produire les cultures nécessaires aux biocarburants - plus de 40 % de toutes les terres arables, ce qui risque d'exacerber l'accaparement des terres et le conflit avec les cultures vivrières et la souveraineté alimentaire257AFP, "Gestion de crise : Sept façons de concevoir le climat ", phys.org, 8 octobre 2018, https://phys.org/news/2018-10-crisis-ways-climate.html (consulté le 6 août 2019).qui a déjà et invariablement suivi la culture à grande échelle de matières premières pour biocarburants.
En outre, le déploiement du CSCBE pourrait entraîner une réduction allant jusqu'à 10 % de la couverture forestière et de la biodiversité mondiales.258D. Dunne, "La géo-ingénierie comporte de 'grands risques' pour le monde naturel, comme le montrent les études", Carbon Brief, 22 janvier 2018, (consulté le 6 août 2019). https://www.carbonbrief.org/geoengineering-carries-large-risks-for-natural-world-studies-showUne étude récente de l'Institut de Potsdam pour la recherche sur l'impact climatique montre qu'il comporte des risques élevés de transgression des limites planétaires pour l'utilisation de l'eau douce, le changement des systèmes terrestres, l'intégrité de la biosphère et les flux biogéochimiques.259V. Heck et al, " Les émissions négatives basées sur la biomasse sont difficiles à concilier avec les frontières planétaires", Nature Climate Change 8, 2018, pp. 151-155, https://www.nature.com/articles/s41558-017-0064-y (consulté le 6 août 2019). Dans des limites sûres, le CSCBE peut compenser moins de 1 % des émissions mondiales actuelles des GES.
De plus, le CSCBE partage tous les inconvénients de la phase d'injection et de stockage du CSC.
Capture et utilisation (et stockage) du carbone (CCU ou CCUS)
Le CO2 est extrait comme dans le CSC, mais est ensuite injecté dans les algues pour produire du biodiesel (le gaz est à nouveau libéré) ou réagit avec les minéraux calcifiés (carbonatation minérale).
En plus de partager les inconvénients de la phase de captage du CSC, les analyses du cycle de vie indiquent que la CCU implique un bilan énergétique douteux et la possibilité d'une augmentation nette des émissions de GES.
Boisement massif
Les forêts ont de multiples valeurs en tant que source de capital naturel : en plus d'absorber le carbone, elles régulent les niveaux des sols , de l'eau et des nutriments. Elles protègent la biodiversité, améliorent la résilience et la capacité d'adaptation, et contribuent à la lutte contre la désertification et l'érosion.
Le boisement est promu par les gouvernements et le secteur privé comme une technique sûre et rentable de séquestration du carbone. Cependant, il y a de nombreux revers à ce type de boisement massif.260G. Popkin, "Dans quelle mesure les forêts peuvent-elles lutter contre le changement climatique", Nature, 15 janvier 2019, https://www.nature.com/articles/d41586-019-00122-z (consulté le 5 août 2019).Les forêts plantées n'offrent pas les avantages des forêts naturelles. L'accent mis sur la fonction de puits de carbone des arbres conduit à la plantation de vastes monocultures d'espèces à croissance rapide, persistantes et souvent non indigènes comme le palmier, le pin ou l'eucalyptus, qui exigent beaucoup d'eau, impliquent souvent une utilisation intensive de pesticides et d'engrais et peuvent conduire à des "déserts verts" et des sols dégradés.261K.J. Wetter and T. Zundel (eds.)
Les espèces envahissantes peuvent se propager dans d'autres zones où les espèces indigènes ne peuvent pas rivaliser. En outre, la capacité de séquestration du carbone par les arbres est souvent imprévisible, car elle dépend fortement du changement climatique et des conditions météorologiques, ainsi que des effets associés tels que les infestations de ravageurs, la sécheresse et les tempêtes. Et surtout, les forêts ne sont pas permanentes : leur disparition potentielle dans le futur, qu'elle soit due à des causes naturelles ou humaines, risque de libérer de grandes quantités de CO2 dans l'air.
Ses partisans affirment que les plantations d'arbres peuvent faire bon usage des "terres marginales", mais ces dernières constituent une source vitale de revenus pour les communautés pauvres,262Le bétail dans les terres cultivées, L'élevage et l'environnement - relever le défi, Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, Agence des États-Unis pour le développement international et Banque mondiale, 1999, http://www.fao.org/3/x5304e/x5304e04.htm (consulté le 5 août 2019). qui les utilisent pour l'agriculture de subsistance, le pâturage du bétail et bien d'autres usages. La quête de matières premières pour les biocarburants a déjà entraîné des transgressions sur les terres marginales.263L. Cotula, N. Dyer and S. Vermeulen, ‘Exclusion de l'alimentation ? Le boom des biocarburants et l'accès des pauvres à la terre" , FAO and IIED, 2008.L'expansion des plantations de monocultures a été associée à une augmentation des taux de pauvreté264K. Andersson, D. Lawrence, J. Zavaleta, M.R. Guariguata, Environmental Management, Issue 57, 2016, pp. 123-136. Plus d'arbres, plus de pauvreté ? Les effets socio-économiques des plantations d'arbres au Chili. 2001–2011et au déplacement des communautés indigènes et autres dans le Sud global.
Les avantages que peuvent procurer la protection actuelle des forêts existantes ne doivent pas être surestimés. Cela devrait être une priorité essentielle de toutes les politiques environnementales. Le boisement massif ne peut pas se substituer à une réduction significative des émissions de gaz à effet de serre. Toutefois, avec la participation des communautés locales, des écologistes forestiers et des écologistes de la conservation, des programmes de reboisement et de reconstruction bien planifiés peuvent limiter le réchauffement climatique en éliminant le CO2 de l'atmosphère, tout en inversant la perte de biodiversité.
Captage direct de l'air (DAC))
Des expériences ont montré qu'il est possible d'aspirer directement le dioxyde de carbone de l'air, de le convertir en pastilles de combustible ou de le stocker sous terre.265AFP.Comme pour le CSC, l'industrie des énergies fossiles est attirée par le CAD parce que le CO2 capturé peut être utilisé pour la RAP.
À l'heure actuelle, la technologie est d'un coût prohibitif et n'est pas viable sur le plan commercial. Elle est également gourmande en énergie et certains ont donc proposé qu'elle soit alimentée par l'énergie nucléaire.
Fécondation des océans (OF)
Le phytoplancton consomme du CO2 et le traîne au fond de l'océan lorsqu'il meurt. L'OF consiste à ensemencer l'océan de limaille de fer ou d'autres sources de fer pour stimuler la croissance du phytoplancton et ainsi améliorer la séquestration du carbone. Des expériences ont montré que cela crée de grandes efflorescences.
Cependant, les scientifiques s'inquiètent des impacts involontaires. La mort du plancton, par exemple, consomme de l'oxygène, ce qui pourrait créer des "zones mortes" massives dans les océans, ce qui est déjà en augmentation.266AFP.Un excès de fer ou d'urée peut provoquer des déséquilibres minéraux et nutritifs dans un environnement océanique déjà stressé et acide.267K.J. Wetter and T. Zundel (eds.).
Erosion assistée (EA) : Meilleure résistance aux intempéries (EW)
L'altération naturelle des roches - un processus chimique - élimine environ un milliard de tonnes de CO2 de l'atmosphère chaque année, soit environ deux pour cent des émissions totales de CO2 d'origine humaine.268AFP.
L'EA désigne une accélération technologique du processus par la diffusion d'olivine (silicate de fer et de magnésium) sur les plages (où l'action des vagues la disperse dans la mer) ou sur la terre. L'idée est de séquestrer du carbone supplémentaire dans le dépôt rocheux nouvellement formé sous forme de carbonate de magnésium.
Mais les niveaux d'absorption du carbone sont relativement inconnus, tout comme les effets du dumping à grande échelle sur les écosystèmes. Les opérations minières massives nécessaires pour extraire suffisamment d'olivine (peut-être des milliers de fois plus que l'échelle actuelle) sont susceptibles d'être coûteuses et d'avoir des effets néfastes sur les écosystèmes et les populations locales.269Amélioration des conditions météorologiques - Fiche d'information technologique Moniteur de géoingénierie, 9 mai 2018 , http://www.geoengineeringmonitor.org/2018/05/enhanced-weathering-factsheet/ (consulté le 6 août 2019).
La variante marine de l'EA consiste à ajouter du carbonate chimique à l'océan pour augmenter l'alcalinité et donc l'absorption de carbone. Les taux de dissolution de ces minéraux et les coûts d'obtention d'une quantité suffisante soulèvent des préoccupations majeures, tout comme l'augmentation de l'activité minière impliquée et l'impact sur les écosystèmes marins.
Biochar
Une méthode de conversion de la biomasse en charbon de bois et de mélange de cette biomasse dans le sol pour stocker le carbone brûlé. Mais des essais sur le terrain ont montré que les sols traités au biochar étaient moins efficaces pour séquestrer le carbone que les sols non traités : le carbone ajouté stimule les microbes à libérer plus de CO2. Les allégations selon lesquelles l'ajout de biochar améliore la productivité agricole n'ont pas été démontrées de façon constante.
2 Options de géo-ingénierie solaire ou de gestion du rayonnement solaire (MRS)
Toutes les options impliquent la modification de l'équilibre radiatif de la planète - susceptible de modifier le cycle hydrologique et les régimes climatiques, de menacer potentiellement l'accès de millions de personnes à la nourriture et à l'eau et de perturber l'équilibre écologique de la planète de manière imprévisible. Parmi les autres dangers potentiels importants, mentionnons le choc de la terminaison, l'immobilisation de la technologie et les changements importants dans les régimes météorologiques.
Injection d'aérosol stratosphérique (SAI)
La technologie dominante de MRS, la SAI, consiste à injecter ou à pulvériser de minuscules particules d'aérosols (sulfates) réfléchissantes dans la stratosphère - possible avec des ballons, des avions ou des tubes géants - afin de réfléchir la lumière solaire dans l'espace. Les dangers potentiels (en plus de ceux qui sont communs aux MRS) comprennent l'appauvrissement de la couche d'ozone.
Modification des nuages : Éclaircir, diluer, augmenter la couverture
Les scientifiques ont trouvé des moyens de modifier les nuages pour dévier ou absorber la lumière du soleil. Une façon d'y parvenir est d'éclaircir les nuages marins blancs et bouillonnants en augmentant le nombre de noyaux de condensation des nuages par projection de sel ou d'eau de mer salée dans les nuages. Un autre est d'éclaircir les cirrus, qui absorbent plus de lumière du soleil qu'ils n'en réfléchissent. Mais les conséquences sont imprévisibles et peuvent produire des sécheresses ou des inondations, voire l'effet inverse (chauffage).
Modification de l'albédo de surface
Les propositions comprennent des cultures génétiquement modifiées avec des feuilles réfléchissantes et le "blanchissement" de la surface de la terre en recouvrant les déserts de feuilles de polyéthylène blanc, en peignant les toits, les trottoirs et les sommets des montagnes en blanc, en couvrant la glace arctique avec une fine couche et en défrichant les forêts boréales pour augmenter la réflectivité. Tous comportent des risques importants pour l'environnement et la biodiversité.
Parasols spatiaux
Il s'agit du lancement de billions de petits vaisseaux spatiaux au-dessus de la planète pour créer un nuage artificiel. Pourrait en théorie détourner 10% de la lumière du soleil vers l'espace. La technologie utilisée est intimidante.
Miroirs spatiaux
Des miroirs spatiaux placés exactement au bon endroit pourraient réfléchir 1 à 2 % de la lumière du soleil dans l'espace. Mais les modèles informatiques suggèrent des résultats mitigés270Rachel Kaufman, "Les miroirs de l'espace pourraient-ils arrêter le réchauffement climatique ? InnovationNewsDaily et LiveScience, 8 août 2012, https://www.livescience.com/22202-space-mirrorsglobal-warming.html (consulté le 18 juin 2019)., la technologie est d'un coût prohibitif et, jusqu'à présent, également impossible.
3 Inconvénients
Chacune de ces options présente des problèmes spécifiques, mais toutes ont en commun les inconvénients et les implications suivants :271K.J. Wetter and T. Zundel.
- Il s'agit dans tous les cas d'approches en bout de chaîne visant à réduire les niveaux de GES dans l'atmosphère sans réduire les émissions de GES. Leurs promoteurs affirment qu'ils n'excluent pas une action urgente pour le climat. En réalité, ils créent un faux sentiment de sécurité, offrant une échappatoire commode aux négationnistes et aux gouvernements qui cherchent à éviter les coûts politiques de la réduction réelle des émissions. L'intensification de la recherche et du développement en géo-ingénierie détourne les ressources et le financement des solutions réelles. Il retarde la transition vers une économie sans carbone et sert à justifier l'assouplissement des restrictions imposées aux industries très polluantes. L'enracinement d'autres industries polluantes, combiné aux nouvelles technologies, pourrait nous enfermer de façon permanente dans un monde géo-ingénié où les émissions de gaz à effet de serre se maintiendraient. Cette tentative irréaliste de "gagner du temps" a été décrite comme une injustice intergénérationnelle272K.J. Wetter and T. Zundel. car les générations futures devront en subir les conséquences, captives de la géo-ingénierie et victimes d'un climat encore plus rude.
- Chacune de ces techniques devrait être déployée à grande échelle pour avoir un impact sur le climat mondial. D'autres impacts involontaires pourraient également être massifs et transcendent nécessairement les frontières nationales.
- La géo-ingénierie joue avec des systèmes dynamiques non linéaires complexes et mal compris. Il existe d'innombrables risques et incertitudes dus à des connaissances et des données incomplètes, à des défaillances mécaniques, à des erreurs humaines, à des changements de circonstances politiques et financières et à l'augmentation de phénomènes naturels imprévisibles (activité volcanique, tremblements de terre, tsunamis, etc.).
- Toutes les options d'ingénierie climatique ont de nombreux impacts négatifs potentiels sur l'environnement, allant de l'appauvrissement de la biodiversité, des sols et de l'eau à la perturbation de l'équilibre écologique de la planète entière en bloquant la lumière solaire.
- En raison de l'échelle requise et de la nature des technologies de géo-ingénierie, leur application et leurs impacts sur les écosystèmes et les populations sont susceptibles d'être irréversibles.
- Les pays puissants et les entreprises les plus responsables des émissions de GES actuelles et passées sont les principaux investisseurs dans la géo-ingénierie et la propriété intellectuelle connexe. Bien que ces puissances dominent la politique climatique internationale, la majorité des impacts de la géo-ingénierie se feront sentir dans le Sud global. Lorsque les créateurs du problème gèrent la solution, les intérêts des moins puissants risquent d'être ignorés.
- Les géo-ingénieurs demandent et obtiennent des brevets pour cette technologie, et certains poussent à inclure des options de géo-ingénierie dans les systèmes d'échange de droits d'émission de carbone - menant à la perspective effrayante de droits de monopole privés pour modifier le climat.
- La technologie de la géo-ingénierie a évolué à partir des techniques de manipulation météorologique comme les opérations d'ensemencement de nuages pendant la guerre du Vietnam, qui ont conduit au traité ENMOD interdisant l'utilisation hostile de la manipulation météorologique - mais cela est resté sur l'agenda de défense des Etats-Unis et d'autres pays pendant des décennies.273James Rodger Fleming, Réparer le ciel : l'histoire en damier de la météo et du contrôle du climat , New York: Columbia University Press, 2010.
- Le déploiement de la géo-ingénierie viole les traités et les décisions de l'ONU comme ENMOD, la Convention sur la diversité biologique (CDB) et la Convention/Protocole de Londres.
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Annexe 2: Un bref abécédaire de la science
1 Le climat
Depuis 1988, l'humanité a émis la moitié de toutes les émissions historiques de GES.274P. Griffin.Au cours de la même période, les concentrations de CO2 dans l'atmosphère sont passées d'environ 350 parties par million à plus de 410 - le niveau le plus élevé en 800 000 ans et supérieur de 130 à la moyenne préindustrielle.275E. Gamillo, "Le carbone atmosphérique a atteint l'an dernier des niveaux jamais vus depuis 800 000 ans", Science, 2 août 2018, (consulté le 8 août 2019).
L'Accord de Paris de 2015 vise à limiter le réchauffement planétaire à moins de 2 degrés Celsius et à poursuivre les efforts visant à limiter l'augmentation de la température à 1,5 degré Celsius d'ici 2050. Le rapport spécial du GIEC sur le réchauffement de 1,5 degré Celsius (RS 1,5 du GIEC) a été commandé en vertu de l'Accord de Paris pour examiner les implications et les voies de propagation du réchauffement de 1,5 degré Celsius - un scénario qui n'avait pas été examiné dans les rapports précédents du GIEC.
Le rapport “SR 1.5” du GIEC indique que nous avons moins de 12 ans pour limiter les températures à 1,5 degré Celsius - un niveau qui reflétera déjà un monde différent. Les sécheresses extrêmes, les tempêtes, les feux de friches, les sécheresses et les vagues de chaleur mortelles augmenteront en fréquence et en intensité. Dans une cinquantaine d'années, ces vagues de chaleur deviendront régulières au rythme actuel de réchauffement.276S. Russo, J. Sillmann and A. Sterl, “Vagues de chaleur humide à différents niveaux de réchauffement", Rapports scientifiques, volume 7, 7477, août 2017, https://www.nature.com/articles/s41598-017-07536-7 (consulté le 8 août 2019). Résultats de recherche en français
FIG 10.
Nombre moyen d'incendies dans les pays de l'UE
Moyenne 2008-17 par rapport à 2018
Source: European Commission, Copernicus EMS, European Forest Fire Information System
Publié en 2018, le “SR 1.5” décrit quatre scénarios avec une augmentation de 1,5 degré Celsius. Le scénario 1 est le plus ambitieux, car il envisage une transformation rapide et des réductions d'émissions importantes à court terme, l'agriculture, la sylviculture et l'utilisation des terres (AFOLU - un terme qui se rapporte principalement aux écosystèmes et au boisement) produisant des "émissions négatives" pour réduire le CO2 atmosphérique et maintenir les températures mondiales sous 1,5 degré Celsius.
Les scénarios 2, 3 et 4 décrivent des retards dans l'action climatique, avant d'exiger l'expansion massive de l'utilisation de technologies dévastatrices et peu fiables pour l'environnement, telles que la bioénergie avec capture et stockage du carbone (BECCS), pour finalement éliminer le CO2 de l'atmosphère afin d'atteindre l'objectif de 1,5°C d'ici 2050.277Ces technologies sont décrites à l'annexe 1 du présent rapport.Ces scénarios pourraient même signifier "dépassement", c'est-à-dire dépassement temporaire de 1,5°C pendant quelques années ou décennies pendant que l'humanité élimine le CO2 atmosphérique.
S'il est théoriquement possible de limiter le réchauffement à 1,5 degré Celsius sans le déploiement du BECCS, cela nécessiterait des changements radicaux dans les modes de vie et les systèmes économiques - et aucun des modèles scientifiques ne suppose actuellement de tels changements.
2 Biodiversité et environnement
La Plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), l'organisme qui évalue l'état de la biodiversité dans le monde, prévient qu'environ 25 % des espèces des groupes d'animaux et de plantes évalués sont maintenant menacées, avec jusqu'à un million d'espèces en voie d'extinction, dont beaucoup en quelques décennies.278IPBES, A5.Elle cite cinq facteurs clés, tous axés sur le rôle de l'humanité dans la destruction des systèmes naturels :
- Utilisation des terres et de l'eau : Un tiers des terres du monde est actuellement utilisé pour l'agriculture et l'élevage. Entre 1980 et 2000, environ 100 millions d'hectares de forêt tropicale ont été coupés.
- Exploitation : La chasse et le braconnage.
- Ventilation climatique : Une planète qui se réchauffe devient de plus en plus inhospitalière pour les espèces. Les océans plus chauds retiennent moins d'oxygène et la hausse des températures tue les animaux incapables de s'adapter, par exemple.
- Pollution : De la toxicité croissante des plans d'eau à la contamination des océans par le plastique, la pollution humaine affecte profondément le monde naturel.
- Espèces exotiques envahissantes : Lorsqu'une nouvelle espèce animale est introduite dans un habitat où elle n'a pas de prédateurs naturels, elle peut rapidement déplacer les espèces indigènes et perturber l'écologie locale, menaçant la vie locale.
Le rapport de l'IPBES, tout comme le rapport du GIEC sur le climat, établit un lien entre ces changements et l'économie mondiale qui, en cinq décennies, a " presque quadruplé [alors que] le commerce mondial a décuplé, entraînant une augmentation de la demande en énergie et en matériaux”. Divers facteurs économiques, politiques et sociaux, dont le commerce mondial et le découplage spatial de la production et de la consommation, ont modifié les gains et les pertes économiques et environnementaux de la production et de la consommation...279IPBES B4.
La dégradation de l'environnement est plus largement liée à la perte de biodiversité, mais elle s'étend au-delà de celle-ci. La dégradation des sols, l'acidification des océans, la pollution atmosphérique et d'autres sources de dégradation de l'environnement doivent être reconnues dans une transition vers une économie durable, car elles ont un effet profond sur l'avenir de l'humanité.
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Annexe 3: Le cadre des limites planétaires
FIG 11.
Cadre des limites planétaires
Neuf frontières planétaires à l'intérieur desquelles nous pouvons continuer à nous développer
KEY
1 Climate Change
2 Novel entities
3 Stratospheric Ozone Depletion
4 Atmospheric Aerosol Loading
5 Ocean acidification
6 Biochemical flows
a. Phosphorus
b. Nitrogen
7 Freshwater use
8 Land-system change
9 Biosphere integrity
a. Functional diversity
b. Genetic diversity
Le "cadre des frontières planétaires ", élaboré par le Centre de résilience de Stockholm, définit “l'espace opérationnel sûr pour l'humanité " à travers les principaux systèmes naturels, comme le montre la figure ci-dessus. Le cadre des frontières planétaires utilise trois concepts centraux pour décrire les risques des impacts humains sur les systèmes naturels :
- Seuil : Un " point de basculement " peut être déclenché si l'activité humaine pousse un système naturel au-delà du seuil de son état stable, provoquant un changement brusque et peut-être irréversible dans le fonctionnement du système. Un exemple en est la fonte du permafrost, qui libère d'énormes quantités de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, déclenchant un réchauffement planétaire incontrôlable. Les systèmes les plus à risque de franchir un seuil sont marqués en rouge dans la figure ci-dessus.
- Limite : Une estimation de la " distance de sécurité " d'un seuil. Les systèmes qui dépassent les limites et pénètrent dans un espace dangereux sont marqués en jaune, tandis que ceux qui n'ont pas encore franchi les limites de sécurité sont marqués en vert.
- Incertitude : Le comportement des systèmes naturels est très complexe et incertain. Par exemple, il est impossible de quantifier et d'anticiper le moment où certains ou de nombreux systèmes naturels pourraient passer un point de basculement. Le cadre utilise donc trois zones - sûre, à risque croissant et à risque élevé - pour donner une indication globale de la santé des systèmes naturels.
Comme toute transgression de ces frontières planétaires peut avoir des conséquences catastrophiques à la fois pour les populations et pour la planète, le cadre constitue un outil précieux pour les décideurs politiques qui cherchent à fonder leur législation à la fois sur la science et la précaution.